En avril 2013, dans le cadre du festival Mythos, festival des arts de la parole, l’acteur et metteur en scène Cédric Gourmelon a proposé un spectacle intitulé Au Bord du gouffre. Spectacle basé sur les écrits de David Wojnarowicz artiste pluridisciplinaire américain.

Méconnu en France David Wojnarowicz est l’un de ces artistes modernes polymorphe qui est allé ultimement au bout cette ascèse de l’excès qui semble être la marque d’une certaine contemporanéité. De cette mécontemporanéité aux formes multiples dont la violence et l’ensauvagement existentiel semble accompagner et comme exorciser le courant majeur d’uniformisation de notre époque. Véritable vecteur d’une pacification humaniste, ce dernier semble néanmoins porteur du risque non négligeable d’une indifférenciation violente. Très peu connu du grand public donc, Wojnarowcicz évoluait dans un milieu avant-gardiste, au sens des avant-gardes américaines : soit entre clochardisation profonde et mondanités surfaites. Le terme qui convient le mieux est d’ailleurs anglo-saxon : hype. Il semble toutefois que chez Wojnarowicz la vraie profondeur se loge dans une rébellion existentielle et violente bien loin d’être superficielle ; il fut – loin de la cynique récupération marchande d’un Malcom Mc Laren – un punk.

3Le spectacle de Cédric Gourmelon semblait être le lieu idéal pour prendre élan vers un approfondissement de l’oeuvre. Prise dans l’espace en rhizomes des actes culturels, elle réussit à dire au-delà d’elle. Même si ce qui s’est joué ne fut pas pleinement à la hauteur de l’engagement attendu. A la décharge de l’acteur-metteur en scène, nous assistions à la quatrième représentation d’une performance qu’il conçoit lui-même comme devant se plier à une évolution permanente. Soit. Il demeure néanmoins une sensation d’inabouti ou bien de choix par trop tempérés.

Cédric Gourmelon nous propose et nous mets, directement, sous les yeux l’incarnation d’une parole. Le spectacle se décompose en plusieurs tableaux. Le plateau ne change guère. Les éléments, tables, micros sur pied, écrans de télé… restent stables (en dehors des tables qui seront bousculées, un peu). Et c’est sans doute cette stabilité mièvre qui achoppe face à la virulence de la parole. On hésite. Finalement l’entrée en scène reste la partie la plus singulière. Sur une musique ravagée, l’acteur entre sur le plateau, fixe, statique. Il allume un cigarette et la fume, avec un plaisir non dissimulé, jusqu’au bout… Ce sera ensuite une récitation de morceaux (biens) choisis. La mise en scène dérape malheureusement dans une facilité en porte-à-faux avec la singularité du texte. Des actes trop attendus, trop « faciles » (le renversement des tables après une reptation pas très sensuelle, les vidéos mal projetées qui détournent l’attention plus qu’elles n’illustrent ou ne frappent…).

Finalement, il aurait été préférable de choisir le biais d’un contraste total : une lecture habitée (comme lors des quelques passages les plus forts) ou bien un investissement complet du corps et de l’espace. On aurait aimé voir ce texte incarné dans une véritable alchimie poétique du corps et du verbe. Le contexte s’y prêtait et les frères Hurtado, du projet français Etant Donnés, n’auraient certes pas été une mauvaise influenc (1) : pour l’implication poétique radicalement renversante des corps, pour l’exaltation onirique de l’espace, de la souffrance et de la tristesse ainsi que pour la radicalité sonore (la bande-son est, en effet, assez convenue). En particulier aussi pour tous les échos que ce spectacle – exaltant malgré ses faiblesses matérielles – peut offrir après la découverte en terme de réflexions sensitives sur l’art moderne/contemporain et sur la vie que celui-ci prétend surplomber de sa « superbe »…

Extension : Génération néant (2)

Ainsi donc, selon Wojnarowicz, sous les dehors policés d’un monde comme il faut, celui dont la zone pavillonnaire est l’image, se meut une violence aiguë, une ardeur destructrice. Les pavillons alignés, les « pelouses bichonnées » sont la façade d’un enfer miniature et le sens aigu de la monstrueuse laideur de cette fausse perfection et de l’hypocrisie qu’elle masque finit par déboucher sur l’idée qu’elle est un ennemi plus haïssable que la violence elle-même.

On sent que le monde intérieur de Wojnarowicz a été soumis à un saccage, l’enfant en lui est inconsolable et il va déclarer une guerre violente et totale à la violence et à l’hypocrisie qui la masque.

C’est une certaine forme de beauté, désorbitée, brute qui se livre ; elle claque d’une manière cinglante en éclats de rage contre la grise solidification mortifère du monde à son apogée, puis elle s’apaise en instants évanescents de tendre contemplation. Le fouet brûlant de la colère lucide autant qu’incontrôlée a ouvert des brèches dans la violence hypocrite (3) de cet im-monde. Ascèse de l’excès, âpre, féroce, crue qui doit briser l’épaisse écorce de cendres compactées qui recouvre le monde visible que DW nomme l’Autre Monde, et cette dénomination (qui donne accès à une réalité) n’est pas sans rapport avec l’étrange Pays des Néants que l’écrivain russe d’origine polonaise Sigismund Krzyzanowski décrit dans son étrange correspondance intitulée Estampillés Moscou (éditions Verdier, Paris, 1996). Monde invasif qui peu à peu désagrège le logoï des choses, le sens, les sensations, les sentiments. Evidant tout et ne laissant que chaos, froide abstraction et violence hypocrite.

Le monde de la vision est/devient le vrai, le réel dissimulé sous le simulacre et ce monde qui « tombe sous le sens » n’est plus alors que celui d’une affreuse et blessante dissimilitude. Le monde intérieur lui, demeure secret et ne parvient pas à resplendir extérieurement, cela uniquement à cause de la poussée violente, de la pesanteur sordide que lui inflige la sinistre construction usurpatrice. Alors il convient de déchirer par le spectacle du corps fait mot-personnage le voile spectaculaire du monde, faire chair avec le cœur en fusion des mots, défaire leur pulpe dermique pour accéder à un noyau de sens. Traverser l’état spéculaire du monde comme représentation. Déchirer la toile sur lequel le portrait du monde devient plus splendide et radieux à mesure que son âme se corrompt et se dégrade.

Pour cela faire parler tous les langages.

« … l’authenticité de son travail portant sur l’imaginaire est tout à fait exceptionnelle. Sa « méthode » consiste à utiliser ses fantasmes et surtout ses rêves, qu’il note ou enregistre systématiquement, afin de se forger une langue et une cartographie lui permettant littéralement de reconstruire en permanence son existence. » (Félix Guattari)

Wojnarowicz sait d’instinct qu’il faut ré-accaparer le langage dans tous ses champs, l’extraire des envoûtements de la beauté sacralisée qui masque le scandale de la mort.

De la beauté au sublime, cartographie punko-dadaïste

« La beauté n’est pas tant une qualité de l’objet considéré qu’un effet en celui qui regarde » écrivait Spinoza. Le regard, alors, est captif, envoûté et la culture retourne à ses racines, à ce culte fétichiste violent qui se masque derrières les mièvres volutes d’un encens faussement spirituel, réellement spirite et médiumnique. Le principe de toute culture, de toute civilisation est caïnite pour le dire selon les termes d’un René Girard. Cette référence, dans le cas de Wojnarowicz n’est pas une simple extrapolation, une exagération (cf. infra). En effet, c’est dans la proximité avec la violence et avec la mort (en particulier de ses amis atteints du Sida) que la hargne poétique de Wojnarowicz va atteindre ses plus beaux paroxysmes. Révélation du scandale absolu (et le rôle double, ambivalent du scandale dans l’art moderne pourrait bien trouver un éclairage singulier dans l’étude girardienne du skandalon, l’obstacle de la théorie du désir mimétique), le scandale de la mort et de « l’immortalité » de la mort ! C’est cela qui fait la laideur perpétuelle du monde, c’est cela et par-dessus tout la « mise à mort » violente des innocents persécutés. Wojanrowicz, au corps accaparé, volé, meurtri défend avec l’énergie radicale du verbe explosif les persécutés. En son temps, en son lieu, les homosexuels, les séropositifs, violentés, délaissés, dénoncés par le gouvernement américain…

Kid par David Wojnarowicz
Kid par David Wojnarowicz

Dès lors, derrière les particularismes d’une contre-culture admise au rang envié d’art (le punk-gay Wojnarowicz, le zonard traumatisé, gagne l’accès aux galeries et aux expositions officielles) semble refaire surface un certain atavisme sauvage, une sorte de lignée, comme une ligne de poudre, explosive qu’on enflamme… Si l’on se permet de supputer un peu l’arbre généalogique, de tracer subjectivement une cartographie génético-spirituelle, alors certains liens se révèlent à une sorte de lumière intérieure, les lectures établissent une nouvelle lecture, créative. Ainsi, la violence et le dérèglement qui s’agitent dans l’art et les écrits de DW sont déjà présents chez Witkiewicz en particulier dans son roman L’Inassouvissement. Terme qui semblerait particulièrement adapté à la problématique globale de l’art actuel. Journal crépusculaire du délitement nerveux et moral d’un pays et d’un jeune homme cet étrange roman accumule les séductions vénéneuses d’un monde qui sombre ; l’hystérie lourde et pesante des philosophies et des idéologies qui pèsent sur l’organique ; les perversions insatisfaisantes et la sexualité confuse. En sa seconde partie, faussement rectificatrice, il est une vision prophétique hallucinée d’un avenir « sauvé » par une mystérieuse substance distribuée par un non moins étrange messie politico-sectaire. Endormi et aveuglé le monde ne cesse pourtant pas d’être secoué par une obscure inquiétude spasmodique.

De Witkiewicz, Witold Gombrowicz aura lui hérité cet étrange instinct de l’immaturité stagnante, aussi fascinante qu’effroyable des vieilles sociétés au déclin sans retour. Ferdydurke, Cosmos et surtout La Pornographie contiennent déjà la violence brûlante comme conséquence des mondes intérieurs fatigués, brisés, mort-nés. Simplement, la gangue strictement littéraire n’avait pas encore cédé et Gombrowicz, quoiqu’il est pressenti la nécessité de son éclatement ne pu s’en défaire, il était un le précurseur oppressé par sa découverte elle même. Pour Wojnarowicz, l’époque et le milieu s’étaient chargés de le tenir loin de ce « carcan ».

Nous n’en avons donc pas terminé avec l’esthétique du chaos, celle que déjà Dostoïevski entrevoyait dans tel passage de L’Adolescent. Immaturité, encore, inassouvissement de ce désir métaphysique raréfié, diminué. Conscience inconsciente de ce que quelque chose ne va pas… Dont on trouverait également la trace dans cette esthétique frénétique et désorientée des films d’Andreij Zulawski. En particulier dans L’Amour braque, cet opus de pur déchirement inspiré par L’Idiot de Dostoïevski dans lequel se mêle, outre la vision de l’auteur russe, des fragments de culture et de sous-culture, l’art, le théâtre, Tchékov, le meurtre, la vengeance… le tout dans une ambiance qui tient du situationnisme et du post-punk barbouillé aux couleurs criardes des années 80. Hors, le punk « à la Wojnarowicz » veut vraiment passer pour l’idiot aux yeux de l’Autre Monde. Le punk est le contrefait métaphysique, d’Alan Vega (Suicide) à Ian Curtis (Joy Division) en passant par le « journaliste de l’underground » français Alain Pacadis…

Une ascèse de l’excès, encore, exercice de purification mais non par apurement, au contraire par cumul, grossissement, exagération… Marque d’immaturité, mais également technique définie dans le domaine philosophique par Gunther Anders :

« La contre-action : l’activité de ceux qui mènent les faits minimisés à la hauteur du visible, qui rendent leur format approprié aux phénomènes réprimés, qui corrigent le défiguré, est désignée [sic] d’« exagération ». L’expression est d’un usage si courant que nous ne voyons aucune raison de ne pas la reprendre. […] Si les philosophes, habitués à travailler à l’œil nu, rejettent l’exagération comme non sérieuse – et la plupart le font évidemment – ils ne valent nullement mieux, c’est-à-dire : ils ne sont pas moins obsolètes et ridicules que ne le seraient des virologues qui rejetteraient les microscopes, qui défendraient donc une « virologie à l’œil nu ». (Philosophische Stenogramme, 1993, 2e éd., C.H. Beck, Munich)

L’art moderne (4) serait une charge exagérée contre la beauté affirmée par le monde mais violentée par lui, contre une beauté glaciale et glaçante, paralysante, privée de vie mouvante et sensitive, beauté surestimée dans les « choses », dans les « chefs-d’œuvre » à l’encontre des êtres. Beau confondu avec le bien. Même lois normatives qui excluent, moralisme et formalisme qui, pour leur défense, impose une hypocrite sacralité, un mythe : « sans nous : le chaos ». Violence légale, oxymorique : violence pacifiante, violence létale à l’œuvre dans la langue elle-même. A cette théologie politique rigide répond une théologie désordonnée de la provocation. Il se dégage de l’ambiance paroxystique de chaos et de « blasphème » de cette forme d’art comme une vague réminiscence des théories de Jacob Frank, une sorte de « rédemption par le péché »…

« Verser dans tous les péchés, au besoin, pour être capable de tous les expier, les eut-on même caressés, dans le brasier que le cœur alimente. » (Suarès, Dostoïevski)

Il faut percer la carapace du beau-figé, de la beauté-encodée. Viser une autre « catégorie » qu’on pourrait nommer : le sublime.

Dès lors, comme chez Alexandre Wat et ses compagnons futuristes polonais, un certain primitivisme se conjoint avec le futurisme le plus acharné. Les avant-gardistes russes, tels Vélimir Khlebnikov, déjà entrèrent en résistance contre l’académisme bureaucratique des artistes progressistes, eux-mêmes séduits et envoûtés par l’art révolutionnaire étatique (qui ne sera jamais finalement que propagande). Les refuzniks de l’art officiel s’en vont donc, vagabonds gyrovagues, va-nu-pieds exaltés, dans les neiges sibériennes, chercher au-delà du corps du monde les plus archaïques saveurs du verbe. Wojnarowicz et quelques autres partent eux en pèlerinage dans les déserts froids de la modernité, les terrains-vagues-terrains-de-jeux des déglingués ; dans le no-man’s land surpeuplé qui gît derrière la grande façade du bon goût cultivé. Ils s’amuseront à se perdre en en faisant un décor saturé, mélange de candeur, de sincérité sauvage et de scandale. La contre-culture tend au monde qu’elle rejette un miroir paradoxal et, tel un Narcisse débraillé, s’y confond.

De l’art moderne à l’art-comptant-pour-rien

Rimbaud in New York, David Wojnarowicz
Rimbaud in New York, David Wojnarowicz

Ce n’est pas sans un certain à-propos pourtant que certains détracteurs ont parodié le terme si répandu d’art contemporain en art comptant-pour-rien. Il se pourrait bien en effet qu’en son essence il ne soit rien qu’un détournement de plus, qu’une de ses savantes machineries à dérivation du monde. Le projet de l’art moderne, la transformation de la vie en art (et inversement) s’est heurté à une sorte de mur métaphysique. En majorité il fut décidé de stationner là. Les « avant-gardes » ne se sont donc plus projetées vers l’en avant et sont devenus platement contemporaines. Un occulte hic et nunc est devenu mot d’ordre hypnotique. Plus même de considérations sur l’actuel, sur l’acte de maintenant qui se prolonge mais une idolâtrie de l’événement, de « l’événementiel » qui se vaporise sitôt accompli, de l’installation aussi pérenne qu’un meuble suédois en kit (5) à la performance dont l’empreinte ne durera que ce que dure un vague fumet de scandale. Obsolescence, éphémère. Rien ne tient, l’inassouvissement n’inquiète plus, il est assumé, il s’agit de consommer et de consumer. Et ceci fait, pendant, et nullement contradiction avec la reproductibilité mécanique, la multiplication du même qui débouche sur l’indifférenciation. Cette reproduction à grande échelle qui a mis à mal l’aura telle que l’a si bien définie Walter Benjamin.

Le processus de récupération à fonctionné à plein régime. Si l’art devenu aveuglément contemporain se conçoit sans limites, sans frontières il est aussi devenu sans horizons. Essentiellement il ne s’expose plus qu’à plat, en concept, comme cadavre conceptuel à disséquer (6). Et c’est bien là que le révolutionnisme messianique de Benjamin tombe « à plat » : dévolution, et non révolution…comme l’a si bien constaté fort récemment un irréductible punk, F.J. Ossang dans son implacable Mercure Insolent.

