Les boutiques de CBD essaiment dans les centres-villes français après avoir conquis d’autres pays européens, la Suisse en tête. Le gouvernement français mène pourtant la vie dure à ce dérivé non psychotrope du cannabis dont il tentait encore d’interdire la vente de fleur le 31 décembre 2021, allant à l’encontre de la décision européenne qui avait justement permis le développement de ce commerce en France. Retard de notre législation par rapport à nos voisins ? Délit de faciès envers une plante qui ressemble trop à sa cousine interdite ? Pour aborder ce sujet de société, Unidivers s’est entretenu avec Augustin Plesse, ancien avocat d’affaires pendant dix ans, désormais associé de La Galerie du chanvre, marque de boutiques qui naissait à Rennes en 2018.

Le CBD est un dérivé du cannabis. Son nom signifie “cannabidiol”, un des nombreux cannabinoïdes présents dans la plante. Il est obtenu à force de croisements génétiques dont le but est de réduire le taux de THC (tétrahydrocannabinol), la substance active responsable de l’effet psychotrope, pour privilégier celui du CBD. Celles et ceux qui le fument peuvent ainsi retrouver un goût proche de celui de la plante interdite, mais il existe toutes sortes de produits dérivés et de façons différentes de le consommer pour bénéficier de ses vertus relaxantes : tisanes, comprimés, e-liquides. On peut également en trouver dans des produits alimentaires ou cosmétiques.

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Crédit photo : Elsa Olofsson

“Marihuana ilegal”

Si le CBD pose question au regard de la loi, c’est qu’il est bien issu de la grande famille du cannabis et donc tributaire de l’histoire de la pénalisation de cette famille de plantes. Une histoire fort curieuse (que résume Erwan Pointeau-Lagadec dans un article pour la revue universitaire Hypothèses) faite de revirements, d’amalgames et d’enjeux géopolitiques. 

En ce qui concerne la France, la graine de chanvre est mentionnée pour la première fois dans un texte officiel en 1800. Pendant la campagne d’Égypte, Napoléon Bonaparte, alors général du Directoire, émet une interdiction de la fumer sur le territoire égyptien. En cause : une tentative d’assassinat contre sa personne par un individu sous effets du cannabis, et sans doute, d’un point de vue plus stratégique, la crainte que les soldats de la Grande Armée s’essaient à cette pratique très répandue dans le pays et mettent par-là en péril la campagne militaire. Pendant le XIXe siècle, la consommation de haschich en France reste limitée aux cercles intellectuels, tandis que l’État colonial français en organise le commerce depuis la Tunisie et la Turquie. 

Au début du XXe siècle, les États-Unis mènent une croisade contre toutes les drogues, impulsant un mouvement mondial. Aussi, en 1916, la France légifère le commerce et l’usage en société de certains produits, créant ainsi la catégorie juridique de stupéfiants, qui applique un même régime pénal à des substances aux propriétés pourtant bien différentes. Les débats parlementaires évoquent principalement l’opium, la morphine et la cocaïne, mais le haschich sera inscrit dans le texte final, certainement à cause de l’image immorale qu’en ont laissée les poètes maudits comme Charles Baudelaire, mais aussi pour apparaître bon élève aux yeux des États-Unis, puissance encore neutre dans le conflit mondial. La législation va plus loin en 1970, en interdisant l’usage solitaire cette fois, et ce alors que le président des États-Unis Richard Nixon a déclaré la guerre aux drogues (“war on drugs”).

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Récolte et travail du chanvre en 1695, Allemagne.

Ce qui est illégal est en fait le cannabis contenant du THC et susceptible d’un effet psychotrope, à distinguer du chanvre industriel, nom qu’on donne par usage aux espèces cultivées, depuis le néolithique, pour en utiliser les tiges et les graines et dont le taux de THC, inférieur à 0,2 %, ne suscite pas d’effet “récréatif”. Au XIXe siècle, en France, jusqu’à 176 000 hectares étaient dédiés à cette culture. Son usage industriel persiste malgré la pénalisation du cannabis à fumer, mais de façon réglementée, puisque seulement une vingtaine de variétés sont autorisées.

Les débuts difficiles du CBD en France

C’est dans ce mince espace de liberté que s’est engouffré le commerce de CBD dont le principe est de vendre des produits à base de cannabis, bruts, manufacturés ou dérivés, concentrés en CBD et aux taux de THC inférieur au seuil légal de 0,2 %. Il fleurit en France à partir de 2018, à la suite de l’ouverture, en octobre 2017, de la boutique Bestown Shop à Besançon (Franche-Comté). À une soixantaine de kilomètres de la Suisse, et alors que ce voisin a autorisé la vente de CBD, tous produits confondus, en 2011, il était tentant de suivre son exemple.

En 2018, la Mildeca (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) commence par arguer que le taux de THC inférieur à 0,2 % est toléré pour la plante d’origine, mais pas pour le produit fini. Celui-ci ne devrait contenir aucune trace de THC, la molécule étant classée comme stupéfiant. Un argument qui tient difficilement la route, puisque si la molécule est présente dans la plante, elle le sera forcément aussi dans ses produits dérivés. Mais la réglementation française concernant le chanvre avait également limité son utilisation aux tiges et aux graines. La fleur, que les adeptes connaissent sous le nom de “têtes”, reste donc officiellement interdite, quel que soit son taux de THC.

Augustin Plesse, associé de La Galerie du chanvre qui ouvrait la première boutique de CBD à Rennes en 2018, raconte ces débuts. « Les premiers mois, on avait pris le parti de ne pas vendre de fleur. Mais voyant ce qui se passait dans les pays voisins, où ce produit n’est pas considéré comme un stupéfiant, on y est allés à l’audace, sur des bases très précaires. C’est un secteur qui suit un phénomène social, la société pousse au changement. On est entourés de pays qui consomment et réglementent le CBD, alors on pressentait que le sujet allait bouger. »

Mais ce produit, indiscernable à l’œil nu de son cousin stupéfiant, provoque la crispation des pouvoirs publics et, souvent, l’incompréhension des forces de l’ordre. Alors même que les boutiques commencent à essaimer dans tout le pays, dès août 2018, la boutique pionnière de Besançon est mise sous scellée, et sa fondatrice, Élodie Marchon sera mise en examen pour acquisition, détention et cession de stupéfiants. Ce n’est qu’en octobre 2021 qu’elle a été relaxée. Et Augustin Plesse de témoigner sur ces premières années : « les perquisitions étaient monnaie courante, les fermetures administratives, les gardes à vue, les contrôles douaniers aussi. Les entrepreneurs étaient traînés devant la justice et considérés comme des trafiquants. C’était la période chaude, par laquelle il fallait passer. C’est parce que des procureurs ont poursuivi en justice que des juridictions ont statué pour faire avancer le droit ».

Jurisprudence Kanavape : une bouffée d’air frais

Le débat juridique sur le CBD avait commencé en France plus tôt que ça encore, avec l’affaire Kanavape. Cette marque de liquides à vapoter, fondée en décembre 2014 par deux Marseillais, était la première à commercialiser en France un produit à base de CBD. L’année suivante, le siège de l’entreprise est perquisitionné et ses deux créateurs, Sébastien Béguerie et Antonin Cohen-Adad sont accusés de trafic de stupéfiants, promotion à l’usage de drogues, pratique illégale de la médecine et de la pharmacie et d’ouverture illégale d’une officine. La bataille médiatique, juridique et légale est lancée. Après une première condamnation en 2017, l’avocat de Kanavape, Xavier Pizarro, parvient à saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de déterminer le statut du CBD au regard du droit européen. Une habile manœuvre dont le but est de mettre en évidence la contradiction de la politique française au sein d’une Europe libérale. Et le coup fera mouche, comme nous l’explique Augustin Plesse.

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« En 2020, la jurisprudence Kanavape a sorti le CBD de la qualification juridique de stupéfiant. Elle l’a qualifié de marchandise, soumise à ce titre au principe de liberté de circulation des biens sur le territoire de l’Union européenne. Et alors que la France avait toujours interdit l’usage des fleurs dans le chanvre, la CJUE a établi qu’on ne peut pas considérer qu’un produit à base de CBD soit stupéfiant parce que l’extraction a été faite sur une fleur de chanvre plutôt que sur la tige ou la graine. D’où qu’il vienne, le CBD n’est pas un produit stupéfiant. Donc, les États membres de l’UE ne peuvent pas poursuivre les commerçants sur le terrain du droit pénal. C’est de cette décision qu’a émergé l’effervescence qu’on connaît aujourd’hui sur le marché. Les vannes se sont ouvertes, les gens ont commencé à s’installer et ont pris d’assaut les centres-ville pour ouvrir des boutiques. »

