COP30 à Belém, une victoire diplomatique ou l’échec tranquille d’un système à bout de souffle ?

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La COP30, organisée à Belém, au cœur de l’Amazonie, devait être un tournant historique, le premier sommet climatique tenu dans la plus grande forêt tropicale du monde, sous la présidence de Lula, avec un narratif puissant – réparer le pacte climatique mondial, renouer avec la science, rétablir la confiance. Elle restera pourtant comme l’une des COP les plus ambivalentes de cette décennie avec un accord adopté sans heurts, mais pauvre en substance ; un consensus obtenu, mais au prix d’un recul symbolique ; une dynamique multilatérale préservée, mais un fossé béant entre science et politique. Minable résultat.

Un accord adopté… mais expurgé de la sortie des énergies fossiles

Le texte final, adopté samedi 22 novembre par près de 200 États, marque un virage singulier. Contrairement à la COP28 de Dubaï, qui pour la première fois évoquait une « transition hors des énergies fossiles », la COP30 abandonne purement et simplement cette mention. La disparition de la phrase a été jugée par beaucoup comme un signal négatif, voire un recul historique.

Pourtant, la présidence brésilienne s’est félicitée d’avoir obtenu un consensus dans un contexte géopolitique fracturé. Lula, depuis le G20 de Johannesburg, a salué « la victoire de la science et du multilatéralisme ». Mais la science, justement, dit l’inverse : 2025 aura été l’année où la planète a franchi – peut-être durablement – le seuil de +1,5 °C de réchauffement. Le contraste entre diagnostics et décisions n’a jamais semblé aussi frappant.

Des engagements financiers en hausse, mais loin des besoins réels

Le principal progrès revendiqué par l’accord est le triplement des financements destinés à l’adaptation d’ici 2035. Si l’annonce permet à plusieurs pays du Sud d’affirmer qu’ils repartent avec un « petit gain », l’écart avec les besoins réels est abyssal. Selon les estimations du PNUE, ces besoins sont aujourd’hui de 194 à 366 milliards de dollars par an – largement au-delà des promesses.

De nombreux pays émergents et pauvres rappellent qu’ils « n’ont pas les moyens » d’une transition bas-carbone sans soutien massif : infrastructures électriques, réseaux de transport, agriculture, résilience urbaine, montée des océans. Pour eux, la lutte contre les fossiles n’est pas la priorité, survivre l’est davantage.

Commerce mondial, la Chine impose son agenda

La COP30 innove en instituant un « dialogue » sur le commerce mondial. C’est une première dans l’histoire des COP. La Chine, en tête d’une coalition de pays émergents et exportateurs, obtient
que l’impact des taxes carbone aux frontières – notamment européennes – soit enfin discuté dans un cadre multilatéral. Pour Pékin, ce volet est une victoire diplomatique majeure.

De fait, ce succès chinois illustre une dynamique profonde, les COP se transforment, parfois malgré elles, en arènes de rivalité géoéconomique.

Un texte que beaucoup jugent « plat », « décevant », voire « dangereux »

Les critiques ont rapidement afflué. Le secrétaire général de l’ONU António Guterres a rappelé que le consensus est devenu « plus difficile que jamais » et qu’il faut « plus d’ambition et plus de solidarité ». Gustavo Petro, président de la Colombie, a été l’un des plus sévères : « Je n’accepte pas que la déclaration de la COP30 ne dise pas clairement que les combustibles fossiles sont la cause de la crise climatique. »

Côté européen, la tonalité est résignée. L’Union européenne a choisi de ne pas bloquer l’accord, estimant qu’il est « assez plat », mais sans « éléments méchants ». Une justification en demi-teinte, qui révèle une fatigue diplomatique et la crainte d’apparaître comme un blocage financier dans les négociations Nord–Sud.

Belém, ou l’effet de contraste, une COP aux portes de l’Amazonie… qui évite de parler déforestation

Le symbole est saisissant. À quelques kilomètres des terres indigènes et des fronts de déforestation, l’accord final ne comporte aucune avancée majeure sur la lutte contre la destruction des forêts. Les ONG parlent d’un « fiasco », les peuples autochtones dénoncent un « rendez-vous manqué ».

La présidence brésilienne a annoncé une feuille de route volontaire contre la déforestation. Mais volontaire signifie en dehors du texte, sans obligation, sans calendrier, sans sanctions. Une avancée politique, mais pas juridique.

Le rôle de la Chine, de la Russie et de l’Arabie saoudite, le front du refus

Plusieurs États ont clairement freiné la moindre mention d’une sortie des énergies fossiles. La Chine, la Russie et l’Arabie saoudite, soutenues par un large groupe de pays en développement, ont exigé une formulation neutre, sans injonction. Leur ligne rouge : ne pas accepter un texte qui pourrait être interprété comme une obligation de réduire la production de charbon, de pétrole ou de gaz.

Ces réticences sont renforcées par un contexte nouveau. Les États-Unis, en pleine transition politique après les annonces de recul de plusieurs réglementations environnementales par l’administration Trump, n’étaient pas représentés officiellement à Belém. Cet effacement américain a laissé un espace diplomatique que d’autres ont rempli.

La société civile globale exprime sa colère, “une COP de plus pour faire des plans”

Du côté des ONG, le constat est accablant. Oxfam évoque « une lueur d’espoir, mais surtout des désillusions ». Health Policy Watch parle d’une COP « qui finit avec des plans pour faire des plans ». Reporterre évoque un « coup de force » et un « accord décevant » qui relève du « fiasco ».

En Amazonie même, des dizaines d’autochtones ont forcé l’accès à la zone bleue, dénonçant un sommet « hors sol » par rapport aux réalités vécues : incendies, contamination des fleuves, accaparement des terres, violences.

Que reste-t-il de Belém ?

La COP30 restera comme une conférence de compromis, dominée par la prudence diplomatique. Elle n’est pas un échec absolu, elle préserve le cadre des négociations, sécurise une montée progressive des financements, ouvre un dossier inédit sur le commerce mondial et évite une rupture entre Nord et Sud. Mais elle échoue à envoyer un signal clair au monde sur la sortie des énergies fossiles. Elle arrive à un moment où les rapports scientifiques s’alarment d’une accélération du réchauffement, où les seuils critiques se multiplient, où les catastrophes climatiques se banalisent.

Faut-il continuer ce modèle de COP ?

La question revient avec insistance. Les COP, qui fonctionnent par consensus, donnent désormais un droit de veto implicite aux États les plus réfractaires. Elles portent un paradoxe qui est que plus le problème se fait urgent, plus la procédure devient lente.

Des diplomates eux-mêmes évoquent la nécessité d’un nouveau format acec des accords plurilatéraux, clubs climatiques, sanctions commerciales, traités juridiquement opposables. La COP30 relance ce débat. Si les COP restent indispensables pour organiser un cadre global, elles ne suffisent plus pour garantir un alignement politique avec la réalité climatique.

Belém était une occasion historique de réaffirmer une trajectoire ambitieuse. Elle aboutit à un texte de compromis minimal, certes utile pour maintenir le dialogue, mais insuffisant pour infléchir la courbe des émissions mondiales. C’est un accord de survie diplomatique. Pas encore un accord d’avenir. Et c’est bien d’avenir que l’humanité a besoin.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !