La librairie Dialogues à Brest fait partie de ces lieux immanquablement évoqués par les Brestois amoureux des livres. Fière de ces quarante ans passés, d’un immense magasin où le livre est roi, et d’une programmation de rencontres à l’année et estivale, Dialogues apparaît comme un joyau culturel de la cité finistérienne. Unidivers a poussé les portes de cette institution pour y rencontrer Laure-Anne Cappellesso, chargée de communication à la librairie. Entretien et reportage en photos.

Librairie Dialogues Brest

UNIDIVERS – Dialogues, c’est un joli nom pour une librairie. Qu’est-ce que ça vous évoque ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Dialogues, c’est une volonté de partage et d’échanges. Entre les lecteurs et les écrivains, entre les clients et les libraires. Cela évoque un lieu ouvert, un lieu de vie, propice à la discussion, aux dialogues. Très vite, la librairie a été un véritable lieu de rencontres qui accueille écrivaines et écrivains de tous horizons avec un plaisir à chaque fois renouvelé.

UNIDIVERS – La librairie Dialogues a été créée en 1976 par la famille Kermarec. À l’époque, quel était l’état du commerce du livre et de l’activité littéraire à Brest ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Il existait à cette époque des petites librairies indépendantes à Brest. Dialogues a souhaité proposer un lieu ouvert et dynamique : d’emblée, on y a trouvé des fauteuils et des canapés pour lire, très vite l’idée du café comme lieu de rencontres et de partage s’est imposée. La volonté de la librairie était de désacraliser le livre, d’inciter tout un chacun à entrer dans une librairie et à s’emparer et du lieu et surtout, des livres qui s’y trouvent.

UNIDIVERS – Le magasin s’était alors installé à quelques pas de là. Pouvez-vous nous parler du développement et de la diversification des activités de Dialogues jusqu’à aujourd’hui ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – La librairie Dialogues a été créée en 1976 par les frère et sœur Marie-Paul et Charles Kermarec, elle se situait à l’emplacement actuel du Café Fleuriot. En 1997, la librairie s’installe dans le bâtiment qu’elle occupe aujourd’hui, et s’étend désormais sur 1 600 m².

Une soixantaine de personnes travaillent aujourd’hui à Dialogues, avec des renforts à la rentrée et à Noël, les temps forts de la librairie. Nous avons 120 000 références en magasin pour environ 250 000 livres. Une douzaine de rayons avec deux à trois libraires pour chacun.

Dialogues Musiques ouvre en 1989, et est aujourd’hui l’un des rares disquaires indépendants encore en activité à Brest. Les Enfants de Dialogues voient le jour en 2001, place de la Liberté : un magasin spécialisé jeux, jouets et livres jeunesse. En novembre 2016, la Papeterie Dialogues est créée, un an plus tard, c’est le Café Fleuriot.

C’est intéressant qu’une librairie de cette taille soit entourée d’autres enseignes, la papeterie, le magasin de disques, etc. Ça en fait un vrai lieu qui résonne, avec des tentacules vers d’autres biens culturels.

UNIDIVERS – Selon vous, quelle place occupe une librairie indépendante de la taille de Dialogues dans le secteur du livre aujourd’hui ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Il y a très peu de librairies indépendantes de cette taille en France, mais il y en a quand même quelques unes, Mollat à Bordeaux, Sauramps à Montpellier, Kléber à Strasbourg, Le Furet du Nord à Lille. Ce sont des institutions. Elles se distinguent d’abord par la quantité de livres, rarement égalable, qu’elles proposent. Il y a un confort dans le choix qui est réel, et un soin apporté à l’accueil et au conseil par des libraires très qualifiés. Et ce sont des points de passage pour les auteurs qui y viennent et reviennent avec plaisir. Mais cela fait partie d’un tout, il faut des grandes librairies comme Dialogues, autant que des petites.

UNIDIVERS – Ces librairies ont-elle un rôle particulier à jouer par rapport aux petites librairies ou aux grandes chaînes ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Je ne les opposerais pas aux petites librairies. D’une manière générale, les librairies ont une mission culturelle à remplir auprès du public qui les visite et une nécessité d’attirer des publics nouveaux, peut-être plus jeunes.

