Les explorateurs et autres ethnomusicologues auraient sans doute gagné beaucoup de temps dans leurs recherches s’ils avaient eu la bonne idée de se rendre à l’Opéra de Rennes le mardi 19 avril 2016 pour faire connaissance avec le groupe de musiciens le plus déroutant qu’on nous ait jusqu’alors présenté dans le cadre des concerts intitulés Divas du monde.

musiques de mongolieLe chant diphonique, ou Khöömii aura été une nouvelle expérience de l’étrange, comme ne manque jamais de nous en proposer l’équipe de l’opéra breton. Pour essayer de trouver dans vos souvenirs des sons approchants, rappelez-vous les chants des moines tibétains, graves et souvent rauques, construits à base de phrases musicales monocordes et vous aurez une petite idée de ce à quoi nous avons assisté pendant près de deux heures hypnotiques et passionnantes.

Présenté par Johanni Curtet à l’occasion du dixième anniversaire de l’association « routes nomades », ce groupe de 12 musiciens et chanteurs de Khöömii représente la quintessence de cet art vocal

particulier et propre à la Mongolie. Khöömii signifie pharynx, il désigne la technique vocale d’une personne superposant intentionnellement plusieurs sons simultanés avec sa voix. Le premier son, suuri ôngô, ou bourdon est grave, le second, isgeree, le sifflement, est produit par une technique de pression simultanée exercée sur le pharynx et sur le diaphragme. Difficile de s’en faire une idée précise, mais un chanteur peut passer d’une voix normale à une voix rauque et beaucoup plus grave puis terminer dans une sorte de sifflement chanté, totalement inhabituel. Entré un à un dans le discret halo lumineux qui donne vie à la scène, chacun des chanteurs salue l’assistance d’un son ou d’un chant qui présentent son savoir-faire ou une aptitude particulière. À ce jeu, c’est une femme qui est la gagnante, Ösökhjargal Pürevsüren nous fait entendre quelque chose qui ne relève pas vraiment de la voix humaine, totalement hors définition, absolument renversant !

khoomi_opera-rennes_mongolie_divasLes costumes traditionnels Mongols qu’ils arborent tous avec orgueil sont de pure beauté, des broderies aux soies précieuses tout n’est qu’un chatoiement de couleurs et de reflets. Ce qui est assez touchant dans ce groupe, c’est de savoir que si quelques-uns sont passés au stade professionnel, plusieurs d’entre eux ont des emplois plus humbles et quoiqu’ils soient professeurs de Khöömii, ils n’en sont pas moins mineurs ou berger nomade. Papizan Badar, discret joueur de guimbarde (khomus) et chanteur, énigmatique et vénérable, semble tout droit sorti du lotus bleu.

Durant ces deux heures de pure découverte, chacun d’eux aura la parole et nous présentera son savoir-faire. Bien sûr, les quelques moments où tous s’expriment simultanément ont une force particulière. Ces instants sont, d’après notre esthétique, les plus musicaux. À les entendre vient à l’idée une pensée un peu saugrenue, cela a des petits airs de musique western. À mieux y penser, ce n’est pas une idée si incongrue, car le rythme ternaire évoque souvent le pas ou la course du cheval, si fondamentalement consubstantiels à la culture mongole. Le luth n’étant pas sans rappeler le son aigrelet d’un banjo, c’est après tout une proximité musicale assez acceptable puisqu’elle unit deux civilisations de cavaliers.
À la fin du concert tous les musiciens se sont levés en arborant une écharpe turquoise et nous ont tour à tour adressé la parole. Notre méconnaissance de la langue, certainement pardonnable, a été surmontée grâce à quelques membres de l’importante communauté présente dans le public, qui nous ont expliqué que les plus anciens de la troupe avaient adressé des remerciements à tous ceux qui s’étaient intéressés à leur culture, mais également des bénédictions afin de rendre sans embûche le chemin du retour. Après ce que nous venions d’entendre, cette générosité nous est allée droit au cœur.

Routes Nomades Anthologie du khöömi mongol

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=F3cqw2tp2xY]

https://www.youtube.com/watch?v=UUZDVkgmwRE

Le musicien et musicologue rennais Johanni Curtet travaille depuis dix ans sur cette singulière tradition vocale nous a invité à découvrir douze artistes, dont deux diphoneuses qui sortent pour la première fois de Mongolie et ont participé au récent enregistrement du disque « Anthologie du chant diphonique mongol », somptueuse vitrine de cette étonnante musique des steppes de l’Asie centrale.

En partenariat avec l’Association Routes Nomades
Direction artistique : Johanni Curtet & Nomindari Shagdarsuren
Dans le cadre de la sortie du disque « Anthologie du khöömii mongol »
(2016, Buda musique/Routes Nomades)

Intervenants :
Johanni Curtet et Nomindari Shagdarsuren
Ösökhjargal Purevsüren, khöömii
Amartüvshin Baasandorj, khöömii
Erdenetsetseg Khenmedekh, urtyn duu

Article précédentOpéra de Rennes, Catherine Hunold est de retour !
Article suivantImprimante 3D, panorama des débats et des ruptures
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici