Animal Kingdom, film, Asutralie, de David Michôt, avec Guy Pearce, James Frecheville

Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C’est là que vit la famille Cody. Profession : criminels. L’irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné, offre a la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu’à choisir son camp…

 Bienvenue dans le monde des petites frappes et de la guigne. La guigne c’est pour Joshua, adolescent un peu bourru qui vient de perdre sa mère toxicomane et n’a pas d’autre choix que de faire appel à ce qui lui reste de famille. En l’occurrence une famille qui se compose uniquement de petites frappes. Quatre oncle, braqueurs, dealers, arnaqueurs et une mère et grand-mère, possessives, lascives et manipulatrices. Prolétaires du crime organisé, ils en ont néanmoins suffisamment fait dans leur ville pour qu’une unité spéciale de la police se décide, avant sa dissolution programmée, de faire justice elle-même jusqu’au bout. C’est dans cette atmosphère aussi ordinaire et familiale que paranoïaque et moite que… devra essayer de trouver sa place, ou de s’en échapper.

Le rythme du film est celui de cette famille coincée par une surveillance policière pesante, coincée par son propre mode de vie, des plans longs, des cadres serrés, nous sommes pieds et poings liés avec eux. Toutefois, rien ne fascine le regard. Même dans les moments les plus standardisés du genre « policier » (traque, poursuite, meurtre…) le réalisateur respecte son approche stoïque du réel. La caméra nous offre vraiment de partager celui du jeune et taciturne Joshua.  Sans affect, sans rien qui retienne ou attire. Sans esthétisation de la violence, dénuée des artifices des accélérations et des ralentis, filmée à fleur de vie, cette histoire absolument pathétique est donc également d’une fulgurante sincérité. Lumière, cadre, plan nous sommes face à un quasi documentaire.

Le brutal et le sordide ne sont mis à distance par aucune surexposition, de même que le pathos et l’ennuyeux, ils sont juste là, posés, montrés pour ce qu’ils sont. Le mal et la violence ne sont pas banals, mais ils peuvent être anonymement quotidiens, prendre la forme d’une petite entreprise artisanale et familiale, devenir « normaux », routiniers, ennuyeux. Alors, lorsqu’on est un jeune homme décalé que l’ennui ronge déjà formidablement, que choisir ? Il y a les liens « du sang » ; ce mal qui n’en est plus vraiment un et puis un « bien » abstrait, moralisant et hypocrite, incarné par une police corrompue et qui enfreint les règles qu’elle est censée protéger. Le choix ne peut plus s’opérer, entre les trahisons sournoises et les manipulations grossières aucune solution, nulle proposition extérieure ne peut convenir. Il faudra une écharde dans la chair pour réveiller un semblant de sens et de décision personnelle. À moins que ce ne soit une sorte de réflexe « animal »…

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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