Dans le cadre du festival Court Métrange, Daniel Tron, enseignant à l’Université François Rabelais de Tours a donné  mercredi soir à l’IFA de Rennes une conférence intitulée Des lanternes magiques à la SF hollywoodienne. Elle était suivie du vernissage de l’exposition Fairy Tales, Weird Dreams, de Nicolas Fructus. Une soirée très… visuelle !

 

Daniel Tron Quel est le rapport entre Huit et demi et Total Recall ? Et quel est le point commun entre Méliès et Ridley Scott ? Daniel Tron, professeur à l’Université François Rabelais de Tours, par ailleurs traducteur de Kipling et spécialiste de Philip K. Dick et Terry Gilliam, nous invitait à une petite histoire du cinéma et du rêve. « Le rêve est une interface où se confondent fiction et réalité, intérieur et extérieur dans un brouillage chatoyant ou cauchemardesque des catégories qui fondent notre perception diurne de la réalité », nous explique-t-il. Nous sommes donc invités à une conférence en forme de parcours cinématographique, guidés par les explications doctes et truculentes du maître !

brazil filmEt Daniel Tron n’hésite pas dans ses affirmations. Brazil est « le plus grand film de SF de tous les temps », au même titre que Méliès est le véritable inventeur du cinéma. Partant du constat que l’on ne peut originer le cinéma en 1895, le conférencier préfère suivre le fil du rêve pour bâtir une histoire particulière du cinéma. Il choisit de se concentrer uniquement sur les rêves dans le cadre des scènes d’endormissement – et non comme chez Lynch, où le film entier tient de l’onirisme. Cela lui permet de traiter l’état hypnagogique, lequel brouille les frontières entre « réalité consensuelle et réalité subjective ». En outre, Daniel Tron nous suggère que ce brouillage est constitutif du cinéma, notamment dans sa relation avec la psychanalyse.

On regarde Conte de la grand-mère et Rêve de l’enfant, de Georges Méliès, une scène de rêve, dessinée par Dali, tirée de Spellbound (Alfred Hitchcock) ou encore le début de Brazil. Daniel Tron, on le sent, pourrait parler pendant des heures. En passionné et en érudit, l’intervenant développe son sujet, propose des films comme autant de ruptures et de jalons. Nous sommes dans le cadre de Court Métrange, mais nous entendons plus parler de science-fiction que de fantastique. Fellini, en croisant ses influences néoréalistes à la psychanalyse – le livre de ses rêves a été publié chez Flammarion en 2007 – transcrit une vision personnelle du fantastique. blade runnerDaniel Tron, à travers Huit et demi, aborde l’antagonisme entre cinéaste et producteur, conflit qu’il poursuit avec Brazil mais aussi Total Recall et Blade Runner. Ces trois films, chacun à leur manière, opposent un monde onirique à un autre rêve, rêve absurde d’une existence technologique pour Brazil, Hollywood comme machine à rêve pour le film de Verhoeven. Daniel Tron revient, notamment par le biais de Total Recall et Blade runner, sur l’écrivain Philip K. Dick, sa manière poétique de brouiller les catégories du réel ou du simulacre. total recallDans la précipitation – l’heure tourne et Daniel Tron, en amoureux du cinéma, ne peut se résoudre à couper les extraits qu’il nous montre – on en vient à Matrix, à Baudrillard, Les corbeaux, un court-métrage de Kurosawa, la déroutante scène de parade de Paprika, pour terminer en apothéose sur Inception, film qui, selon Daniel Tron, condense à lui seul l’ensemble des problématiques qui confrontent le cinéma, le rêve et la réalité.

Menée par un orateur passionné, donc passionnant, cette conférence avait le mérite de parler, par le cinéma, de tout ce qui le dépasse ou le sous-tend : la psychanalyse, l’interprétation des rêves, la surface, la profondeur, la philosophie, le numérique, etc. En sortant, nous avons une seule envie : voir ou revoir les films présentés par Daniel Tron.

nicolas fructus expoMais le vernissage de l’exposition de Nicolas Fructus nous attend dans une atmosphère conviviale, en présence du dessinateur. Illustrateur pour la jeunesse, pour l’animation, pour les jeux vidéos, collaborateur de Moebius, Druillet ou Luc Besson pour Arthur et les Minimoys, il présentait dans le cadre de Court Métrange des dessins fantastiques et imaginaires, notamment des illustrations du travail de H. P. Lovecraft. La soirée s’est poursuivie dans l’échange et la bonne humeur, avec pour chacun, espérons-le, des images plein la tête.