Les librairies ont aussi pour rôle de donner à voir l’activité du monde de l’édition en France, très riche et dynamique, avec plein de petites maisons d’édition. C’est le rôle d’une librairie indépendante, et c’est ce mot qu’il faut mettre en avant, le fait qu’elle soit indépendante, que dans son choix elle a toute liberté pour mettre en avant le travail de petits éditeurs, c’est essentiel.

L’intérêt des librairies indépendantes, qu’elles soient grandes ou petites, c’est aussi de continuer à faire vivre les centre-ville. Avec l’évolution de l’organisation de notre territoire, l’agrandissement pharaonique et flippant des extérieurs et des périphéries, les centre-villes ne se portent pas toujours bien.

Faire vivre un lieu culturel comme une librairie, c’est aussi permettre au centre-ville de rester dynamique et attractif.

UNIDIVERS – Comment appliquez-vous ces missions à Dialogues ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Par exemple, par des sélections thématiques opérées par les libraires. Des focus sont faits sur des éditeurs. Très concrètement, en librairie, cela se manifeste par des tables exposant le catalogue d’un éditeur. On peut aussi le faire via notre site internet et différents outils de communication actuels, de la newsletters aux réseaux sociaux. Et, bien sûr, cela passe aussi par les rencontres à la librairie : si l’ouvrage d’un auteur nous a plu, on l’invite, quelle que soit la maison d’édition qui le porte.

Librairie Dialogues Brest

UNIDIVERS – Là où se joue peut-être la différence avec les petites librairies, c’est dans l’utilisation des différents outils numériques. Pouvez-vous nous parler des différents outils mis en place par Dialogues ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – La librairie a un site internet depuis 1999. Il a évolué petit à petit et on aimerait le faire évoluer encore. On peut y retrouver toutes les références de la librairie, et même plus encore, car différentes bases de données y sont agrégées. On utilise aussi ce site pour des mises en avant thématique à travers des dossiers et pour accueillir les vidéos que l’on tourne quand des auteurs viennent, des interviews ou des captations de la rencontre. La chaîne Youtube est alimentée très régulièrement, ainsi que nos réseaux sociaux, la page Facebook de la librairie, son compte Instagram, son compte Twitter, on est à la page !

Dialogues est aussi à l’initiative du réseau leslibraires.fr. Toutes les librairies n’ont pas les moyens d’avoir un site internet. Ce portail offre à ces librairies la possibilité d’avoir un site internet dédié au référencement de leur catalogue. Cela permet aux clients de connaître la disponibilité d’un livre, un super avantage. L’idée était clairement de contrer Amazon en créant une union de libraire pour mettre en commun leurs stocks.

Quand vous êtes sur le portail, vous tapez Votre cerveau vous joue des tours d’Albert Moukheiber, par exemple, et vous verrez quelles librairies l’ont en stock et quelle est la plus proche. Soit vous y allez, soit vous commander le livre en ligne. Cela permet au petit libraire qui n’a pas de service de communication ou de service dédié aux commandes internet, comme c’est notre cas, de pouvoir aussi vendre en ligne.

leslibraires.fr
Réseau de librairies du portail leslibraires.fr

Le portail Galaxidion fonctionne sur le même principe, mais recense les livres épuisés.

UNIDIVERS – Au-delà de la vente de livres, la librairie Dialogues propose aussi une variété d’activités culturelles, pouvez-vous nous en parler ?

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Il y a une programmation toute l’année, avec environ deux rencontres par semaine. Il s’agit d’auteurs nationaux ou régionaux. L’idée est de créer une programmation qui puisse plaire à tout un chacun, quelque chose de cohérent, d’harmonieux et de séduisant.

Elle se construit à partir d’allers retours avec les libraires, de leurs coups de cœur, des relations privilégiées qui ont été construites avec certains auteurs, ou avec des éditeurs. Pour la rentrée littéraire, nous invitons les auteurs attendus. Les invitations peuvent aussi venir de la demande d’un client. Par exemple, on a fait venir Yves de Locht en mai dernier, un médecin belge qui pratique l’euthanasie, parce qu’une cliente pédiatre trouvait essentiel de l’entendre, et qu’elle avait tellement raison.

Fatou Diome revient en novembre, elle est très fidèle à Dialogues à chacun de ses livres. Il y avait également Michel Serres, un inconditionnel de la librairie pour notre plus grande joie. Jean-Luc Coatalem revient en octobre. Il était déjà venu cette année parler de Victor Segalen à l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain. Il revient pour nous parler de son prochain roman, qui se déroule à Brest, où il évoque la figure de son père.

Nous organisons aussi des séances de dédicace, d’auteurs de BD notamment, ou d’auteurs bretons. Elles ont généralement lieu le samedi.  Et il y a encore des ateliers, d’écriture, de philo pour les enfants, des lectures d’albums à voix haute faites par les libraires du rayon jeunesse, un atelier mathématique, un atelier philo pour les adultes appelé « Voyage en interprétation ». Ces rendez-vous au fil de l’année permettent à tout le monde de venir profiter du lieu et d’un intervenant qui y produit son savoir.

De plus, le café de la librairie, les vitrines du passage Auguste Pavie à l’extérieur, et le café Fleuriot sont trois lieux d’exposition. Elles changent tous les mois et la programmation se fait au fil des propositions et des rencontres. Ces expositions s’inscrivent dans l’idée d’un lieu culturel, il y a un espace disponible, du passage, des murs qui ne demandent qu’à mettre en avant des œuvres, pourquoi ne pas les proposer à des artistes ?

UNIDIVERS – Les activités culturelles de Dialogues se prolongent aussi durant l’été…

Librairie Dialogues Brest

LAURE-ANNE CAPPELLESSO – Cet été, c’est la troisième édition des Éclaireurs, une programmation estivale de rencontres au café de la librairie le vendredi. Ce sont à chaque fois des moments privilégiés. À Brest l’été, il y a les jeudis du port, un rendez-vous important et qui fonctionne bien. Sur ce modèle, on a réfléchi à un rendez-vous culturel et littéraire en plein cœur de l’été. Et ça marche, la salle est comble chaque vendredi. Et les invités sont très contents parce que l’ambiance est un peu différente du fait de l’été ou des vacances.

Nous y donnons la parole à des personnes qui possèdent une espèce de vision sur leur sujet de compétence, pour mettre en avant les sciences au sens large. Cette année, on a parlé aussi bien d’astrophysique, de neuroscience, de science pure avec l’intelligence artificielle, etc.

Le 23 août, nous recevons Cécile Bost, qui s’est découverte surdouée sur le tard et qui depuis a creusé le sujet et écrit plusieurs livres sur la « surdouance » et comment s’intègrent ces personnes.

Le 30 août, Maurice Olender, grand homme de l’édition et du monde littéraire français, directeur de la collection « La Librairie du XXI siècle » au Seuil, qui fête ses 30 ans, viendra évoquer le rôle politique et poétique d’un éditeur. Lors de cette rencontre qui s’annonce incroyable, ce sera davantage la littérature et la société qu’on questionnera.

Cette année, nous avons aussi lancé les Lampes de poche, un rendez-vous adressé aux enfants à partir de 8 ans. On a commencé modestement en proposant trois ateliers, qui ont rencontré leur jeune public. Le troisième et dernier, Un voyage dans les étoiles, réalité virtuelle et cartes célestes, en partenariat avec Réseau Canopée, a lieu le mercredi 21 août.

La librairie propose un lieu vivant, qui s’adresse au plus grand nombre. Si on prend une famille, Dialogues peut répondre à nombre de ses besoins. C’est ce qui fait la force de ce lieu, et qu’on lui reste fidèle.

UNIDIVERS – Merci, Laure-Anne CAPPELLESSO, on vous souhaite une belle fin d’été chez Dialogues.

Cet article s’inscrit dans une série dédiée à la vie culturelle brestoise, Un été à Brest :

BSIDE AIRLINES. VOL AU-DESSUS DE LA SCÈNE ÉLECTRO BRESTOISE 
LES ATELIERS DES CAPUCINS. UN NOUVEAU POUMON CULTUREL A BREST
BREST. UN AVENIR OUVERT À LA PLACE GUÉRIN
LIBRAIRIE DIALOGUES. UN HAVRE DE LIVRES AU CENTRE DE BREST
ASTROPOLIS 2019. GILDAS RÉVÈLE 25 ANS DE RAVE ÉVEILLÉ(E)

 

Brest
Jean Cocteau, L’Opium, 1930.

 

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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