Biennale d’art dans la nature, le principe des Étangs d’art consiste en une installation d’œuvres in situ sur des… étangs du pays de Brocéliande (Montfort-sur-Meu, Talensac, Iffendic, Treffendel et Plélan-le-Grand). Douze artistes profitent du miroir qu’offrent ces surfaces liquides pour magnifier leur œuvre. Rencontre avec Philippe Lerestif, instigateur et président de cette manifestation unique.

 

Unidivers – Tributaire des aléas de la nature, votre choix ne doit pas être simple à mener…

Philippe Lerestif – Le pari semble un peu fou et non sans difficultés pour les artistes qui relèvent le défi tous les deux ans. Etangs d’art est le fer de lance d’une aventure humaine, hédoniste, un moyen pour tous de découvrir d’un point de vue sensible la nature et la relation qu’elle entretient avec l’Homme par le biais d’installations éphémères

U. Cette année, le thème est « Imprévisible(s) ». Vous en rajoutez un peu dans le risque, non ?

P.L. : Chaque artiste tente à sa manière de définir le sens du thème imposé, à l’encontre de tout déterminisme. Nous sommes conduits au regard des œuvres, à nous poser la question de la place du hasard dans les événements qui rythment nos vies. Le hasard c’est ce qui engendre l’imprévisible, c’est-à-dire ce qu’on n’a pas encore vu, pas encore pensé. C’est ce qui prend forme sous nos yeux sans qu’on l’ait envisagé. Nous sommes bien là au cœur même du principe créatif, de ce qui fait l’artistique. De même, quand la nature joue avec le hasard elle nous apporte une vision onirique, décalée, parfois inquiétante, mais de toute façon surprenante du monde. Oui à bien y réfléchir et pour contrecarrer la vision d’Einstein, Dieu jouerait avec des dés (« Gott würfelt nicht »)…

U. : Et les artistes jouent avec quoi ?

P.L. : Du bois, de l’ardoise, différents types d’acier, du polystyrène, du polyuréthane, du PVC, du contreplaqué de marine, et bien sûr des matériaux « naturels » comme des arbres morts, des branches, des lianes…Il faut que l’œuvre dure trois mois.

U. : Ces œuvres sont-elles là uniquement pour faire joli ?

PL. : Non, bien sûr (rires). Elles veulent aussi interroger nos certitudes et nous mettre dans un état contemplatif. Fondues dans le réel, elles nous invitent au dialogue à la fois avec nous même et avec la nature. Le poisson emprisonné d’Antoine Milian soumis par les vents représente l’impossibilité d’être libre. Le nageur de Roland Cros surpris par un poisson géant semble fuir ses propres peurs. En référence au Styx, Véronique Matteudi représente avec Ultimo le passage de la vie vers la mort. Très poétiques, les Pétales d’O de Guillaume Castel viennent reposer sur une eau régénératrice.

Avec son Nid pour nos utopies, Xavier Rijs essaye de faire corps avec le monde en acceptant le bien et le mal, l’endroit et l’envers des choses. Au-delà de l’humour, Céline et Louis Sicard tentent de sublimer le réel en se mettant à la place du pêcheur, offrant un point de vue narcissique de l’Homme face à l’environnement. Avec Imago, la déesse de l’étang, Régis Poisson conduit le visiteur à se sentir l’intrus dans son territoire.

U. : Particulièrement générateur d’imprévu, l’univers du jeu est naturellement assez présent.

P.L. : Oui, par les cartes, les toupies et les dés. « Attention ! » prévient Mireille Belle dont l’œuvre rappelle que tout édifice créé par l’homme peut l’emporter dans sa chute. « Jetons les dés avant tout acte décisionnaire et nous verrons bien ce qu’il adviendra », c’est le postulat du Coup de dés de Sylvaine et Arnaud de la Sablière. « À force de tourner, parviendront-elles à retrouver le bon sens ? » se demande Philippe Vaz Coatelant avec ses toupies.

U. : À quel jeu doit se livrer le visiteur ? Celui de l’oie ou du jeu de piste ?

P.L. : À sa guise ! Nous avons édité une brochure avec l’emplacement des étangs de Montfort-sur-Meu, de Talensac, d’Iffendic, de Treffendel et de Plélan-le-Grand. On peut se les procurer dans les offices de tourisme de Montfort, de Paimpont, de Rennes et dans la librairie Un fil à la page, à Mordelles. Ceux qui désirent se laisser porter choisiront les visites guidées gratuites du samedi prévues par l’O.T. de Montfort-sur-Meu. Les plus sportifs disposent de trois boucles en vélo de 12 à 25 kms, à faire en famille.

Étangs d’Art
Pays de Brocéliande
Montfort-sur-Meu
Bretagne
35160
France
http://etangsdart.fr


Un catalogue conçu comme un reportage retrace des moments pris sur le vif par le photographe Pascal Glais lors de l’installation des œuvres (10 €). Voir dessous l’installation de Mireille Belle.

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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