Céramique, broderie, nouage, teinture, dessins, gaufrage… Avec « Mélodie des terres », Catherine Fontaine explore toutes les techniques qui la relient à la matière et à la nature. Elle y glisse quelques beaux textes pour une œuvre poétique et épurée, à découvrir à la galerie du Faouëdic du 14 janvier au 27 mars 2022.

Catherine Fontaine
Catherine Fontaine

Présentation de l’exposition « Mélodie des terres » par l’artiste

J’ai choisi ces mots de Virginia Woolf « … il y a le moule de la phrase, qui demande à être rempli » car ils expriment la présence d’un vide dans lequel s’ouvre l’appel d’une forme mais aussi la complexité d’une quête difficile à cerner.

Le livre « Le jardin d’Orphée » est associé à une dimension cyclique du temps. Orphée perd Eurydice à deux reprises, il meurt déchiqueté par les Ménades et malgré tout, le mythe demeure associé à l’idée de renaissance et de palingénésie.

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Le livre de Niros Malek « Le promeneur d’Alep », porte un questionnement douloureux sur l’art en temps de guerre : comment peut-il rester essentiel pour survivre à la douleur et témoigner, là où la destruction d’un patrimoine et des personnes semblent indiquer un effondrement du monde ?

Dans la première salle de la galerie, une neige de lettres de porcelaine s’inscrit dans l’espace, recueillie par des bols posés au sol. Ces lignes de lettres sont constituées de poèmes sur la neige, écrits par des auteurs très divers, Christian Dotremont, Philippe Jaccottet, Octavio Paz, entre autres. Neige, montagnes, jardins sont liés pour moi aux paysages de l’enfance.

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« La bibliothèque des vases » a été dessinée sur le schéma de la « Sonate des origines » (Ursonate) de Kurt Schwitters. Je l’ai mise en relation avec un texte extrait du Journal de Virginia Woolf, qui rêve d’écrire « quatre lignes en même temps », une partition complexe. Les vases ont de tout temps été une surface d’inscription. Ils appellent les fleurs. Comme le jardin, le vase est un fragment de paysage. Les émaux réalisés à partir de cendres de végétaux et d’eaux ramenées de lacs d’altitude ou de torrents de montagne, renforcent ce lien avec le paysage et ses éléments constitutifs. Chaque émail est associé à un lieu. L’écrivaine Marie-Hélène Lafon m’a envoyé des cendres d’herbe du Cantal, j’en ai reçu d’autres de Corrèze, des montagnes d’Italie. Les cendres d’herbes donnent des émaux différents selon la nature des fleurs, marguerites ou coquelicots, selon les lieux, les saisons… Travailler avec les cendres comme base de la constitution d’un émail est un chemin, une aventure. Deux installations de céramiques, présentées sur des tables basses, complètent la bibliothèque des vases. Elles sont toutes deux inspirées par un rapport au jardin. La première « Pluie sur le jardin de Dungueness » est un hommage au jardin créé par le cinéaste Derek Jarman, alors qu’il était atteint du sida. J’aime ce jardin de résilience, hanté de sculptures étranges créées avec des galets ou des objets récoltés sur le rivage. La personnalité de Derek Jarman, son amour des tissus et sa façon de porter un regard si attentif sur les plantes, m’ont amenée à cette réalisation.

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Sur cette installation de céramiques, tombe une pluie de lettres de porcelaine grise constituée de textes de Derek Jarman. J’ai choisi pour les céramiques des cendres de coquelicot, de lavande, ces « herbes des fossés » que Derek Jarman appréciait particulièrement.

La deuxième installation « Jardin zen », est inspirée par les jardins japonais, notamment les jardins de mousse, qu’évoque le livre de Véronique Brindeau « Louange des mousses ». Certains haïkus, des poèmes de Thomas Vinau et les « Notes du ravin » de Philippe Jaccottet, s’inscrivent dans ces céramiques de roches et de porcelaine.

Une phrase de Marie-Hélène Lafon « Habiter la phrase comme on habiterait un pays », s’inscrit d’autre part dans une installation de miniatures textiles présentée comme les lignes d’un haïku.

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Sont présentés également un ensemble de tissus travaillés avec des techniques anciennes de nouage. Certains sont des productions plus anciennes car mon travail avec la matière a commencé par le travail de la soie et des teintures végétales. Je me suis intéressée dès le départ à des cultures diverses : techniques de nouage de la soie d’Inde ou du Japon, tissus coptes ou africains, tissages des indiens Kogis…

Un grand tissu réalisé en soie sauvage, partiellement sérigraphié de mots, est une réalisation récente ainsi que tous les travaux réalisés avec du papier et des techniques de nouage qui sont un héritage de ce travail sur le textile. Dessins, livres d’artistes complètent cette exposition, comme autant de jalons d’un travail qui s’est développé au fil des années en empruntant différents médiums mais animé d’une même recherche et d’un rapport très profond au paysage et aux mots.

« Le dessin, de l’écriture dénouée et renouée autrement », Alechinsky. L’écriture a toujours été au coeur de mon travail. L’écriture poétique notamment, ou la prose, lorsqu’elle est habitée, comme la poésie, d’un désir et d’une impossibilité de faire corps avec le monde, d’en être une chambre d’écho. Il s’agit pour moi d’inscrire une écriture dans la matière, comme si l’écriture devait se réaccorder au monde, comme si elle venait de très loin, là où elle n’était que traces, balbutiements, signes, fragments exhumés d’un lointain. C’est pourquoi l’écriture, visible ou invisible, habite mon travail, comme une musique ou une source d’inspiration.

