Patrick Sbalchiero est journaliste, historien et écrivain. Enseignant à l’École cathédrale de Paris II, il dirige depuis 2003 la revue Mélanges Carmélitains.

Si l’Orient a sa sainte montagne avec le mont Athos, l’Occident peut se prévaloir du Mont Saint-Michel. Vous lui avez consacré une Histoire du Mont-Saint-Michel paru chez Perrin en 2005. Comment expliquez-vous le rayonnement ininterrompu de ce lieu emblématique ?

Son succès s’explique par plusieurs facteurs, notamment un emplacement géographique et unSbalchiero Mont Saint Michel écosystème d’exception. Depuis le Xe siècle, soit plus d’un millénaire, le mont Saint-Michel est un lieu de culture spirituelle de premier plan. Outre la présence d’une communauté religieuse, c’est un haut lieu européen de pèlerinage dédié à l’archange saint Michel. En outre, la dimension militaire de cette place forte située au seuil de la Normandie a joué un rôle non négligeable. Depuis le XIVe siècle, on notre un soutien indéfectible de la part des pouvoirs politiques qui se sont succédé.

Il y a aussi une certaine aura mystérieuse qui ‘colle’ au lieu…

Historiquement, elle émerge avec la Révolution française et prend son essor avec le romantisme au XIXe. À ces époques prospèrent diverses histoires populaires qui ont en commun d’affirmer que le Mont Saint-Michel aurait vu transiter dans ses murs des milliers de prisonniers depuis des siècles. C’est en réalité faux : les emprisonnements débutent à la fin du XVIIIe. À la suite de prêtres réfractaires, on emprisonne des prisonniers politiques puis des détenus de droit commun, femmes et hommes, qui travaillent dans des ateliers vétustes et des conditions de détention très dures. À tel point, qu’en 1860, le ministère public est conduit à dénoncer le traitement qui est réservé aux prisonniers et ferme les ateliers qui brulaient régulièrement. Cette période noire qui a duré moins d’un siècle  a conféré à l’endroit une note mystérieuse, étrange – un esprit entre l’île du diable et la fin du monde. Cette tournure énigmatique a largement contribué à la notoriété du Mont Saint-Michel. Depuis, le XXe siècle a connu des vagues successives de travaux qui ont permis de valoriser la magnificence du  site. L’arrivée du chemin de fer a ajouté à la visite des pèlerins celle des touristes. Aujourd’hui, on décompte 30 000 visiteurs par jour au mois de juillet et août.

Vous avez consacré deux ouvrages aux miracles : L’Église face aux miracles : de l’Évangile à nos jours et Les phénomènes extraordinaires de la foi. C’est quoi un miracle, Patrick Sbalchiero ?

Un miracle est un phénomène tangible, parfois quantifiable, qui comporte un signe spirituel. Autrement dit, c’est un fait réel, inscrit dans le temps et l’espace humain qui manifeste une relation avec l’économie du salut. C’est donc une intervention de Dieu inscrite dans le réel.

Cette intervention doit-elle respecter les règles de la création que Dieu a lui-même instaurées ? Autrement dit, Dieu peut-il transgresser les règles de sa propre création ?

C’est une question très épineuse à laquelle je ne saurais répondre autrement qu’en disant qu’à Dieu tout est possible…

Comment l’Église romaine conclut-elle au miracle ?

Prenons le cas des guérisons de Lourdes. Les autorités religieuses prennent en compte un nombre important de paramètres. Notamment, la guérison ne doit en aucun cas avoir une cause naturelle et aucune rechute ne doit avoir été constatée. Le temps moyen d’étude d’un dossier est de dix ans entre le premier témoignage et la reconnaissance prononcée par l’évêque.

Vous dirigez le Centre d’études d’histoire de la spiritualité. Pourriez-vous introduire la spiritualité et la mystique carmélitaines ?

Le CEHS, situé à Nantes et dont Yves Durand est le fondateur et président, est comme enchâsséétudes carmélitaines dans la paroisse de Notre-Dame de Lumière dans le quartier de l’île Beaulieu. Deux des particularités de la spiritualité carmélitaines reposent dans la référence marquée au prophète Élie et l’importance de la vie mystique. Le CEHS édite depuis peu de temps une revue que j’ai la joie de diriger, Mélanges Carmélitains. Elle promeut l’étude de l’histoire religieuse, de la spiritualité et de la mystique chrétiennes avec un fort accent mis sur la tradition carmélitaine et l’apport des Grands Carmes en France. L’objectif est de montrer la profondeur spirituelle et intellectuelle de cette tradition.

 Je profite de cet échange avec Unidivers pour rendre hommage à une revue aujourd’hui disparue, les Études Carmélitaines. Cette publication avait ouvert pour la première fois en France un espace de dialogue entre mystique et sciences humaines. Ce pôle thématique était considéré sous de multiples aspects : théologie mystique, histoire, hagiographie, psychologie, médecine, etc. Nous nous inspirerons de ce travail accompli et de son esprit d’ouverture et d’interdisciplinarité.

Il semble que vous avez en projet un ouvrage consacré aux Possessions et exorcismes qui devrait paraître à l’orée 2012. Qu’en est-il ?

Cet ouvrage m’a été demandé par un éditeur parisien. Dans la mesure où je connais le sujet d’une manière bien plus livresque qu’opérationnelle, j’ai été conduit naturellement à donner la parole à différents patriciens : prêtres exorcistes, médecins, évêques, possédés. Mon exigence était de demeurer rigoureux, factuel et le moins possible théorique. J’espère y être parvenu.

Par ailleurs, j’achève également un autre essai. Il est consacré à Hildegarde von Bingen. Cette bienheureuse abbesse, fondatrice de couvents, botaniste, musicienne, médecin – somme toute, la conjugaison idéale d’une artiste, d’une scientifique et d’une religieuse – a a su présider au destin de deux communautés de moniales. Elle aura durablement marqué le christianisme nord-européen, notamment avec le béguinage.

Propos recueillis par Nicolas Roberti

• Foi et cultures : au tournant du nouveau millénaire : entretiens avec le cardinal Paul Poupard, CLD, Chambray-lès-Tours, 2001
• Centre d’études d’histoire de la spiritualité (dir. publ. Patrick Sbalchiero), Mélanges carmélitains : histoire, mystique et spiritualité, Téqui, Paris, 2003.
• Petite vie de Padre Pio, Desclée de Brouwer, Paris, 2003
•  Histoire du Mont-Saint-Michel, Perrin, Paris, 2005
• Les phénomènes extraordinaires de la foi, Desclée de Brouwer, Paris, 2006
•   L’Église face aux miracles : de l’Évangile à nos jours, Fayard, Paris, 2007
•  Histoire de la vie monastique, Desclée de Brouwer, Paris, 2007
•  Les apparitions de la Vierge en Extrême-Orient, Presses de la Renaissance, Paris, 2008
• Apparitions à Lourdes, Bernadette Soubirous et les miracles de la Grotte. « Presse du Châtelet » 2008.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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