Des étudiants discutant en breton, quelques enseignants de la faculté, ainsi qu’une poignée de passionnés étaient présents mercredi 29 mars 2017 à la Bibliothèque Universitaire de Rennes 2 pour assister à la présentation de l’association Dastum, et surtout à celle de sa base de données en ligne Dastumedia. Les intéressés ont pu profiter, à cette occasion, du savoir de Vincent Morel. Entre histoire des collectes du patrimoine oral en Bretagne, naissance et aperçu de l’actuel travail de Dastum, et fonctionnement du service d’accès en ligne aux archives, le responsable des fonds de Haute-Bretagne a su mettre en valeur le travail titanesque réalisé par son organisme.

DASTUM

Dastum, c’est une association à but non lucratif qui s’est donné comme mission, dès 1972, de recueillir, sauvegarder puis enfin retransmettre le patrimoine oral de Bretagne. Par patrimoine oral, la structure entend surtout la musique et les chants, mais aussi les contes, légendes, récits, conversations, émissions radio, etc. Ainsi, ne cherchant pas nécessairement à militer pour une renaissance de la culture bretonne ancestrale, l’association se donne plutôt pour but d’en sauvegarder et d’en perpétuer la mémoire. Et tout le travail qu’elle effectue est surtout dû à la coopération indispensable des « collecteurs ». Ces derniers, que Dastum chiffre à environ 500, sont souvent des individus ayant effectué un travail de collecte de leur propre initiative.

DASTUM
Carte des points de consultation de Dastum

Le plus souvent, ce sont donc des gens ayant un intérêt à réaliser cette tâche, des chanteurs et des musiciens de musique bretonne par exemple, mais aussi des passionnés, de simples bénévoles ou parfois même des institutions culturelles. Ces 500 collecteurs ont donc grandement participé à constituer cette « phonothèque de 120 000 documents enregistrés auprès de 15 000 informateurs différents », qui repose aujourd’hui entre les mains de Dastum. Par conséquent, l’association détient un panel d’enregistrements aussi vaste et riche que l’est la culture orale bretonne. Et cela tient tant à la variété des formats de documents audio, qu’aux différents sujets abordés et qu’à l’éclectisme des personnes enregistrées.

Les collectes en Bretagne, ou l’intérêt pour la culture du peuple

DASTUM
François-Marie Luzel, folkloriste breton (1821-1895)

Cette attention portée au patrimoine oral de la Bretagne ne date pas d’hier. En effet, dès le XIXe siècle, on « [prend conscience] que le peuple a aussi une culture digne d’intérêt ». Ainsi, différents mouvements visant à mettre en valeur cette culture orale se succèdent en Bretagne. Souvent, ils résultent de dynamiques plus larges pouvant s’observer à l’échelle européenne, comme pour les folkloristes par exemple. Ces collecteurs, armés d’un papier et d’un crayon, retranscrivaient chants et autres contes populaires, à l’image des frères Grimm en Allemagne. Cependant, là où certains ne veulent pas nécessairement « refaire vivre cette culture » mais simplement « la sauvegarder », d’autres militent pour le total opposé. Ainsi, par le mouvement du « revivalisme », il est bien question de faire revivre les traditions orales bretonnes, par la danse et la musique notamment. Dans tous les cas, ces mouvements ont « conscience du déclin de ces traditions orales ». Finalement, c’est l’explosion des fest-noz dans les années 1970 qui créé un fort intérêt pour la collecte du patrimoine oral en Bretagne. À ce moment-là, de nombreux chanteurs et musiciens se lancent dans l’aventure pour enrichir leurs répertoires. Tous ces mouvements ont donc, d’une manière ou d’une autre, apporté une pierre à l’édifice Dastum et sont en partie à l’origine de la diversité de ses archives. En effet, il ne faut pas oublier qu’avec chaque période, chaque mouvement, chaque personne, chaque méthode d’enregistrement, vient une façon particulière de recueillir la culture orale. Tous ces facteurs confèrent donc un caractère anthropologique et sociologique indéniable aux archives de Dastum.

Dastumedia, la mémoire numérique à portée de tous

DASTUMEt cette année, Dastum a franchi un nouveau pas dans son travail de retransmission du patrimoine oral de Bretagne avec la mise en ligne de sa base de données Dastumedia. Jusque-là, il était impossible de consulter complètement les archives de l’association sans se déplacer directement dans ses locaux rennais, ou dans une de ses multiples antennes réparties à travers toute la Bretagne et servant de « point de consultation ». Cette obligation de déplacement constituait donc un obstacle assez important à la mission que s’est lancée Dastum. Mais magie des nouvelles technologies, Internet s’est finalement imposé comme étant la solution la plus viable. Cependant, il a fallu réfléchir aux « droits des personnes citées ou représentées », chose qui n’est pas toujours facile quand le document collecté est mal renseigné. Cela explique la mise en ligne tardive de la base de données. Il est donc maintenant possible d’accéder aux archives de l’association depuis son ordinateur personnel, via Dastumedia. Néanmoins, il faut souscrire à un abonnement annuel pour pouvoir le faire, sinon quoi, seul l’accès au catalogue de la base de données sera autorisé. Cette adhésion qui s’élève à quinze euros par an semble être une bien petite contribution à apporter en échange d’une diversité incroyable de ressources. Le minimum certainement pour le travail monumental réalisé depuis des années par Dastum.

DASTUM
G. Crespel, directeur et V. Morel dans les locaux de Dastum à Rennes

Finalement, Dastumedia servira certainement à de nombreux étudiants, chercheurs, passionnés ou simples intéressés par le sujet. Mais cette base de données gagnerait à adopter une organisation encore plus rigoureuse, car comme le souligne Vincent Morel, « c’est une base de données où il peut être compliqué de retrouver ce que l’on cherche ». En effet, la multitude de ressources, de champs interrogeables, ainsi qu’une classification qui s’éparpille parfois peuvent entraver un peu les recherches. Malgré tout, Dastum s’inscrit comme une association indispensable à la sauvegarde du patrimoine oral de Bretagne. Plus largement, c’est la mémoire culturelle bretonne que l’association s’efforce de préserver. D’ailleurs, elle en profite pour l’exporter le plus loin possible, jusque de l’autre côté de l’Atlantique, à la célèbre Université Harvard où elle a établi un point de consultation. La culture bretonne a donc encore de beaux jours devant elle.

Dastum, association de collecte et de sauvegarde du patrimoine oral de Bretagne, inaugure une base numérique consultable : Dastumedia

DASTUM

Dastum, la richesse du patrimoine oral et musical de Bretagne

Dastumedia

Article précédentNOLWENN KORBELL, DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE AU TNB
Article suivantLE SILENCE DE LA MER, LA LIBRAIRIE SE PORTE BIEN À VANNES
Naomie Retailleau
Etudiante en Master Métiers de l'information et médias numériques, Naomie Retailleau réalise son stage en journalisme à Unidivers.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici