De « Agence de voyages Platini » à « Zoff Dino », le journaliste de l’Équipe Vincent Duluc nous régale d’une histoire de la Coupe du monde de foot dont il nous raconte les victoires, les bancs de touche, les vestiaires, les coups bas. Joies et turpitudes. Victoires et défaites. Passionnant.

La coupe du monde de football est terminée. Les émotions sont envolées, les palpitations cardiaques se sont calmées. C’est le moment parfait pour se plonger dans ce Dictionnaire amoureux de la Coupe du Monde, fait de nostalgie, d’histoire(s), de portraits à lire loin de l’agitation du direct. Cette remarquable collection des Dictionnaires amoureux est faite pour être conservée, lue et relue, loin de toute temporalité évènementielle. À la tête de cet opus, bible à venir pour tous les amateur(trice)s de foot, un nom bien connu des lecteurs de l’Équipe, Vincent Duluc, dont les textes en colonnes sont attendus comme ceux d’Antoine Blondin pour le Tour de France. Journaliste mais aussi écrivain, la distinction est importante, l’auteur est capable avec ses mots de faire revivre George Best ou Bobby Charlton, de raconter les moments phares d’un match mais aussi de nous extasier devant un petit pont sur un terrain de banlieue un dimanche matin.

Selon l’âge du lecteur, les entrées de ce dictionnaire prendront les couleurs sépia de la nostalgie, du passé, des souvenirs personnels ou les couleurs éclatantes de la découverte. Portraits et anecdotes se succèdent ainsi dans un désordre de lecture agréable qui vous fait passer du portrait de N’Golo Kante au chronomètre jeté à Krishna par le préparateur physique de l’équipe de France, Robert Duverne.

Le football n’échappe pas aux contradictions et aux violences de nos sociétés, il en est le miroir et l’une des grandes qualités attendues des écrits de Vincent Duluc est cette capacité et intelligence à garder d’une part sa passion d’enfant, celle à qui un copain accroche un blason de l’équipe de France sur le pull à la récréation et d’autre part son esprit critique, sa lucidité d’un sport soumis plus que jamais à l’argent, dirigé par une Fédération, la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), corrompue dont 80 % des votants à l’attribution des coupes du monde en Russie et au Qatar ont fait depuis, l’objet d’inculpations ou de condamnations. Duluc n’est pas aveuglé par sa passion et la distance qu’il conserve, même en utilisant les mots qu’il faut pour dire combien il ne pourrait vivre sans le foot, fait toute la qualité de ses textes. Amoureux mais pas transi. 

Ce regard critique, il le conserve quand il dresse des portraits dévoilant des aspects peu connus comme l’accusation de vol imputée à Bobby Moore, capitaine de l’équipe anglaise de 1966 ou encore les rendez-vous manqués avec le trophée de Jules Rimet de George Best, l’idole footballistique de Vincent Duluc à qui il consacra un très beau livre mais dont il ne sait pas taire les faiblesses humaines. À défaut de déboulonner les statues des mythes devant les stades, il en raconte les ombres. Amoureux mais pas aveugle. 

Au fil des articles, comme un fil rouge, transparait quand même l’amour réel et sincère d’un enfant, d’un adolescent puis d’un adulte pour ce jeu qu’a magnifié le carré magique de l’équipe de France de Michel Hidalgo, quatre jours magiques et un entraîneur dont le portrait restitue toute la grandeur humaine. On aime quand Duluc place au premier plan les hommes porteurs de valeurs. Amoureux et passionné.

Histoire d’hommes, les pages des femmes sont en train de s’écrire, mais aussi phénomène de société. Duluc n’hésite pas à dire et à écrire que la Coupe du monde est allée partout où il ne fallait pas aller : Allemagne hitlérienne, dictature argentine, Russie, Qatar, la liste n’est certainement pas close car le sport le plus populaire n’échappe pas à la géopolitique et aux intérêts financiers. Et que le cirage noircissant des bandes blanches sur des chaussures en 1978 dit tout une époque économique de transition vers un foot business alors inimaginable.

Amoureux du football et de sa plus prestigieuse compétition, ce dictionnaire l’est incontestablement. Dommage alors que dans un article consacré à Aimé Jacquet, Vincent Duluc assure un tacle appuyé à l’ancien sélectionneur, lui reprochant de se figer dans une attitude « d’aigreur » et de « ressentiment », attitude que l’écrivain reproduit à l’identique, beaucoup plus critique à son égard qu’à l’égard de Platini notamment, homme pas forcément exemplaire dans sa vie d’après foot. Amour contrarié, amour déçu, on préfèrera garder de ce très bel ouvrage les mots de passion. Et puis il pourra être complété d’édition en édition. Il faudra ainsi réécrire l’article sur Messi… La Coupe du monde est un éternel recommencement.

Dictionnaire amoureux de la Coupe du Monde de Vincent Duluc. Editions Plon. 530 pages. 26€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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