Dans le cadre de la 12e édition du festival Court Métrange a eu lieu à Rennes, vendredi 2 octobre 2015, une nuit blanche consacrée au cinéma fantastique. Pour la quatrième année consécutive, les nyctalopes et autres créatures de la nuit rennaise sont venus nombreux frissonner dans la fauve moiteur du Cinéville…

 

nuit fantastiqueAssister à la nuit du fantastique, c’est un peu comme s’attaquer à l’adaptation cinématographique du Soulier de satin par Manuel de Oliveira – six heures et des poussières – ou à la rétrospective intégrale de Star Wars. De 22 heures à 6 heures du matin, Court Métrange nous offre un véritable marathon pour l’esprit et les yeux. Pourtant le temps passe rapidement. Tout est une question d’atmosphère. Déjà l’arrivée de nuit place du Colombier, puis dans un Cinéville désert – un brin miteux – commence comme un mauvais film de genre. Le mieux reste encore le retour, les cernes sous les yeux, le regard hagard, cramponné à la barre du premier métro entre les derniers noceurs et les premiers travailleurs. De quoi ressembler à un mort-vivant !

Pour cette quatrième édition, les organisateurs ont fourni une programmation de qualité, qui plus est, très cohérente par rapport à l’ambiance créée. Si les entractes nous rapportent un écho légèrement déçu, les gens semblent tout de même ravis. Un habitué de l’événement regrette cependant que le FIST – Films Insolites et Séances Trash – n’organise plus la soirée. On y perdrait en gore mais aussi en amusement. L’intérêt de cette nuit demeure : partager ensemble une soirée cinématographique hors-norme. Règne dans cette foule, plutôt composée de jeunes aficionados du fantastique, une atmosphère détendue. Quelques personnes sont déguisées.échine du diable Certains boivent des canettes de bière. Les séances sont ponctuées parfois de remarques cinéphiliques, anecdotiques ou seulement scabreuses. On savoure le relâchement, la discussion. Le cinéma redevient une aventure collective. À côté de moi, mon voisin sursaute. Pourtant, l’effet de surprise était bel et bien grossier. Vraiment, après toutes ces années ? Il rigole. Toujours, il me répond.

Il faut bien dire que le premier film projeté, L’Échine du diable de Guillermo Del Toro, est un excellent choix de la part des organisateurs de la soirée. On retrouve, plus encore que dans Le Labyrinthe de Pan, un fantastique poussé à l’extrême. Le glissement ne fera jamais qu’affleurer dans un univers, non seulement réel, mais aussi très réaliste. Le contexte est directement celui du franquisme. Guillermo del Toro semble originer l’intrusion fantastique dans le traumatisme des enfants confrontés et à la guerre et à leurs imaginations angoissées. Visionner ce film revient à réfléchir à ce qu’est véritablement le fantastique, par exemple, à ce qu’il peut nous dire de l’Histoire. En cela, le mettre en début de séance revenait à introduire l’événement et à montrer, surtout, que le fantastique ne se résume pas à la noirceur, aux corbeaux, ou à quelques vagues clichés encore nettement répandus.
bertrand mandico

La deuxième partie de la soirée, ponctuée par les interventions réjouissantes des organisateurs, venus faire gagner places de cinéma, pass Court Métrange et autres cadeaux, fut consacrée à une sélection de plusieurs courts métrages, d’une qualité assez inégale. À noter le baroque et décalé  Notre Dame des Hormones du cinéaste indépendant Bertrand Mandico, ou à l’inverse, d’une esthétique toute en sobriété et minimalisme, le superbe film de Fredrik S. Hana, Autumn Harvest. De manière globale, la sélection, pour le moins décevante, ne brillait ni dans la forme – effets grossiers, exagérés, inauthenticité quasiment systématique – ni dans le contenu, simplement inexistant. On peut s’amuser de L’Ours noir, film d’horreur parodié et vaguement polémique, mais pour autant songer qu’il existe des courts métrages, qui plus est fantastiques, autrement plus intéressants.

freddy kruegerLes organisateurs, heureusement, avaient prévu une fin en beauté. Quoiqu’on l’ait vu, et pour certains vus et revus, on ne se lasse pas des Griffes de la nuit, le premier Freddy Krueger. On comprend à le regarder pourquoi les films cultes le sont. Le film de Wes Craven, en marge à son époque du cinéma mainstream, n’a pas vieilli. Au mieux, le kitsch – et particulièrement, cette première apparition au cinéma de Johnny Deep, capillairement superbe – apporte, par exemple à l’aspect grotesque de Freddy, une texture en plus. Là où Court Métrange a réussi son événement, c’est précisément dans le déroulement de la programmation : parce que rire et frissonner devant Les Griffes de la nuit entre quatre et six heures du matin, exténué, les yeux rougis, est une expérience définitivement drôle. On s’endort, on lutte pour rester éveillé, comme l’héroïne du film cherchant sur l’écran à éviter ses propres rêves où Freddy attend, le visage brûlé, le sourire mauvais et les griffes acérées. Lorsque la séance se termine, on se retrouve tous autour d’un petit-déjeuner pour en parler. Si la nuit n’était pas fantastique au sens propre du mot – quoique Freddy pourrait encore apparaître –, elle était au moins divertissante. Un grand merci.

Toute la programmation : Festival Court Métrange du 15 au 18 octobre 2015 à Rennes

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