Après La voix humaine au printemps 2013, l’opéra de Rennes met une fois encore Francis Poulenc à l’honneur avec Dialogues des carmélites. Une version originale pour piano dont la remarquable exécution pourra être appréciée à Cesson-Sévigné, Saint-Brieuc et… Belle-Île-en-Mer.

 

DIALOGUES DES CARMÉLITEFondée sur des faits historiques – la condamnation à mort et l’exécution pour « fanatisme et sédition » de seize carmélites en 1794 à Compiègne –, l’action des Dialogues des carmélites se déroule en plein contexte révolutionnaire. Toutefois, Eric Chevalier fait le choix de décontextualiser l’œuvre. Aussi les évènements extérieurs au carmel ne sont-ils qu’à peine suggérés, quant à l’époque elle est manifestement contemporaine. Il faut dire que la version pour piano que propose l’opéra de Rennes se prête plutôt bien à ce choix qui, en plus d’être légitime, en devient assez judicieux. Cette version – 1h55 avec un entracte – est d’une bonne demi-heure plus courte que la version pour orchestre et ne reprend pas certains tableaux qui évoquaient explicitement la Terreur, toute l’action se concentre sur le carmel, l’emprisonnement des carmélites et leur exécution.

Au service de ce parti-pris de s’éloigner des faits historiques et de l’époque révolutionnaire, Eric Chevalier propose un décor des plus épurés. Cinq pans de murs noirs, quatre rampes de néons délivrant une lumière blafarde, un mobilier minimaliste. Sur l’un des murs, une inscription permanente : silence éternité. Au fil du drame, les carmélites y inscriront à la craie différentes sentences puis les effaceront. L’idée est plutôt bonne, elle évoque les inscriptions des prisonniers sur les murs de leurs cellules et rappelle que l’entrée au carmel est une volontaire privation de liberté (extérieure) en même temps qu’elle préfigure l’embastillement des carmélites. Cependant, si ce choix de mise en scène  – qui rappelle celle d’Olivier Py au Théâtre des Champs-Élysées en 2013 – permet de combler quelques temps morts, il en crée d’autres.

DIALOGUES DES CARMÉLITEIl faut malgré tout rendre hommage à Éric Chevalier de proposer une mise en scène  convaincante, servie par des costumes d’une harmonieuse unité et contrainte par la vocation qu’a cette production à être jouée dans des salles de tailles réduites. La scène finale de l’exécution des carmélites – ici par arme à feu – est saisissante d’intensité dramatique. On regrettera toutefois l’intervention malheureuse d’un personnage masculin, mi-guérillero mi-zadiste, sorte de Che Guevara du Larzac en pantalons de velours boueux, tee-shirt, béret et lunettes de soleil ; il n’apporte rien, si ce n’est de permettre à Blanche, revenue parmi ses sœurs, de faire face à son bourreau nimbée d’une grâce éclatante.

L’ensemble de la production profite de voix judicieusement distribuées. Martine Surais nous offre une remarquable Madame de Croissy. Sa voix évoque la maturité et la force, sa diction est parfaite, quant à son jeu de comédienne, il donne au personnage toute son ampleur ; Martine Surais donne le meilleur de sa longue expérience. Blanche de la Force est très bien incarnée par Blandine Arnould. S’il n’y a rien à redire sur sa performance vocale, son jeu est quant à lui assez monotone et plutôt crispé, mais c’est aussi le rôle qui veut cela – Blanche est inquiète, vulnérable et obsédée par la mort ; il faudra attendre la scène finale pour la voir enfin rayonnante de beauté. Karine Audebert obtient à l’évidence les faveurs du public. Il faut dire que sa voix puissante et généreuse colle parfaitement avec le personnage de mère Marie. Le rôle de Madame Lidoine profite de la technique très maîtrisée de Sylvia Kevorkian. Quant à Violaine Le Chenadec, sa voix fraiche et cristalline s’accorde à merveille avec le caractère vif et enjoué de Sœur Constance qu’elle campe avec un naturel confondant. Il serait injuste d’oublier le chœur de l’opéra de Rennes qui fait corps avec les personnages principaux sous la direction de Gildas Pungier. Ce dernier, en amoureux de la voix, tire le meilleur des solistes et du chœur réussissant à créer une belle unité qui nous suggère qu’au fond il n’y a – exception faite de l’aumônier très bien tenu par Olivier Hernandez – qu’un seul personnage : le carmel.

DIALOGUES DES CARMÉLITESi Francis Poulenc affirmait n’avoir pas étouffé les voix – ce qui n’est que partiellement juste tant la présence des cuivres est grande dans la version orchestrale – c’est encore plus vrai s’agissant de la version pour piano. À cet égard, le choix de Colette Diard est des plus pertinents : au-delà de son expérience de pianiste elle fait profiter la production de son expérience de maître de chant.

L’opéra de Rennes offre au public, une fois encore, une belle occasion d’oser pousser ses portes afin d’y découvrir une version moins connue des Dialogues des carmélites. Réjouissons-nous de cette heureuse initiative d’Alain Surrans, un directeur d’opéra toujours soucieux d’offrir à un public pour l’occasion très large – Rennes, Saint-Brieuc, Cesson-Sévigné, Belle-Île-en-Mer – des productions de qualité malgré un budget pour le moins serré…

Crédit photos : Laurent Guizard

Dimanche 9 novembre à 17h Belle-Ile-En-Mer / Salle Arletty
Mercredi 12 novembre à 18h Rennes / Opéra
Jeudi 13 novembre à 20h Rennes / Opéra
Mardi 18 novembre à 20h30 Cesson-Sévigné / Carré Sévigné
Samedi 29 novembre à 20h30 Saint-Brieuc / La Passerelle

 

DIRECTION MUSICALE GILDAS PUNGIER
MISE EN SCENE, SCENOGRAPHIE, LUMIERES ERIC CHEVALIER
COSTUMES ERIC CHEVALIER assisté de ANNE-CELINE HARDOUIN
PIANO COLETTE DIARD
BLANCHE DE LA FORCE BLANDINE ARNOULD
MME DE CROISSY, première Prieure MARTINE SURAIS
MME LIDOINE, nouvelle Prieure SYLVIA KEVORKIAN
MERE MARIE DE L’INCARNATION KARINE AUDEBERT
SŒUR CONSTANCE DE SAINT-DENIS VIOLAINE LE CHENADEC
L’AUMONIER DU CARMEL OLIVIER HERNANDEZ
CHŒUR DE L’OPERA DE RENNES

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