Cette libéralisation commerciale à laquelle se voit contraint l’État français est aussi renforcée, du côté des consommateurs, par une jurisprudence de la Cour de cassation en juin 2021 qui a renversé la charge de la preuve. « Avant ça, si on se faisait arrêter avec des fleurs, la police considérait systématiquement qu’il s’agissait de stupéfiant. Mais selon cette nouvelle décision de justice, il appartient aux autorités de démontrer que la personne qui se fait contrôler est en présence de produits stupéfiants : il y a quand même une présomption d’innocence. Si la police n’est pas en capacité de prouver qu’il s’agit de stupéfiant, on ne peut pas être poursuivi », décrypte Augustin Plesse.

Ces décisions de justice ont forcé la main d’un gouvernement français enclin, depuis une cinquantaine d’années déjà, à réprimer plutôt qu’à réglementer, à sanctionner plutôt qu’à sensibiliser. L’amende forfaitaire pour les consommateurs pris en flagrant délit, entrée en application en septembre 2020, en était un signe de plus, elle qui oblitère la place de la justice dans le processus légal. La libéralisation commerciale du CBD par l’Union européenne, autorisant la vente de fleur, ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les consommateurs, posent de sérieux problèmes pratiques à l’application de cette politique de contraventions, car, encore une fois, il est difficile de distinguer à l’œil nu CBD légal et cannabis illégal. Mais le gouvernement d’Emmanuel Macron n’avait pas dit son dernier mot…

Retour de flamme

Le 30 décembre 2021, à la surprise de tous, le gouvernement français promulgue un arrêté ministériel qui réunit la difficile contradiction d’être tout autant libéraliste que conservateur. Le texte revient sur le taux légal de THC à 0,2 %, le passant à 0,3 %, conformément à une préconisation de l’Union européenne. Chose exceptionnelle en France, il réintègre aussi les fleurs et les feuilles dans la légalité, mais elles “ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre”. Et l’arrêté interdit « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation« .

Pour justifier cette interdiction, le gouvernement invoque des raisons d’ordre et de santé publique. Chargée de défendre cette position au sénat, Brigitte Bourguignon, ministre de l’Autonomie, déléguée du ministère des Solidarités et de la Santé, l’expliquait ainsi : « La commercialisation de fleurs, même à teneur de 0,3 % de THC présente des risques sanitaires élevés. Le taux de la fleur est difficilement maîtrisable ou contrôlable. […] Nos forces de l’ordre doivent conserver leur capacité opérationnelle et distinguer rapidement si les produits relèvent ou non de la politique pénale de lutte anti stupéfiants ».

Le risque sanitaire associé à la commercialisation du produit brut concerne en fait surtout celles et ceux qui choisissent de les consommer en joints. Associée ou non à du tabac, c’est la combustion à haute température des fleurs ou des feuilles qui comporte un risque. Si ce mode de consommation des fleurs est peut-être majoritaire, il n’empêche qu’il en existe d’autres : dans des préparations alimentaires, ou encore avec un vaporisateur qui permet une combustion plus douce et moins nocive. La question de l’ordre public apparaît quant à elle comme un pur souci pratique : pour faciliter le travail de la police, on interdit un produit qui s’est pourtant largement répandu dans les usages depuis l’ouverture des premières boutiques de CBD. Il existe pourtant des supports techniques pour tester des produits suspects. Existant déjà en Suisse, ils pourraient être rapidement déployés en France.

Tollé du côté des commerçants pour qui la fleur et la feuille sont les premiers produits de vente et représentent entre 50 et 60 % de leur chiffre d’affaires. Ce retour en arrière les confronte au choix d’abandonner leur source principale de revenus, ou d’être considérés aux yeux de la loi, du jour au lendemain, comme des dealers. Beaucoup décident d’ailleurs de continuer à en vendre, avec pour argument que la jurisprudence Kanavape les protège.

Un arrêté douteux

Alors pourquoi le gouvernement français promulgue-t-il un arrêté qui contredit la décision de la CJUE ? Prétendument, pour s’y conformer, comme le suggère Augustin Plesse : « Kanavape faisait référence à une réglementation possible pour des motifs de santé publique. L’arrêté est signé Olivier Véran, mais il a été commandé par Gérald Darmanin, tout le monde le sait ». Car, pour les commerçants, cet arrêté est avant tout une rémanence de la politique prohibitionniste française, avançant sous le masque d’une préoccupation sanitaire d’ailleurs peu crédible en l’état. « La note pharmacologique annexée au projet d’arrêté parle de risque d’interactions médicamenteuses, mais en s’appuyant sur des taux hallucinants. Il faudrait boire un litre d’huile concentrée à 50 % de CBD pour atteindre ces taux-là. Elle fait aussi mention du caractère psychoactif du CBD. Mais rire est psychoactif aussi, regarder un bon film a des effets sur la sérotonine ou la dopamine », commente Augustin.

Interdire le cannabis, c’est le mettre à la sortie des collèges

Augustin Plesse

Le choix d’interdire purement et simplement la vente de fleur de CBD aux particuliers, et sa consommation, d’autant plus quand il s’appuie sur des arguments de mauvaise foi, est en soi questionnable. Il rejoint le débat sur la légalisation du cannabis et sur les bienfaits ou non de la politique prohibitionniste qui, selon Augustin Plesse, serait en fait « le premier sponsor des atteintes à l’ordre et à la santé publique ». « On a du recul maintenant sur les pays qui ont légalisé : la criminalité baisse, la consommation baisse, la prévention prend le pas sur la répression. Au Canada, la consommation baisse chez les jeunes et augmente chez les seniors. En France, ça fait 50 ans qu’on interdit et on a une des consommations les plus importantes chez les jeunes. Interdire le cannabis, c’est le mettre à la sortie des collèges. » De la même manière, interdire la fleur de CBD, c’est prendre le risque qu’un nouveau marché noir apparaisse.

Aussi, pour Augustin Plesse, les raisons profondes de cette interdiction sont à chercher ailleurs que sur le terrain de l’ordre et de la santé publique. Au-delà d’un éventuel racolage de l’électorat de droite dans le cadre de la campagne présidentielle, « en interdisant la fleur, on empêche toute possibilité de mise en place de circuits courts, de produits de qualité, de développement de terroir et de savoir-faire locaux comme on peut en voir dans le vin. C’est obliger tous les producteurs à se rapprocher d’industriels qui vont manufacturer les produits, pour qu’ils ne se retrouvent plus dans des étals comme les nôtres, mais dans la grande distribution ou l’industrie pharmaceutique ».

Un arrêté vite arrêté

Au grand soulagement de la profession, l’interdiction de vente de fleur aura duré une quinzaine de jours seulement, avant d’être suspendue par le Conseil d’État. Tout d’abord, saisi par l’Association française des producteurs de cannabinoïdes, le Conseil constitutionnel a donné, le 7 janvier 2022, une définition juridique d’un produit stupéfiant. Elle était jusque-là absente du code de la santé publique, et la liste des produits en question est établie par la direction de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), avec un risque d’arbitraire dans ces décisions. Pour régulariser cette absence, le Conseil constitutionnel a donc établi trois critères de définition du stupéfiant : il doit être nocif, addictif et psychotrope. Si l’alcool et le tabac réunissent ces trois critères tout en étant légaux, le CBD, lui, ne répond à aucun d’entre eux et ne peut donc pas être considéré comme un stupéfiant ni interdit.

C’est comme si on autorisait le jus de pomme en interdisant la pomme

Puis, le 24 janvier, le Conseil d’État suspend une partie de l’arrêté du 30 décembre, estimant “qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de cette mesure d’interdiction générale et absolue en raison de son caractère disproportionné ». « Pendant l’audience du Conseil d’État, une avocate a fait remarquer qu’interdire la vente de fleur tout en autorisant sa transformation, c’est comme si on autorisait le jus de pomme tout en interdisant la pomme », raconte Augustin Plesse. C’est une victoire pour les commerçants de CBD qui s’étaient largement mobilisés : « tout ce que le gouvernement a réussi à faire, c’est de fédérer une filière qui a fait tomber son arrêté au bout de 20 jours. Il a resserré les rangs de ces acteurs qui jusque-là étaient dans leur coin. Maintenant, on est obligatoirement assis autour de la table quand il s’agit de prendre des décisions, on ne peut plus faire l’impasse sur nous », résume Augustin Plesse.

Les feux au vert ?

Les syndicats du CBD, et ils commencent à être nombreux à disputer le monopole de l’historique Interchanvre, sont donc fin prêts à affronter les nouveaux enjeux qui affluent déjà. Augustin Plesse se méfie par exemple de la possibilité d’une réglementation restrictive qui confierait un monopole aux buralistes (qui pour la plupart se sont mis à vendre du CBD aussi) ou aux pharmacies, sans prendre en compte la réalité économique existante, les initiatives privées qui ont façonné le visage actuel de ce commerce et fait avancer les lignes sur le sujet de la légalité.

Contrairement à Interchanvre, spécialisé dans l’utilisation du chanvre pour la construction, le textile, l’alimentation ou le plastique, les acteurs du CBD ont développé des savoir-faire qui n’existaient pas en France. Ils seraient donc les plus à même de développer des systèmes de contrôle de qualité, des labels, des circuits courts. Certains ont déjà commencé à travailler avec quelques agriculteurs français qui se sont mis à cultiver du CBD, s’engouffrant dans la même brèche que les boutiques. Étant donné que, de l’arrêté ministériel du 31 décembre 2021, seule l’interdiction de la vente directe de fleur et feuilles a été suspendue par le Conseil d’État, il se pourrait bien que la culture du CBD puisse enfin se développer, parallèlement à celle du chanvre industriel. Bien que la France compte parmi les leaders mondiaux de celle-ci, la majorité du CBD est encore, quant à elle, importée. « On a tellement mis de bâtons dans les roues de la filière que le savoir-faire n’est pas en France et que la qualité de produits qu’on a dans d’autres pays est bien supérieure. Il faut libéraliser le secteur pour devenir compétitif sur les prix et la qualité en termes de production », affirme Augustin Plesse.

Une des problématiques majeures de la qualité du CBD est, selon Augustin Plesse, le taux légal de THC. Si les boutiques de CBD en France ont pu tenir jusqu’à la jurisprudence Kanavape, c’est en se pliant aux taux en vigueur pour le chanvre industriel, de 0,2 %, que le dernier arrêté ministériel a élevé à 0,3 %. L’ancien avocat explique : « Le problème avec ces taux infimes, c’est qu’avec l’oxydation de la fleur, les taux peuvent monter ou baisser, ce qui rend le contrôle et la légalité du produit compliqués. En Suisse, ils ont légalisé à 1 % de THC et on se rend compte qu’on a un produit pas du tout psychotrope et de bien meilleure qualité ». 

Car, bien souvent, les acteurs français les moins regardants passent les fleurs au four pour s’assurer d’être sous le taux légal de THC, avant de réinjecter saveurs et CBD artificiels dans leur produit. D’où l’impératif de réglementer les pratiques, non pas, selon les vœux d’Augustin Plesse, en créant une économie propre au CBD, mais en l’intégrant aux circuits économiques auxquels il peut prétendre. « C’est là qu’il faut être pragmatique : on est proches du monde de l’alimentation, du cosmétique, du pharmaceutique. Il ne faut pas forcément développer une réglementation spécifique au CBD, mais se servir de ce qu’on connaît dans ces secteurs où des règles existent. »

Cette assimilation du CBD par les économies existantes serait la voie pour sortir du ghetto culturel où il se trouve encore. À l’heure actuelle, aucune aide publique à la création d’entreprise n’est versée aux professionnels du secteur, aucun prêt bancaire. « On se fait même fermer les comptes, on est obligés de faire des procédures devant la Banque de France. On est mis au même rang que des bars à hôtesses », s’indigne Augustin Plesse. « Il faut considérer la filière du chanvre comme une filière économique classique, et cesser ces discriminations qui n’ont plus lieu d’être », revendique-t-il.

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© Simon

Phénomène de société, médiatique, politique, économique, le CBD s’est désormais ancré dans le paysage français et installé dans nos centres-ville. Ses premières victoires juridiques et légales participent à une banalisation du cannabis, qui, malgré les réticences des gouvernements français successifs, s’observe mondialement. Le CBD ne serait-il pas finalement, un chemin détourné vers la légalisation du cannabis ? « On aurait intérêt en France à réglementer l’ensemble de la filière, plutôt que de continuer à diaboliser le THC », conclut Augustin Plesse.

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Jean Gueguen
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