Depuis le 5 juin un nouveau livre est disponible sur le web et bientôt dans les librairies rennaises. L’auteure, Yseult Le Goarnig, jeune étudiante de 20 ans, habite en effet notre bonne ville. Toujours à l’affût, Manon Deniau a voulu en savoir davantage sur ce projet ambitieux. Elle relate sur son blog et sur Unidivers le premier tome de la trilogie le Carrefour des Parallèles, un roman de fantasy intitulé La Métropole du Vide (n’allez pas croire à une allusion irrévérencieuse à la Ville de Rennes). Rencontre.

Manon Deniau – 20 ans, étudiante à Rennes 2 en licence Arts du spectacle, une forte fibre artistique. Tu as remporté le troisième prix ex æquo du concours de nouvelles « Faites court ! » cette année et ton premier livre, La Métropole du Vide, vient de sortir. Depuis quand as-tu un désir de création littéraire ? Est-ce une passade ou une voie vers laquelle tu veux t’orienter ?

 Yseult Le Goarnig – J’ai commencé à écrire à neuf ans, dans le cadre d’un concours pour enfants organisé par Disney Channel. C’est là que j’ai découvert le plaisir d’inventer des histoires. Très vite, l’écriture est devenue un défi pour moi. J’avais une intrigue en tête que je voulais faire connaître et j’ai voulu en faire un livre. Je me suis laissé prendre au jeu de l’écriture et au fil des années, c’est devenu une seconde peau. Maintenant, je sais que je ne m’arrêterai probablement jamais, ça fait partie de mon quotidien. Je n’aimerais pas faire que cela, mais c’est bien plus qu’une passade en tout cas. Je construis mes projets autour de ce que j’écris.

Le concours de nouvelles portait sur l’exposition Images d’Alice au pays des merveilles (cf. notre article). Le nom de ta nouvelle s’intitule « La mort d’une muse ». À qui fais-tu référence ? Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Je savais que Lewis Carroll s’était inspiré d’une vraie petite fille pour son personnage d’Alice au Pays des Merveilles, et c’est de là que je suis partie pour ma nouvelle. J’ai voulu mélanger réalité et fiction en imaginant Alice Liddell, la petite fille en question, en vieille femme cherchant à retrouver son propre exemplaire d’Alice au Pays des Merveilles, dédicacé par Lewis Carroll quand elle était enfant. La nouvelle retrace les dernières heures de cette femme et montre comment elle serait parvenue à ses fins. Le titre « La Mort d’une Muse » la concerne : l’histoire s’achève sur le décès d’Alice Liddell, muse de Lewis Carroll.

Qu’est-ce que l’univers de Carroll et cette exposition, étonnante et riche, t’ont inspiré ?

J’ai adoré l’exposition de Rennes, surtout qu’une grande partie était justement dédiée à Alice Liddell ! J’ai pu me documenter un peu sur place, du coup. J’ai découvert aussi les illustrations de Rebecca Dautremer, dont je suis devenue une grande fan depuis. Ses versions du conte sont assez sombres, avec une Alice brune, un peu mélancolique et perdue dans un monde angoissant. C’est cette facette-là de Lewis Carroll que je préfère : le côté décalé qui étouffe, au-delà du merveilleux, et un univers bien plus glaçant qu’il n’y paraît à première vue. C’est toute la force de son univers, je trouve.

Ton premier livre est un thriller fantastique, paru mardi dernier. À 20 ans, ce n’est pas anodin. Peux-tu raconter comment tu as rencontré Ceolbosca Productions ?

En fait, on pourrait dire que j’ai sorti ce livre en indépendant. Ceolbosca Productions est en réalité un petit label familial créé par ma mère sous le nom de Korig’Ann Productions quand elle était jeune : elle produisait des disques de musique folk. On a sorti mon livre en ouvrant une section édition spécialement pour La Métropole du Vide, et la société est devenue Ceolbosca Productions.

Depuis quand as-tu eu l’idée d’écrire un livre ?

J’ai commencé la première version du Carrefour des Parallèles vers treize-quatorze ans. L’histoire n’avait pratiquement rien à voir avec celle d’aujourd’hui, mais j’avais déjà assez de matière pour faire un gros manuscrit. Seuls le monde en lui-même et certains personnages sont restés, le thème a changé par la suite. Mais je pensais déjà à une publication à ce moment-là.

Quelles sont tes influences littéraires ?

Je suis une grande fan de Robin Hobb, qui a écrit Le cycle de l’Assassin Royal. C’est un peu un modèle pour moi en fantasy, parce qu’elle combine à merveille des personnages fouillés et des éléments fantastiques très typés, elle a vraiment son monde à elle. Sinon, j’adore Le Parfum de Patrick Süskind. Le style, l’ambiance, l’antihéros, l’idée des odeurs qui peuvent hypnotiser les foules, tout me fascine dans cette histoire. Et puis parmi les classiques, j’ai été très marquée par le Portrait de Dorian Gray, 1984 ou bien les poèmes de Baudelaire. Tous m’ont inspiré à leur façon.

Le Carrefour des Parallèles est une saga. Peux-tu en raconter l’histoire ?

Il y a deux façons de planter le décor. D’emblée, c’est une fantasy qui suit le parcours d’une petite fille qu’on dit maudite et qui va devoir évoluer dans une ville hostile, la fameuse Métropole du Vide, pour y trouver des réponses sur son identité. En filigrane, c’est une métaphore, qui parle d’un monde où l’Art est interdit. Je préfère m’arrêter là sinon j’en dirai trop !

Le « Carrefour des parallèles », qu’est-ce que cela signifie ?

Même réponse, j’en dirais trop si je réponds…

Écrire un premier tome signifie une suite. Tu as une trilogie en tête ?

Oui, et le deuxième tome est en cours. Je sais depuis longtemps ce que je veux y mettre, c’est la partie de l’histoire qui me plaît le plus et j’ai hâte de pouvoir enfin lui donner forme comme je l’imaginais. La fin de la Métropole du Vide appelle naturellement une suite.

Quel est le fil conducteur de cette trilogie ?

C’est l’art interdit justement, ou plutôt l’expression artistique vue sous plusieurs angles qui sert de toile de fond. J’adore écrire là-dessus à travers une fiction, dans un univers imaginaire, même s’il ressemble au notre par moments. Tout ça brouille les pistes et multiplie les sens possibles. J’avance masquée, on pourrait dire !

Justement, ce thème d’une dictature des Arts, est-ce en rapport avec tes études ? Penses-tu que les Arts, que ce soit cinéma, théâtre ou littérature, sont menacés ?

J’ai eu cette idée avant de commencer mes études. C’est le film Les Chats Persans qui m’a servi de déclencheur, je crois que c’était en 2009. L’histoire suit un groupe de jeunes musiciens en Iran forcés de jouer clandestinement dans des souterrains pour échapper à l’interdiction du rock. Je ne suis pas une grande fan du film en lui-même, mais quand il est sorti et que sa promotion a commencé sur les chaînes télé, j’ai appris qu’il présentait assez fidèlement la situation iranienne. Ça m’a énormément marquée, je ne savais même pas qu’on pouvait interdire la musique. Je suis restée tellement bouche bée que ça m’a donné des idées. À partir de là, j’ai reconstruit totalement mon intrigue.

Que penses-tu de la situation artistique rennaise ?

Je viens de la campagne et découvrir Rennes m’a ouvert de nouveaux horizons. Le théâtre, les expos, tout ça c’était assez nouveau pour moi quand je suis arrivée. Même si je n’ai pas vu le quart de ce qui est proposé dans la ville, j’ai vraiment découvert de belles choses. Mais ma passion principale étant le cinéma, c’est surtout dans les salles obscures que je passe beaucoup de temps.

Sur le site de ton livre, il y a un petit clin d’œil à tes études, le cinéma. Comment penses-tu concilier ces deux amours ?

Mon grand rêve serait d’adapter moi-même Le Carrefour des Parallèles au cinéma une fois les livres terminés. Scénario et réalisation m’attirent énormément. Écrire et tourner des films est mon grand objectif depuis plusieurs années.

Est-ce que le cinéma t’a aidé à écrire ce livre, à le « visualiser » ?

Le cinéma m’a beaucoup plus aidée que la littérature, au final ! C’est ma plus grande source d’inspiration, avec la musique. Le livre s’ouvre sur une citation de Pink Floyd. J’ai glissé plein de clins d’œil à des films que j’aime au sein de l’histoire. Rien que le nom de mon personnage principal, « Niüt », est une allusion à la petite fille d’Aliens de James Cameron, dont le surnom était « Newt ».

Quels sont tes projets futurs autres que cette trilogie ?

Elle a pris une telle place dans ma vie de tous les jours que c’est pour l’instant mon plus gros projet. J’ai les deux tomes suivants à écrire, et je ne peux pas m’empêcher d’avoir un film en tête. C’est l’obsession qui m’a guidée vers ces études, même si ce n’est qu’un rêve pour l’instant. Mais on dit toujours qu’il faut croire en ses rêves, et je compte bien continuer dans cette direction. Peut-être un court-métrage sur « La mort d’une muse » l’année qui vient, pour commencer ?

 Propos recueillis par Manon Deniau

Extrait :

Djiminn’do. Pas de chair et de sang pour la constituer, pas de figure humaine. C’est une entité à part entière pourtant, une ville aux poumons ennemis, machine de fer qui broie, où l’Art est interdit.
Niüt, orpheline échappée du Castel de Londinium à l’âge de douze ans, rejoint la célèbre Métropole pour y percer le mystère des Enfants des Sables. En proie à des images obsessionnelles, crainte et rejetée par la Sphère, l’entité politique qui régit la Capitale, la petite fille marche de révélations en révélations aux côtés d’un Privilégié obscur, d’une Veilleuse muette et d’un dandy ambigu. Commence alors pour elle un itinéraire entre rêve et réalité, où se mêlent conspirations, mensonges et secrets. Un aller au cœur de l’Onirisme…

…qui pourrait bien ne pas avoir de retour.

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