Catherine Fontaine

Autour de l’exposition

Samedi 29 janvier à 15h

Visite commentée de l’exposition par l’artiste,
en dialogue avec l’écrivaine Marie-Hélène Lafon qui fera lecture de quelques textes en lien avec les thématiques de l’exposition*
*Marie-Hélène Lafon sera à la librairie À la ligne pour une rencontre-dédicace, 11 rue Auguste Nayel à Lorient vendredi 28 janvier Renseignements au 09 84 42 95 04

Mardi 15 février à 12h30

Visite commentée de l’exposition par l’artiste

Samedi 12 mars à 15h

Visite commentée de l’exposition par l’artiste, enrichie d’une traduction en Langue des Signes Française (LSF).

Jeudi 17 mars à 19h30

Concert par le groupe vocal Nachtigall
Direction de chœur : Antoine Strub
Les quinze lycéennes et lycéens de l’ensemble Nachtigall (formation du Conservatoire de Lorient) offriront un programme où dialogueront chant de travail sud-africain, élégie géorgienne, poésie en arabe classique du 12e siècle, canon à boire italien baroque, rock des années 90, blues du début 20e et gospel traditionnel.

Samedi 26 mars à 15h

Lecture et musique
La musicienne et calligraphe Catherine Denis fera une lecture des textes présents dans l’exposition « Neige de mots » et d’un texte de Virginia Woolf extrait du livre « Les vagues », en lien avec des créations musicales conçues pour ces textes par le guitariste Dimitri Masseboeuf.

Tous ces rendez-vous sont en accès libre et gratuit. Ils seront organisés en fonction des règles sanitaires du moment.

Catherine Fontaine

Repères biographiques

Catherine Fontaine a grandi en Haute-Savoie, dans une maison isolée, face à la chaîne du Mont Blanc. Ces paysages de montagne ont été essentiels pour elle. Elle fait des études de lettres classiques au lycée Édouard Herriot à Lyon (hypokhâgne, khâgne) puis aux Beaux-Arts de Genève et aux Arts Décoratifs (en typographie).

À partir de 1978, elle commence à s’intéresser au travail avec le tissu et se passionne pour les techniques anciennes. Elle poursuit le travail autour de cette matière de 1980 à 1989. Elle présente ses créations textiles à la galerie Garabédian à Genève.

En 1985, elle expose à la deuxième triennale des jeunes peintres et sculpteurs de Suisse romande, Manoir de la ville de Martigny et l’année suivante à la galerie Faust à Genève.
En 1988, elle travaille à la comédie de Genève avec Werner Strub (masques en fil).

En 1989, elle enseigne les arts appliqués à Lyon puis obtient une agrégation d’arts plastiques en 1993. Elle enseigne alors au lycée La Martinière à Lyon puis s’installe à Lorient où elle poursuit sa carrière d’enseignante en arts plastiques au lycée Dupuy De Lôme de 1995 à 2018.

Parallèlement à l’enseignement elle poursuit ses recherches artistiques personnelles qu’elle dévoile chaque année le temps d’un week-end aux visiteurs des Ateliers ouverts à Lorient de 2013 à 2017.

En mars et avril 2018, elle expose à la médiathèque de Quéven un travail réalisé à partir d’un texte de Marie-Hélène Lafon, à l’occasion d’une rencontre avec l’écrivaine.

Ses références littéraires et artistiques

Catherine Fontaine s’est beaucoup intéressée au mouvement de la poésie concrète, à la déconstruction du langage opérée par différents mouvements du début du siècle, notamment le mouvement Dada, et aux typographes qui ont réfléchi le rapport au langage, aux artistes qui ont travaillé à la frontière entre art et poésie. La lecture de la poésie a été essentielle. L’écriture de son compagnon, Jean-Louis Masseboeuf, a eu beaucoup d’importance dans son travail. Dès les premières années, il y a eu un dialogue entre l’écriture de Jean-Louis Masseboeuf et son activité artistique, l’un inspirant l’autre et réciproquement. D’autres écrivains ont beaucoup compté ces dernières années dans son travail comme Marie-Hélène Lafon ou Niros Malek. L’écriture de certains poètes lui parle profondément : Philippe Jaccottet, Octavio Paz, Christian Dotremont, Mallarmé, Schwitters, Thomas Vinau et bien d’autres.

Dès le début de son travail, elle s’est inspirée de cultures très diverses, égyptiennes, coptes, tibétaines, époque archaïque de la Grèce, indiens kogis, art des indiens du Nord. D’autres références contemporaines ont guidé son travail, nombreuses, variables selon les périodes. La peinture de Morandi a été très présente tout au long du travail sur une bibliothèque de vases, l’Ursonate de Schwitters en a inspiré la forme d’ensemble.

Catherine Fontaine
Catherine Fontaine à la galerie en 2021 exposait Le jardin d’Orphée

CATHERINE FONTAINE

24 rue Jean Lender

56100 

LORIENT

catherinefontainemas@gmail.com

06 41 58 44 21

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