Bibliographie de Daniel Tron

Ayas, humour et Esprit de la Commune ( COLLECTIF) (2014)
Citoyennetés spéculatives ( COLLECTIF) (2015)
Greg Egan, la littérature au risque de la science ( COLLECTIF) (2016)
Imaginaires scientifiques & hard science fiction ( COLLECTIF) (2012)
Intelligence(s) Artificielle(s) ( COLLECTIF) (2014)
Mars ! ( COLLECTIF) (2015)
Rudyard Kipling et l’enchantement de la technique ( COLLECTIF & Rudyard KIPLING) (2009)
Stanislas Lem ou la modernité désabusée ( COLLECTIF) (2015)
Les Subjectivités collectives ( COLLECTIF) (2012)

Fictions parues en volumes en tant que Traducteur

de Rudyard KIPLING, .007, 2016 (Nouvelle) 1898
de Rudyard KIPLING, A l’ère néolithique, 2009 (Poésie)
In The Neolithic Age, 1892
de Rudyard KIPLING, Dans le même bateau (Nouvelle)
In the Same Boat, 1911
de Rudyard KIPLING, Dilettantisme, 2016 (Nouvelle)
Unprofessional, 1932
de Rudyard KIPLING, L’Enfance de l’air (Nouvelle)
As Easy As A.B.C., 1912
de Rudyard KIPLING, Les Fils de Marthe (Poésie)
The Sons of Martha, 1907
de Rudyard KIPLING, Le Navire qui trouva sa voix (Nouvelle)
The Ship That Found Herself, 1898
de Rudyard KIPLING, L’Œil d’Allah, 1981 (Nouvelle)
The Eye of Allah, 1926
de Rudyard KIPLING, Par la malle de nuit, 1961 (Nouvelle)
With the Night Mail, 1905
de Rudyard KIPLING, Sans fil (Nouvelle)
Wireless, 1904
de Rudyard KIPLING, Le Secret des machines, 2009 (Poésie)
The Secret of the machines, 1911
de Rudyard KIPLING, La Sestine de la « Vagabonde Royale » (Poésie)
Sestina of the Tramp-Royal, 1896
de Rudyard KIPLING, Une question de point de vue, 2016 (Nouvelle)
A Matter of Fact, 1893
de Rudyard KIPLING, Le Village qui vota que la Terre était plate, 2016 (Nouvelle)
The Village That Voted the Earth Was Flat, 1917

Textes parus en volumes en tant qu’Auteur

(En coll. avec Ugo BELLAGAMBA & Estelle BLANQUET & Éric PICHOLLE) L’Aube certaine, 2014 (Préface)
Caveat emptor, 2012 (Postface)
(En coll. avec COLLECTIF) Cinéma SF et citoyenneté, 2015 (Table ronde)
Do you grok English ? De la science-fiction en cours d’anglais…, 2013 (Article)
Du Quenya à l’anglais contemporain. Voyages inattendus avec Tolkien, 2013 (Article)
(En coll. avec COLLECTIF) L’Énigme Greg Egan, 2016 (Table ronde)
Le Génie des lieux au pays du soleil levant, 2012 (Article)
(En coll. avec Ugo BELLAGAMBA & Éric PICHOLLE) Imaginaires scientifiques et hard science fiction, 2012 (Introduction)
(En coll. avec COLLECTIF) Intelligences contextuelles, 2015 (Table ronde)
(En coll. avec COLLECTIF) Mars au cinéma, 2015 (Table ronde)
Médialepses, 2007 (Article)
Nuts and bolts : quelques suggestions thématiques, 2013 (Filmographie)
(En coll. avec Ugo BELLAGAMBA & Éric PICHOLLE) Pourquoi les subjectivités collectives ?, 2012 (Introduction)
Psychoses diégétiques: We can remember it for you wholesale et Total Recall, 2006 (Article)
(En coll. avec COLLECTIF) Les Racines collectives du langage, 2012 (Table ronde)
La Reconstruction de l’histoire, de Philip K. Dick au cinéma coréen contemporain, 2005 (Article)
Les Robots au cinéma : Idoles, miroirs, outils et marionnettes, 2010 (Article)
(En coll. avec Ugo BELLAGAMBA & Éric PICHOLLE) Rudyard Kipling et l’enchantement de la technique, 2009 (Article)
(En coll. avec Danièle ANDRÉ & Aurélie VILLERS) Si tu peux supporter d’entendre tes paroles Travesties par des gueux pour exciter des sots (Traduire Kipling), 2009 (Article)
(En coll. avec COLLECTIF) Stanislas Lem, un postmodernisme d’ailleurs, 2015 (Table ronde)
(En coll. avec COLLECTIF) Traduire la hard SF, 2016 (Table ronde)
(En coll. avec COLLECTIF) Un explorateur des limites ?, 2015 (Table ronde)
Wireless, la muse magnétique de Rudyard Kipling, 2009 (Article)

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