« Dieu Me Déteste… » C’est ce que se dit parfois Richard, qui est atteint de DMD. Oui, une maladie grave qui le cloue dans un service de soins palliatifs alors qu’il a 17 ans ¾ et une furieuse envie de vivre. Richard ne s’étend pas sur ses misères physiques, ou alors d’une manière très légère et humoristique et de toute façon, le lecteur aura compris par sa présence en ces lieux qu’il ne lui reste sans doute que peu temps à vivre et que c’est malheureusement son cancer qui sera le vainqueur du long combat qu’il mène depuis des années.

Mais le jeune homme va avoir 18 ans, que diable ! Comme il le souligne lui-même, il est encore un ado, et a envie de vivre ce que vivent les jeunes de son âge. Faire la fête, boire un coup (voire deux, voire trois, voire se torcher en bonne et due forme), fumer, jouer les trublions en inventant des farces débiles, embrasser une fille, et rêve suprême, ne pas mourir puceau… parce que mourir, OK, Richard l’accepte, bien que le fait de laisser seule sa mère l’angoisse pas mal, mais disparaître sans avoir connu l’Amour, c’est atroce, non ? Et comme la date de son anniversaire approche à grands pas, Richard va mettre les bouchées doubles pour finir en beauté au seuil de sa majorité.

Dieu me déteste, Hollis Seamon
Dieu me déteste, Hollis Seamon

Alors il va bouleverser ce service de l’hôpital et y foutre un bazar pas possible… Il commence avec son amie Sylvie, 15 ans, et à peu près dans le même état que lui, en faisant les marioles la veille d’Halloween dans le couloir du service, ce qui n’est pas vraiment au goût des visiteurs des autres malades, ni du personnel bien que celui-ci soit d’une extrême bienveillance et vraiment compréhensif. Car Sylvie et Richard sont les deux seuls jeunes à être hébergés en ce moment dans le service, plutôt habitué à recevoir des personnes âgées. Et que bien sûr, même aux yeux des médecins ou infirmiers, la mort d’un jeune restera toujours inacceptable.

Richard va également recevoir la visite impromptue de son oncle Phil, un original qui fait lever au ciel les yeux de sa mère quand elle l’évoque, et qu’il ne voit presque jamais. Profitant de ce que la mère du garçon est clouée chez elle par une vilaine grippe et interdite d’accès à l’hôpital, le joyeux tonton foutraque déboule comme une météorite dans la vie de son neveu, qu’il va plus que chambouler. Imaginez ! Se faire la belle d’un service palliatif ! Une folle nuit que Richard devra malheureusement payer avec sa santé, mais qui lui donne aussi une force et un élan de vie incroyables. La grand-mère de Richard, un peu foldingue elle aussi, l’aidera également à accomplir un de ses vœux les plus chers, de même qu’Edward, un infirmier qu’il aime particulièrement, ou d’autres membres du personnel.

Et c’est cela qui est vraiment merveilleux avec Dieu me déteste de Hollis Seamon. Même si le sujet est terrible, il se lit avec une extrême facilité et on se prend même à rire des aventures incroyables de Richard. La mort est omniprésente et pèse sur le service, qu’elle touchera d’ailleurs dans le cours du roman, mais en même temps, la vie est si présente, grouillante même que tout le récit est d’un optimisme forcené. On se doute bien que la fin est inéluctable pour Richard et Sylvie et pour tous les malades qui les entourent, mais le lecteur se sent totalement solidaire de leur envie de croquer à tous les plaisirs qui passent à leur portée tant qu’il leur reste des forces, de faire des expériences, des « bêtises », d’être pour une fois un peu fous, oubliant les traitements, l’abandon des forces physiques, leur crâne chauve et leur maigreur et toutes les terribles conséquences des maladies et des chimios qu’ils ont subies.

Le roman ne s’intéresse pas seulement à Richard et Sylvie, mais dépeint avec le même talent et la même tendresse toutes les personnes de leur univers. On découvre le courage, l’abnégation, le professionnalisme et en même temps la compréhension du corps médical, qui est là pour soulager les derniers jours et pour entourer, la tristesse de la mère qui va perdre son fils unique, l’angoisse et la révolte d’autres parents qui parfois ne comprennent pas que mourir un jour plus tôt ou plus tard n’est pas si grave si on réalise ses rêves avant de partir, la solitude de certains que personne ne visite plus, et la manière qu’ont les uns et les autres de réagir face à la maladie.

L’auteur a pour son malheur bien connu ce monde médical puisqu’elle a pendant des années rendu visite à son propre fils et rencontré des gens dont elle s’est inspirée pour écrire son roman. On sent à travers son ton humoristique un respect immense pour toutes les personnes dont elle brosse le portrait, une tendresse de mère. Et on rit, aux larmes parfois parce que l’émotion est bien là, mais voilà, ce roman qui mène à la mort est d’une drôlerie infinie. Un petit bijou qui vous donnera envie de profiter de chaque seconde de votre vie.

« Une fois, j’ai fait une liste de tous les trucs dont je n’aurai pas à m’inquiéter – trouver du boulot, élever des enfants ingrats, divorcer, me faire opérer des dents de sagesse, surveiller mon cholestérol -, et maintenant je sais que je peux y ajouter avoir du bide et me rabattre une longue mèche sur le crâne pour planquer les trous. Ça a beau être bizarre, ça me fait du bien. »

Dieu me déteste est le premier roman édité par La belle colère (quel joli titre !), une toute nouvelle maison d’édition créée et dirigée par Stephen Carrière des Éditions Anne Carrière et Dominique Bordes des Éditions Toussaint Louverture, qui regroupera des romans mettant en scène des adolescents. À suivre  !

Dieu me déteste Hollis Seamon, Editions La belle colère, 13 mars 2014, 19€

 

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Dieu me déteste de Hollis Seamon : leçon de vie aux portes de la mort

 

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