L’Homme de Néandertal s’invite dans une des salles d’expositions du Frac Bretagne, et ce jusqu’au 2 janvier 2022. Avec humour, l’artiste anglais Nathaniel Mellors s’empare des stéréotypes autour de la figure du premier homme pour mieux les contredire en vidéos.

Jusqu’au 2 janvier 2022, une brise automnale envahit le bâtiment du Frac Bretagne avant de pénétrer ses espaces. Le Fonds Régional d’Art Contemporain se pare d’une multitude de couleurs, pêchues pour la saison, avec trois propositions artistiques : la photographe française Louise Mutrel souffle Un vent violet sur la façade signée de l’architecte Odile Decq et la première salle d’exposition revient sur les acquisitions de Ces dernières années. En clôture, l’Anglais Nathaniel Mellors part à la rencontre de l’homme de Néandertal dans Permanent presents.

Pour la première fois, l’intégralité de la série de films de l’artiste anglais, réalisée depuis 2012, est exposée dans un seul lieu. Soit deux heures de projection divisées en trois vidéos : The Sophistical Neanderthal Interview (2012), Neanderthal (2014) et Neanderthal Crucifixion (2021) et un épisode de la série télévisée, Our House (2010- ).

Plongé dans l’obscurité dès l’entrée de la salle, le Frac Bretagne propose une exposition totalement immersive dans laquelle le public fait face à dix ans de travail autour de la figure de l’homme de Néandertal, protagoniste de l’histoire de l’artiste anglais Nathaniel Mellors. Pour rappel, l’Homo Erectus a donné naissance à l’Homo Sapiens (homme sage) dont le premier est l’Homo Neanderthalensis (homme de Néandertal). Il a vécu en Europe, au Moyen-Orient et en Asie il y a 500 000 ans. « C’est en quelque sorte l’histoire de l’homme de Néandertal d’être totalement séparation de celle de l’Homo Sapiens, considéré comme une chose. Et ça dans l’idée qu’il est très stupide et pas vraiment humain, une sorte de figure mi-homme, mi-bête, un chaînon manquant », explique l’artiste anglais. Cependant, considéré universellement comme l’outsider de l’évolution humaine, le marginal, l’homme de Néandertal retrouve peu à peu ses lettres de noblesse et sa place dans l’évolution humaine grâce à l’évolution de la science. De sous-espèce, il est enfin considéré comme une espèce à part entière.

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Vue de l’exposition Permanent Presents, de Nathaniel Mellors © Frac Bretagne

Nathaniel Mellors s’empare de ce stéréotype pour mieux le contredire. De ses réflexions sur le sujet naît une production étonnante où le familier flirte avec l’absurde, le tout dans un humour noir savamment employé et typiquement anglais. « Je suis très intéressé par le sérieux de l’humour et par une forme d’humour située entre le drôle et le pas très drôle qui aurait un effet déstabilisant sur le spectateur […] Ce sens de la maladresse et de l’humour m’attire vraiment. » Une multitude de genres se rencontre (la science-fiction, le burlesque, l’horreur, sitcom, théâtre ou encore le cartoon) et interpelle le public sur cette création absurdement poétique. Une création enrichie par un travail de sculpture et de photogrammes, tirages photographiques réalisés sans négatif, qui donne à ses réalisations une dimension horrifiquement comique.

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Nathaniel Mellors, Neandertal Prelaps © Nathaniel Mellors. Crédit photo – Aaron Kovalchik

À titre d’exemple, le but n’étant pas de dévoiler l’ensemble du contenu de l’exposition, The Sophistical Neanderthal Interview (2012), tourné dans le Canyon Bronson à Hollywood, met en scène une personne contemporaine (et naïve) qui rencontre un « vrai » Néandertalien. Adaptant une approche d’anthropologiste, il essaie de l’interviewer, mais surprise, « l’homme des cavernes », que l’on pensait totalement dénué d’intelligence, se révèle plus malin que lui. Il joue avec lui, se moquant même ouvertement de lui. « Je pense que, d’une certaine manière, ça reflète beaucoup de trajectoires sociales sur la chosification de groupes plus marginaux, qu’il s’agisse des femmes au sein du patriarcat, de la séparation raciale, sexuelle ou de classe », explique l’article. « Et le Néandertalien introduit cette idée de lui-même en tant qu’artiste. »

Les deux autres vidéos suivent cette même ligne artistique, de réhabilitation du Néandertalien par la comédie, dans une sorte de performance artistique continue. Dernier opus de la trilogie réalisé pendant le confinement et produit par le Frac Bretagne, Neanderthal Crucifixion (2021) est inspiré de la pièce de Jean Cocteau La Voix Humaine. On y voit le Néandertalien faire une dépression au téléphone. Risible certes, mais n’est-il pas possible de s’identifier ? Ainsi, peut-être pouvons-nous voir en la figure de cet ancêtre, le porte parole de minorités exclues de la société, car peut-être trop différentes (selon qui ?) pour y être intégrées. Alors que, après tout, comme le souligne Nathaniel Mellors, « nous avons tous une part de lui en nous ».

LE FRAC BRETAGNE EST OUVERT DU MARDI AU DIMANCHE, DE 12H À 19H

PERMANENT PRESENTS de Nathaniel Mellors du 8 octobre 2021 au 2 janvier 2022 au Frac Bretagne, Rennes. Avec le soutien de Fluxus Art Projects.

Le Frac Bretagne réunit pour la première fois l’intégralité de la série de films autour de la figure de l’Homme de Néandertal produite par l’artiste britannique Nathaniel Mellors depuis 2012. Dans Neanderthal Crucifixion (2021), dernier opus de la trilogie produit par le Frac Bretagne, notamment influencée par la pièce de Jean Cocteau La Voix Humaine, on voit le Néandertalien faire une dépression au téléphone. Peut-être que le personnage est crucifié dans la pièce, comme une sorte de crucifixion à petite échelle.

De nombreuses ressources sont à télécharger sur le site du FRAC.

Nathaniel Mellors

Nathaniel Mellors (1974, Grande-Bretagne). Nathaniel Mellors développe un art basé sur la réalisation de films, de l’écriture des scénarios aux tournages au cours desquels il s’entoure d’acteurs comme Patrick Kennedy ou David Birkin. À ces films s’ajoute un travail autour de la sculpture ou encore des photogrammes. Ses œuvres sont pleines d’humour, elles sont irrévérencieuses et absurdes parfois, poétiques souvent mais bien que décalées, elles évoquent les thèmes de la possession, de l’histoire et du pouvoir. En utilisant les techniques de la fiction cinématographique, il insère ses œuvres dans un contexte déterminé et ancre son propos dans une réalité sociale qu’il questionne et analyse. Il s’interroge sur nos goûts, notre morale, nos habitudes et autres idées ancrées dans notre mémoire collective. Nathaniel Mellors est diplômé du Royal College of Art de Londres en 2001. Son travail a notamment été présenté au Hammer Museum de los Angeles et à la Galerie art : concept, Paris (2014) ; à la 57e Biennale de Venise avec Erkka Nissinen pour le Pavillon Finlandais (2017) ; au New Museum de New-York (2018) ; à The Box, Los Angeles et à la Matt’s Gallery de Londres (2019).

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