Voilà donc ce qu’une création peut créer en nous. Elle peut ne pas s’achever en souvenirs fanés mais s’épanouir en un réseau enchevêtré de réflexions et de sensations. Elle peut à partir d’une découverte singulière pousser plus loin notre goût de découvrir et ramener à la surface des lectures, des pensées que l’on croyait devenues inactives…

Thierry Jolif

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(1) Étant donnés est un ensemble artistique français formé par les frères Éric et Marc Hurtado, nés respectivement en 1959 et 1962. Plasticiens, musiciens, performers et réalisateurs de films. Leur nom fait référence à l’ultime œuvre de Marcel Duchamp : Étant donnés. Leurs premiers enregistrements mêlaient intimement folie amoureuse des textes, sonorités naturelles (bris de verres, vents, orages…) et créations électroniques. Marc Hurtado a réalisé la musique du film Hotel de Jessica Hausner, du film Met de Philippe Grandrieux, du film Grenoble de Philippe Grandrieux et du film Memento Mori de Mathieu Dufois. Il a également collaboré avec l’un des « ultimate punk » Alan Vega (du duo américain Suicide). Le duo avait aussi mené à bien un projet avec Thee Majesty dénomination éphémère de l’artiste moderne « par excellence » : Genesis P. Orridge (fondateur du légendaire Throbbing Gristle et, avec l’américain Monte Cazzaza, du terme « musique industrielle », entre autre chose…). Chez eux comme chez Ossang (cf.infra) on retrouve le souffle, un peu modifié, digéré, des actionnistes viennois autant que de Dada ou du théâtre de la cruauté d’Artaud. Peut-être, cette commune source est-elle inconsciente chez Wojnarowicz. On retrouve toutefois dans ses actes artistiques un semblable esprit. Quelque chose sans doute de « l’inconscient collectif ».

(2) Titre d’un ouvrage de F.J Ossang, poète, directeur de revue, punk créateur du groupe musical Messageros Killer Boy Fraction Provisoire et réalisateur exigeant de films poétiques, parut en 1993 mais qui était écrit depuis les années 80….

(3) Upokritès désigne en grec l’acteur ; celui qui porte le masque, qui se travestit et camoufle sa nature.

(4) C’est déjà le cas chez Baudelaire. Ce le sera plus encore chez Rimbaud qui plantera là le langage poétique toujours-déjà récupérable pour faire acte, pour faire corps avec une vie insoumise, clandestine qui seule met en réserve de toutes les tentations, de tous les scandales, de tous les obstacles du monde. Concernant Baudelaire et la technique éprouvée de retournement il faut noter que si l’on enseigne aux jeunes tout ce qui concerne la poésie « maudite », la condamnation pour outrages aux mœurs des Fleurs du Mal, la mélancolie, le lugubre, la rébellion « luciférienne » on en cache toujours les causes révélées par le poète lui-même, et de Fusée ou Mon cœur mis à nus il n’est jamais question. Rimbaud a fuit et fait corps. Baudelaire quand il comprit le processus, se terra à Bruxelles et dans l’aphasie, répondant à toutes les questions et remarques de ses amis par un « simple » et fulgurant : Crénom !

(5) Phénomène qui semble un reflet de la fascination pour le fait (que Jacques Ellul qualifiait d’idolâtrie contemporaine) et pour la circulation à grande vitesse de l’information factuelle, de toute l’information. Sur les notions de modernisme et de modernité en art, ainsi que sur le concept de « théologie de la provocation », voire le bref mais très dense Les Avant-gardes, entre métaphysique et histoire, de G. Conio et Ph. Sers, éditions L’Age d’Homme, petite bibliothèque slave 17, Lausanne, 2002. Et, pour un développement plus conséquent, chez le même éditeur, L’Art contre les masses de Gérard Conio.

(6) Songeons, par exemple, à l’exposition Body

(7) éditions Armand Colin, La Fabrique du Sens, Paris, 2013

Cédric Goumerlon, est metteur en scène et comédien. Lauréat en 2013 de la Villa Médicis hors les murs à New York il est directeur artistique du réseau Lilas (Rennes), il fut metteur en scène associé au Quartz scène nationale de Brest de 2004 à 2007 et est depuis septembre 2011 metteur en scène associé à La Passerelle/Scène Nationale de St-Brieuc. Ses spectacles ont été créés notamment au Théâtre National de Bretagne à Rennes, à la Scène conventionnée de l’Aire Libre de Saint Jacques De La Lande, au Quartz/Scène Nationale de Brest…

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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