Les Bretons en tiennent un : un Académicien. Connu sous le nom d’Erik Orsenna, il est de toutes les coteries bretonnes. Certains l’ont vu lors de l’inauguration des Champs Libres en 2006 aux côtés de l’ex-maire de Rennes, Edmond Hervé. D’autres l’ont croisé lors du Goncourt des Lycéens. Il était mardi dernier 14 mars à Rennes afin de présenter son dernier ouvrage, Sur la route du papier (éditions Stock). Pour le plus grand plaisir de tous.

Sous les lambris du journal Ouest-France, l’écrivain était très à l’aise, mais vraiment à l’aise. Micro la main, il avait le verbe haut et la blague facile. Quoi de plus normal, il était presque chez lui. « Je suis heureux de retrouver Rennes, » a-t-il confié, grand sourire aux lèvres. « Ici, je suis à la porte de mon pays, dans ma maison. » Dans la capitale bretonne, Erik Orsenna a dédicacé à tour de bras son ouvrage. Mais son passage fut aussi l’occasion de seriner son affection pour la Bretagne et les Bretons. « Partout où vous allez dans le monde, vous tombez sur un Breton. C’est le réseau le plus efficace qui existe avec… Internet. »

« Tu ne peux pas comprendre. Tu es du Trieux, moi du Jaudy »

En flattant l’égo bretonnant, Erik Orsenna est apparu au public bien plus que sympathique. Il s’est révélé jovial et attachant quand il a évoqué son attachement pour Lanmodez. On lui a même pardonné cet intermède irrespectueux envers les « petits gars de chez nous », un peu trop attachés à leur pré carré. « Un jour, à Sumatra, j’ai rencontré un Breton qui m’a dit : “Toi, si j’ai bien compris, tu habitais à côté de la rivière du Trieux. Tu ne peux donc me comprendre : je pêchais dans le Jaudy.”

Comme lui, à l’autre bout du monde, beaucoup de Bretons ont partagé ces dialogues “surréalistes”. “Depuis l’enfance, j’ai appris à vivre avec cela,” confie-t-il. À chaque fois, il en est toujours un peu surpris. Mais la surprise est vite oubliée par la franche camaraderie qu’on vit loin de la Bretagne. “En Australie ou encore au Brésil, les Bretons deviennent très vite copains,” assure-t-il à un journaliste.

En l’écoutant, le public en aurait presque négligé son dernier livre, Sur la route du papier.  Orsenna, non…Breton futé (ce n’est pas péjoratif, je vous l’assure), il revient à son ouvrage, distillant ici où là de savoureuses anecdotes bretonnes. Savez-vous que l’un des grands spécialistes du papier habite Plogonnec, non loin de Quimper. Un matin pluvieux d’octobre, l’écrivain a même retrouvé le savant, derrière l’église de Plogonnec, rue de la presqu’île, dans l’ancienne maison du notaire.

Sans plus tarder, le maître donna une leçon à Erik Orsenna. ‘En Chine, les papiers étaient faits de fibres végétales broyées, principalement du chanvre. Il y avait aussi du lin, du bambou, de l’écorce de mûrier, affirma le savant. Certains parlent de restes de vêtements et même de filets de pêche pourris….’ De là à mettre de l’amidon dans nos galettes de sarrasin pour en faire du papier, il n’y a qu’un pas que l’on n’ose franchir…

Jean-Christophe Collet

 

Erik Orsenna, Sur la route du papier, aux éditions Stock, février 2012, 306 pages,  dans toutes les bonnes librairies.

« Un jour, je me suis dit que je ne l’avais jamais remercié. Pourtant je lui devais mes lectures. Et que serais-je, qui serais-je sans lire et surtout sans avoir lu ? Pourtant, c’est sur son dos que chaque matin, depuis près de soixante années, je tente de faire avancer pas à pas et gomme aidant mes histoires. Et que serait ma vie sans raconter ? Je n’avais que trop tardé. L’heure était venue de lui rendre hommage. D’autant qu’on le disait fragile et menacé. Alors j’ai pris la route. Sa route.
De la Chine à la forêt canadienne, en passant par la Finlande, la Suède, la Russie, l’Inde, le Japon, l’Indonésie, Samarcande, le Brésil, l’Italie, le Portugal et bien sûr la France, j’ai rendu visite aux souvenirs les plus anciens du papier. Mais je me suis aussi émerveillé devant les technologies les plus modernes, celles qui, par exemple, arrivent à greffer des virus capables de tuer les bactéries, celle qui, grâce à des impressions électroniques, permettent de renseigner sur le parcours d’un colis les chocs qu’il a reçus et si les conditions d’hygiène et de froid ont tout du long bien été respectées.
Cher papier ! Chère pâte magique de fibres végétales ! Chère antiquité en même temps que pointe de la modernité ! La planète et le papier vivent ensemble depuis si longtemps : plus de deux mille ans. Le papier est de la planète sans doute le miroir le plus fidèle et par suite le moins complaisant. »

« Un jour, je me suis dit que je ne l’avais jamais remercié. Pourtant je lui devais mes lectures. Et que serais-je, qui serais-je sans lire et surtout sans avoir lu ? Pourtant, c’est sur son dos que chaque matin, depuis près de soixante années, je tente de faire avancer pas à pas et gomme aidant mes histoires. Et que serait ma vie sans raconter ? Je n’avais que trop tardé. L’heure était venue de lui rendre hommage. D’autant qu’on le disait fragile et menacé. Alors j’ai pris la route. Sa route.
De la Chine à la forêt canadienne, en passant par la Finlande, la Suède, la Russie, l’Inde, le Japon, l’Indonésie, Samarcande, le Brésil, l’Italie, le Portugal et bien sûr la France, j’ai rendu visite aux souvenirs les plus anciens du papier. Mais je me suis aussi émerveillé devant les technologies les plus modernes, celles qui, par exemple, arrivent à greffer des virus capables de tuer les bactéries, celle qui, grâce à des impressions électroniques, permettent de renseigner sur le parcours d’un colis les chocs qu’il a reçus et si les conditions d’hygiène et de froid ont tout du long bien été respectées.
Cher papier ! Chère pâte magique de fibres végétales ! Chère antiquité en même temps que pointe de la modernité ! La planète et le papier vivent ensemble depuis si longtemps : plus de deux mille ans. Le papier est de la planète sans doute le miroir le plus fidèle et par suite le moins complaisant.»

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