Un débat sur la recevabilité de l’étude du professeur Seralini sur le danger des OGM occupe depuis plusieurs jours les médias. Entre pro et anti, le grand public peut s’y perdre. Tentative de décryptage.

Gilles Éric Seralini est professeur de biologie moléculaire. Il exerce à l’université de Caen. Sous l’égide du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) qu’il a fondé avec des personnalités comme Corinne Lepage ou Jean-Marie Pelt, il a diffusé en septembre 2012 une étude sur les OGM qui mettent en lumière leur nocivité. Cette étude cible le maïs NK603 de Monsanto, traité ou non avec l’herbicide Roundup, lui aussi produit par Monsanto. Son avantage : elle aurait été effectuée sur une durée plus longue que celles nécessaire à la mise sur le marché des semences OGM. En effet, le minimum requis dans l’OCDE est de 3 mois pour une mise sur le marché d’une semence de ce type. En occurrence, la présente étude prend pour cobaye des rats durant 2 ans, soit une bonne partie de leur espérance de vie. Deux groupes de dix rats femelles et mâles ont été utilisés.

Il peut être utile de rappeler que les fournisseurs d’animaux pour laboratoires sélectionnent et modifient des souches animales afin de se rapprocher du métabolisme humain. Le professeur Narbonne, membre du comité scientifique de Pro Anima, dénonce de telles méthodes qui donnent selon lui des résultats erronés, bien loin de techniques comme “la génomique, protéomique et métabolomique”. Pour être recevable, il faudrait recourir à des tests sur plus de 1000 rats ; ce que demande d’ailleurs le professeur Seralini pour faire suite aux critiques qui ont plues.

Cette étude pour le moins bâclée de l’avis de nombre d’experts, y compris de Seralini qui demande davantage de fonds, produit l’effet inverse. Elle donne du grain à moudre aux pro-OGM qui ont inondé la presse de contre-études semble-t-il tout aussi bâclées et d’attaques contre la méthodologie employée par Seralini. C’est le cas avec Gérard Pascal dans Le Monde, sachant qu’il est consultant pour des producteurs (source ici). On peut citer aussi Henry I. Miller, anciennement employé à la Food and Drug Administration et aujourd’hui membre du think tank Hoover Institution (source ici). On retrouve dans cette institution des membres du directoire de Monsanto comme George H. Poste, par exemple (source ici).

Quant au professeur Narbonne, il s’est exprimé dans un article du Huffington Post. Il y décrit dans le détail les nombreuses failles de l’étude. En tant que réfractaire à la vivisection, il regrette l’utilisation de rats pour des résultats aussi peu crédibles tout autant que le dénigrement mis en place par et contre Seralini. C’est avec raison qu’il rappelle combien le processus de transformation des OGM et l’utilisation d’adjuvants sont complexes.

De fait, les combinaisons à tester sont autrement plus complexes que des souches de rats, très éloignées du métabolisme humain. La consommation indirecte d’OGM – qui, rappelons-le, est utilisée pour nourrir le bétail – ne représenterait pas de danger pour l’homme selon les dernières études (qui peuvent encore être remises en cause). Mais c’est sur la consommation directe que le doute subsiste. Et ni Seralini ni ses détracteurs n’ont fait avancer les choses dans cet objectif qui relève pourtant de l’intérêt général.

Une étude complète et sérieuse représenterait un coût très élevé que, bien malheureusement, personne ne souhaite financer. En attendant, les propositions d’études approfondies et objectives sont bien peu soutenues, car c’est toute la sphère de l’agroalimentaire qui pourrait être chamboulée par leurs résultats, quels qu’ils soient.

En période de crise mondiale où les investissements cherchent une rentabilité rapide, il est peu probable qu’une levée de fonds vienne soutenir une étude sérieuse aux protocoles détaillés et approfondis; Ce que la simple raison et l’intérêt général appellent pourtant. Tant qu’elle n’aura pas lieu, la poursuite du moratoire sur la culture des OGM semble donc parfaitement justifiée par le principe de précaution.

 

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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