Quelle agréable manière d’échapper aux inévitables libations de fin d’année que de répondre en ce 31 décembre 2018 à l’invitation de l’opéra de Rennes. Cette belle maison donnait, pour la seconde fois, Le comte Ory de Gioacchino Rossini. Une bien belle soirée de la Saint-Sylvestre.

En adéquation avec l’esprit boulevardier de l’époque, cette pénultième œuvre du génie italien s’inscrit dans un esprit vaudevillesque. La gaudriole se taille une place de choix et au cours de laquelle, quiproquos, retournements de situation et autres paillardises créent une ambiance comique qui rappelle sans confusion possible les plus divertissantes pages d’Offenbach. Le livret, en Français, est l’œuvre d’un auteur des plus prolixes, Eugène Scribe, assisté pour l’occasion de Delestre-Poirson.

Même s’il s’inspire généreusement de son précédent Opéra Le voyage à Reims, Rossini apparait au firmament de son art. L’écriture y est dominée, les mélodies sont marquées indubitablement d’un sceau personnel et bien qu’il y manque un ou deux morceaux de bravoure le rendant aussi identifiable que Norma avec son « Casta Diva », ou Carmen avec la « Habanera », cette œuvre éclate de maturité. Elle échouera pourtant à atteindre une notoriété que sa qualité lui fait pourtant mériter.

comte ory

L’intrigue en est simple. Le comte Ory, séducteur impénitent, sorte de Don Giovanni, avec le panache en moins, tente de séduire la comtesse Adèle, qui se morfond, avec ses compagnes, de l’absence de leurs maris respectifs partis en croisade. Il se grime en ermite et tente une approche rusée quand il se rend compte qu’il a comme concurrent le charmant Isolier, qui n’est autre que son propre page. Apparaît alors un nouvel intervenant en la personne du gouverneur, ancien précepteur d’Ory, dûment mandaté par le père de celui-ci pour le retrouver et le ramener au sein des troupes qu’il a désertées. Entendant parler du fameux ermite il ne lui faut guère de temps pour démasquer la supercherie et il dévoile sans ménagement l’imposture d’Ory.

Dans le second acte, le comte et une belle brochette de ribauds du même acabit, profitent d’un orage pour se faire accueillir, vêtus en bonnes-sœurs, dans le château qui abrite la comtesse. Il s’y présente comme « sœur Colette ». Lui et ses complices mettent quasiment à sac la demeure et en danger les vertus, avant que l’arrivée inopinée des croisés les mette en fuite. Isolier, bon prince, organise une sortie honorable par une porte dérobée.

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Le metteur en scène Pierre Emmanuel Rousseau a choisi de transposer le déroulement du spectacle dans les années 50. De ce point de vue, il y réussit même un peu trop, car le décor de l’hôtel, fidèle à ce qu’on pouvait espérer à cette époque, est un peu triste, pour ne pas dire morne. Remarque qui ne vaut pas pour les costumes, splendides et pleins de gaieté. Le travail de mise en scène est très vivant et va crescendo au cours du déroulement. Pierre Emmanuel Rousseau s’en donne à cœur joie au cours du deuxième acte donnant au comique une dimension égrillarde et follement drôle. Le chœur des chevaliers devenant d’humbles nones lorsque la situation l’exige et célébrant férocement le vin quelques instants plus tard est à se tordre de rire.

Toujours fiable lors des grands rendez-vous, le chœur de l’opéra de Rennes offre une prestation vocale aussi digne d’éloges que sa participation scénique. Colonne vertébrale de cette production, la troupe de Gildas Pungier offre aux différents interprètes une assise solide, au sein de laquelle ils vont pouvoir s’exprimer…

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Mathias Vidal, dans le rôle du conte Ory confirme tout le bien que nous avions pensé de lui lors de sa venue à Rennes dans « Le nain » de Zemlinski. Ses aptitudes vocales comme ses qualités dramatiques donnent à cette production un niveau de qualité élevé. C’est avec un talent équivalent que Perrine Madoeuf dans le rôle de La comtesse Adèle lui donne la répartie. Ses aigus montent sans faille à des hauteurs stratosphériques et elle démontre à chaque instant la maîtrise de son art. Joli travail également de Rachel Kelly, en page convaincant, ou de Philippe Estèphe dans le rôle de Raimbaud. Notre  coup de chapeau ira à Jean-Vincent Blot. Le Rennais que nous avions jusqu’alors un peu trop connu dans des rôles aussi sympathiques qu’anecdotiques démontre un progrès et une maturité des plus réjouissantes. Il est présent, théâtral, soutenu par une voix bien posée et puissante. Une véritable métamorphose qui augure du meilleur pour l’avenir.

L’Orchestre symphonique de Bretagne fort de 47 membres a fait, faut-il s’en étonner, preuve d’une belle présence. Dirigé pour cette soirée par l’Estonien Erki Pehk, la formation rennaise semble avoir beaucoup apprécié la direction précise et nerveuse du chef invité. En tout cas, vu du public, tout semblait « rouler » à la perfection.

Renouvelant avec ce qui devient maintenant une tradition, l’opéra de Rennes a proposé à son public un authentique divertissement pour cette soirée de Nouvel An. C’est un véritable succès et pour ceux qui auraient la curiosité  de s’en rendre compte par eux-mêmes, il est possible d’assister aux représentations du jeudi 3, 20h et du samedi 5, 18h. Pas impossible que nous y soyons derechef !

Photos : Laurent Guizard

Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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