Trouver de nouvelles sources d’énergie est quelque chose de louable et l’énergie animale pour tracter, pousser… est utilisée depuis des millénaires. Mais lorsqu’il s’agit de créer du carburant à base d’animaux morts, des questions d’éthique et de rentabilité environnementale ne manquent pas de se poser.

Le Havre vient de connaître l’ouverture de la première usine de BioDiesel à partir d’animaux en France. Il s’agit de l’usine Estener qui se veut une « plateforme multimodale » du fait de sa localisation à proximité d’un port, de voies fluviales et d’autoroutes. Elle est détenue par le groupe Les Mousquetaires (Intermarché), par la société d’équarrissage SARIA  et la société d’abattoirs SVA-Jean Rozé. Objectif : valoriser les déchets des abattoirs de la région du Havre et de l’équarrissage afin de les recycler en un carburant de type Bio Diesel à hauteur de 5% de « bio » (et non pas 7 comme l’annonce Estener) dans ce carburant d’origine fossile. La localisation au Havre paraît logique compte tenu de l’approvisionnement des raffineries et réservoirs déjà présents.

vacheMais le bilan carbone n’est sans doute pas aussi vertueux que les 83% de gain avancé par Estener. En effet, dans la transformation de plantes, il faut tenir compte d’une part du bilan carbone de l’élevage des animaux au prorata de la part récupérée. En effet, ces mêmes animaux sont alimentés par des végétaux transformables parfois en biocarburant et, souvent, par des végétaux importés (d’où des émissions du transport à prendre en compte). A cela s’ajoute le transport entre l’élevage, l’abattoir, la SARIA qui pratique ensuite l’équarrissage et, enfin, Estener.

L’Ester méthylique d’huile animale (EHMA) est le produit final de cette longue opération. Il est incorporé à hauteur de 5% dans du diesel ou bien au maximum à 30% dans des flottes de véhicules captifs. Dans le cas présent, un expert souligne que ce qui était auparavant brulé pour chauffer les bâtiments dans la société d’équarrissage devra être remplacé par une autre source d’énergie ; ce qui devrait encore baisser le bon rendement présumé. Qui plus est, le carburant produit est plus cher que le carburant non additionné ; ce qui augmentera le budget de son utilisateur, à moins de revoir les taxations dans ce domaine. Au final, le produit reste tout de même un carburant fossile pour des moteurs thermiques rejetant des polluants. Ce n’est certes pas demain que nous pourrons encore nous en passer…

Mais vient aussi un problème éthique relatif à l’utilisation des déchets animaux. Jusqu’où s’arrêtera-t-on dans cette utilisation du vivant ? S’il s’agit ici d’une valorisation de déchets que nous pourrions comparer à de la biomasse, rien n’empêche d’imaginer des dérives comme des élevages en batterie d’animaux pour fournir à bas coût de tels carburants. Nous avons déjà pu voir des dérives de ce type avec la création de fermes usines comme celle des « 1000 Vaches » près d’Amiens. Cette dimension éthique du projet n’a pas encore été soulevée. Pourtant, rappelons-nous combien la culture récente des agrocarburants a pénalisé des circuits entiers d’alimentation, notamment en Amérique du Sud. Le cœur du problème ne tient pas seulement à l’indépendance énergétique qui a servi à justifier ce projet, mais dans l’évolution de notre utilisation des énergies. Comment utiliser ce qui est vraiment durable : la force de l’eau, du vent, la lumière et les mers.

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Du carburant à base d’animaux : quelle rentabilité environnementale ?

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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