Depuis le 1er janvier, une nouvelle réglementation est entrée en vigueur en Europe, imposant la suppression des « Cases de Gestation » pour les truies. Inscrite dans le droit français dès 2003, cette décision n’est pourtant pas appliquée dans bon nombre d’exploitations porcines. C’est d’autant plus regrettable que, selon un sondage*, les Français sont 67 % à penser que l’origine France leur garantit le respect de la réglementation minimale en matière de protection des porcs.
Une situation lamentable souvent rencontrée

Les chiffres de non-conformité pour la France oscillent entre 40 et 60 % des exploitations. À l’image de 14 autres pays européens (Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovénie), la France tarde à appliquer une décision qui date pourtant de plus de 10 ans maintenant. De quoi s’agit-il ?

Toutes les exploitations devront avoir leurs truies gestantes en groupes avec un minimum de 2,25 m² par truie. Cette surface passe à 2,47 m² si le groupe comporte 5 truies ou moins et à 2,03 m² minimum si le groupe comporte 40 truies ou plus. Une truie peut être bloquée si elle est trop agressive ou blessée, mais cet isolement ne doit pas être permanent. Les truies confirmées gestantes doivent être en groupes entre 4 semaines après l’insémination et une semaine avant la mise bas. Rappelons qu’une truie mesure généralement plus 1 mètre de long et que sa gestation dure 114 jours.

Taille des élevages bretons en 2004

Taille des élevages bretons en 2004
Taille des élevages bretons en 2004

La France a des tailles d’élevage encore moyennes par rapport à des pays comme l’Espagne, le Danemark ou l’Allemagne, mais ce chiffre est en constante augmentation. 25 millions de porcs sont élevés chaque année en France, dont un peu plus de 50 % dans la seule Bretagne, générant 24 000 emplois. Déjà ciblé pour la pollution des sols, l’élevage porcin breton reste malheureusement sur la défensive. L’argument déployé est toujours celui du coût de transformation des installations d’élevage. Depuis 12 ans, seule une aide de 60 M € a été mise en place en 2008 pour un besoin estimé à 320 M € en 2006. Les travaux ont tardé, 20 % de cette enveloppe a été engagé, dont 70 % sont allés à la seule région Bretagne.
Pourtant, 1 % des exploitations françaises se font en plein air. Le porc d’Auvergne qui dispose de 83m² d’espace en plein air, viande haut de gamme et recherchée. La production française est légèrement excédentaire et représente 10 % de la production européenne, tout en restant en stagnation par rapport à l’Allemagne ou le Danemark (source : rapport sur la filière porcine de janvier 2012). Selon ce même rapport, la mise en place des nouvelles réglementations aurait entrainé une concentration des exploitations et une augmentation de taille de celles-ci dans les pays les plus en pointe. Cette concentration est mal vue par l’opinion publique, du fait justement des risques de pollution et de l’impression donnée d’usine à porcs.
Nous sommes en effet loin des élevages de porc de nos grands-parents, le productivisme à l’américaine ayant fait recette. Ces 12 années auraient pourtant dû être l’occasion de repenser l’exploitation porcine dans une démarche « durable » et respectueuse, accompagnée d’une norme ah hoc. L’Europe a déjà entamé des procédures pour non-respect des normes sur les poules pondeuses auprès de 12 pays, dont la France et semble bien décidée à s’attaquer à la question porcine.

Un imbroglio de labels
Un label « VPF » (Viande de Porc Française) a été mis en place par la filière porcine pour garantir « la qualité » et surtout la traçabilité. Mais curieusement, il ne prend pas en compte les nouvelles réglementations européennes. Il en est de même pour le label CQC (Critères Qualité Certifiés) qui s’appuie sur la norme française NF V 46-004 qui ne concerne pas le bien-être animal. Il faut aller voir l’arrêté du 30 novembre 2005 du ministère de l’Agriculture pour retrouver ces spécifications ou encore la norme NF V 46-013, mais qui n’est pas utilisée dans ce label CQC.Cet imbroglio de labels et normes n’aide pas le consommateur à savoir ce qui est réellement pratiqué dans les élevages.
Le rapport de janvier 2012 donnait des pistes d’évolution : modernisation, prise en compte des rejets par des recyclages high-tech, communication. Une conclusion qui arrivait déjà bien tard sans donner d’autres moyens que ceux déjà définis. Le rapport soulignait l’absence de recensement de l’application de la directive européenne alors que justement ce devrait être un levier pour une meilleure perception de la filière porcine. La réforme des labels et logos devient donc impérative tant pour le consommateur que pour le bien-être des animaux avec, pourquoi pas, une classification simplifiée autour de la notion de bien-être animal et de traçabilité.
Avec une diminution graduelle de la consommation de viande porcine, la filière française doit aussi se poser une question plus essentielle encore : son avenir à long terme. La reconversion des exploitations doit être mise à l’ordre du jour au plus tôt, faute de quoi, consommateurs et producteurs resteront comme aujourd’hui, dans l’incompréhension. La lecture de ces différents rapports montre également un vocabulaire qui fait oublier que la viande de porc est issue d’un animal et n’est pas un produit manufacturé. Mais là nous abordons une réflexion tout autre…

* sondage CIWF/Yougov réalisé sur 1009 personnes.
Voir la nouvelle réglementation

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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