Volontaires, engagés pendant six à huit mois sur les thématiques du harcèlement, de l’isolement des personnes âgées, des discriminations ou du gaspillage, 100 jeunes viennent d’achever leur service civique auprès de l’association Unis-Cité. Des expériences fortes pour ces volontaires âgés de 16 à 25 ans, qui y voient aussi bien une manière de porter des valeurs positives qu’une façon de s’occuper avant de rebondir dans leurs études ou d’entamer leur carrière professionnelle.

Sous les ors de la salle du conseil de l’Hôtel de Ville de Rennes, les t-shirts orange se bousculent. Dans leur dos, sur leurs manches, toujours le même logo : celui d’Unis-Cité, une des principales associations pourvoyeuses de volontariats en services civiques. Devant les larges baies vitrées, Glenn Jegou, conseiller municipal délégué à la jeunesse et à la vie étudiante, tient à remercier ces jeunes pour leur engagement : « les jeunes Rennais sont un atout pour la ville, ils sont porteurs de valeurs positives, qui bousculent les choses. »

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Jocelyn Leclerc (gauche), directeur territorial d’Unis-Cité, et Glenn Jegou (droite), conseillé municipal délégué à la jeunesse remercient les volontaires pour leur engagement

Ce mercredi 13 juin, ils sont une centaine de jeunes à recevoir leur attestation de fin de service civique. Tous viennent d’achever entre 6 et 8 mois de volontariat avec l’association unis-cité, répartis entre différentes structures. À la place des habituelles tables du conseil municipal, leurs stands reflètent la diversité de leurs activités, à coup de photos, de prospectus, de petites vidéos. Certains présentent leurs sets de table, dont les illustrations alertent sur le gaspillage alimentaire. D’autres s’empressent de chercher sur leur ordinateur une vidéo de personnes âgées : à coup de frites de mousse, elles s’envoient des ballons de baudruche. Avec plus ou moins de vivacité, il est vrai, mais l’important est que tous s’y essaient.

Sous leur forme actuelle, ces volontariats ont été créés en 2011. Mais ce ne sont que ces dernières années que leur nombre s’est envolé. Ils étaient 35 000, âgés de 16 à 25 ans, en 2014. En 2017, leur nombre devait atteindre les 150 000. À terme, un jeune sur deux devrait être concerné, selon les objectifs fixés par l’agence nationale du service civique : soit 300 000 personnes par an… Derrière l’envol des engagements, il y a une volonté politique : après les attentats de 2015, il fallait soutenir l’engagement citoyen.

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Dans ce tout récent univers du service civique, Unis-Cité-cité occupe une place toute particulière. L’association, créée en 1994, militait activement pour que ce statut soit créé. Elle a inspiré les formes prises  par ces volontariats : des missions construites, en théorie, par les jeunes, sous l’encadrement d’un tuteur. Aujourd’hui, elle propose plus de 7 000 missions, sur toute la France, et a accueilli, en tout, plus de 200 000 jeunes depuis sa création.

« Les valeurs d’Unis-Cité, c’est la mixité sociale »,  affirme son directeur territorial pour la Bretagne, Jocelyn Leclerc. Il se plait à rappeler la mythologie de l’association : trois étudiantes en école de commerce dans une banlieue populaire de la région parisienne, qui voulaient recréer du lien social, ont initié le projet.

« On recrute des jeunes  qui ne seraient pas recrutés dans les autres services civiques normalement », continue Jocelyn Leclerc. En théorie, les volontaires sont recrutés selon leur motivation. En pratique, leurs compétences orientent parfois les choix des associations et institutions publiques qui les recrutent.

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L’association, elle, a décidé de mettre en place des quotas, pour les jeunes en situation de handicap, issus des quartiers jugés « prioritaires »… Les missions locales, les travailleurs sociaux, orientent vers eux des personnes qui n’auraient pas autrement songé à faire un service civique.  « Ce n’est pas toujours facile d’avoir cette mixité, regrette toutefois le directeur territorial, il y a des préjugés qu’on essaie de faire évoluer. »

Pour lui, ces jeunes rejoignent Unis-Cité pour s’engager, réaliser des choses positives.  Avant de concéder : « certains peuvent s’engager parce qu’ils ont besoin de l’indemnité, pour éviter de ne rien faire ». Mais il rajoute rapidement que, dans le collectif, « ils se révèlent, ils se découvrent ».

À chaque fois, les jeunes basculent entre les deux. Certains voulaient absolument faire un service civique, d’autres cherchaient une occupation, face à un redoublement en licence qui les laissait inactifs la plupart du temps. D’autres encore veulent préparer une réorientation dans leurs études : « je voulais découvrir le travail avec les personnes handicapées, explique Johan, 18 ans, pour m’offrir une expérience avant de faire une formation d’AMP [Aide Médico-Psychologique, ndlr] ».

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« Le service civique n’est ni un stage ni un emploi, mais fait progresser le savoir-faire et le savoir-être », corrige Jocelyn Leclerc. Pourtant, les rapports officiels, notamment de l’Assemblée nationale, pointent régulièrement le risque de substitution à l’emploi pour les services civiques. La tentation est d’autant plus forte que, en partenariat avec le conseil départemental, de nombreux volontaires viennent proposer des animations en maison de retraite, là où le manque de main-d’œuvre est souvent criant.

« Il nous est déjà demandé de recadrer des partenaires », explique le directeur territorial. Cette veille par les tuteurs d’Unis-Cité, et le travail en binôme, au moins, des volontaires, permet d’éviter ces dérives. « Si un volontaire ne vient pas, ça ne chamboule pas le fonctionnement », précise Jocelyn Leclerc : une manière de prouver que le service civique ne devient pas un emploi dissimulé.

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Éloignés de ces préoccupations, les jeunes volontaires sont enthousiastes quand il s’agit de parler de leur mission. « Ça nous donne un regard nouveau, affirme l’un d’eux, âgé de 23 ans. On peut se rendre utile, se rendre compte qu’il y a beaucoup de belles choses. » Pendant ces huit derniers mois, il a accompagné des personnes âgées dans un EHPAD, et des personnes en situation de handicap psychique, dans un foyer de vie. Dans chacun de ces deux établissements, il peut prendre le temps de parler avec les usagers du lieu, temps que n’ont pas forcément les professionnels. « Il y avait une dame malvoyante, avec une mauvaise ouïe, qui restait toute la journée assise, témoigne-t-il. Elle nous a dit : maintenant que vous venez, les journées passent plus vite. » Lorsqu’il entre dans l’EHPAD, les résidents demandent directement : « on va sortir se promener ? »

« Il y a 4 à 5 soignants pour s’occuper de deux étages, avec 60 à 80 personnes », témoigne Pauline, qui réalise en partie son service civique dans un autre EHPAD. Dans ce cadre, ce sont les jeunes volontaires qui servent de point de repère aux nouveaux résidents. « On fait des visites dans les chambres de ceux qui n’aiment pas les animations », continue-t-elle. Ils sont quatre en service civique, qui proposent en plus de ces visites des animations avec des animateurs professionnels : des chants, de la sophrologie, du tir à la sarbacane… « Ils visent super bien malgré leur âge ! » s’amuse-t-elle.

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Loin de l’odeur médicale des maisons de retraite, d’autres volontaires ont été plus actifs dans les collèges. Unis-Cité a ainsi lancé en 2017 un programme pour sensibiliser sur le gaspillage alimentaire. Neuf volontaires divisés en trois groupes sont intervenus dans les écoles, pour proposer, au total, une centaine d’animations.

D’autres ont organisé des projections de film dans différents établissements, pour susciter des débats dans les écoles, EHPAD,… Le programme, financé par le Centre National du Cinéma et de l’image animée, a attiré 32 jeunes. Au collège Louis Guilloux, une quinzaine de films a été projetée, se félicite son Conseiller principal d’Éducation. Surtout, l’établissement a pu faire venir Joude Jassouma, réfugié syrien co-auteur d’un livre témoignage sur son parcours. Il regrette toutefois : « ce sont surtout les élèves internes qui ont pu y assister ».

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Le leitmotiv de la citoyenneté, du vivre ensemble, revient souvent, comme un cantique, pour décrire les autres programmes portés par Unis-Cité ou les missions définies par les volontaires eux-mêmes. Certains sont intervenus pour favoriser le « partage de l’espace public » – notamment les jeudis soirs – d’autres ont décidé de se centrer sur le harcèlement scolaire, ou de proposer des animations sur les discriminations, avec le défenseur des droits. « On organisait des saynètes qui fonctionnaient bien, explique Gwen. Par exemple, on mettait en scène une Lisa Simpson qui ne pouvait pas rejoindre une filière, parce qu’elle était une fille… » Ce service civique lui a permis d’apprendre à travailler en équipe, d’acquérir des connaissances juridiques sur le thème des discriminations. Surtout, il lui permet de rebondir : après des études techniques, il veut faire un DUT carrières sociales.

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Mais alors que la centaine de jeunes termine de manger les derniers amuse-gueule du buffet offert par la ville de Rennes, une question se pose. Comment le service civique pourrait-il se maintenir, alors qu’un service national obligatoire pour tous les jeunes devrait voir le jour, porté par le nouveau gouvernement ? « Au pire, le service civique va cohabiter avec, affirme Jocelyn Leclerc, au mieux, ils vont se compléter. »  Les associations impliquées dans les services civiques suivent avec attention l’évolution de cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron.  Mais le temps réduit du service national – deux fois 15 jours,  selon les recommandations du groupe de travail – et son caractère obligatoire devrait les favoriser : le service civique reste lui volontaire, et sa durée permet aux jeunes de réellement s’impliquer, jusqu’à un an.

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