Le rideau se lève sur un Richard Strauss désespéré. Son librettiste favori n’est plus, et sans livret, pas de composition… Il se laisse finalement convaincre de faire appel à l’un des plus grands auteurs contemporains, Stefan Zweig. Commence entre les deux hommes une collaboration enthousiaste, mêlée d’une amitié sincère. Mais Zweig, juif, est dans le collimateur du régime nazi en place, et Strauss se voit contraint de collaborer pour sauver sa propre famille. Jusqu’à ce qu’on lui demande de supprimer le nom de Zweig de l’affiche de leur opéra…

CollaborationIl y a une tension permanente inhérente au texte (faut-il trahir son âme pour sauver les siens ?), une résignation outrée, une lâcheté décriée, qui créent une dynamique étonnante à ce spectacle de mots, et non d’action.

Ajoutez à cela que ledit texte est servi par Michel Aumont en Strauss et Didier Sandre en Zweig – excusez du peu. Tous deux sont accordés à la perfection ; on les croirait plus convaincants que la réalité même. Tant mieux. Cette pièce leur offre une partition idéale pour montrer encore une fois, si besoin était, l’étendue de leur talent. Ce sont eux qui portent le spectacle, et ces deux piliers sont exactement à la même hauteur : tout est équilibré.

Il y a en outre quelque chose de très cinématographique dans la mise en scène, dans ces dates projetées, comme flottant dans le vide, marquant un compte, non pas à rebours, mais en avant, en avant vers la fin ; idem en ce qui concerne l’organisation de la pièce, une juxtaposition de scènes détachées. Georges Werler, le metteur en scène, semble s’être affranchi des contraintes du théâtre, sans pour autant les renier, et ce pour notre plus grand plaisir.

L’émotion du spectacle va crescendo, et le rideau se baisse dans une apothéose de douleur, sur Strauss toujours, revenu au point de départ, broyé par le système ayant détruit l’être digne de son affection la plus profonde…

Voilà une très belle ode à l’amitié et à la liberté de l’art, et si la fin n’est pas un secret, on conseillera aux plus sensibles de se munir d’un mouchoir.

Minyu

De Ronald Harwood
Avec : Michel Aumont, Didier Sandre, Christiane Cohendy, Stéphanie Pasquet, Patrick Payer, Eric Verdin
Mise en scène : Georges Werler

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Minyu
Il y a quinze ans, je suis née ; il y a neuf ans, j’ai appris à lire ; il y a quatre ans, j’ai été pour la première fois au théâtre… Ce que j’y ai découvert a changé ma vie : le bonheur que procure un bon spectacle. Comme ce jour a aussi marqué le début de ma propre sensibilité artistique, depuis, pour apaiser mon inextinguible soif d’art dramatique, j’écris. J’essaie du mieux que je peux de donner mon avis sur les pièces que je vais voir, en espérant amener ceux qui me lisent à s’y rendre eux aussi…

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