Ses empreintes en forme d’éponge, signature depuis 40 ans, ont fait le tour du monde. Le peintre contemporain français Claude Viallat est un des membres fondateurs du groupe pictural Supports/Surfaces. Au sujet, qu’il place au second plan, l’artiste préfère le motif, la répétition et le procédé, révolutionnant ainsi la peinture et son support traditionnel…

Il est des lieux rennais voués à la création et l’art contemporain, qu’ils soient institutionnels comme le FRAC Bretagne, la galerie Art et Essai de l’université Rennes 2, La Criée dans l’enceinte des Halles centrales, ou privés comme la galerie Oniris. Cette dernière, 38 rue d’Antrain, donne régulièrement à voir depuis 1986 les œuvres de Geneviève Asse, François Dilasser, François Morellet, Aurélie Nemours et tant d’autres artistes essentiels. Claude Viallat est de ceux-là, peintre nîmois, créateur flamboyant délivrant à foison la couleur venue de son Sud profond.

claude viallat
Claude Viallat

Initiateur d’une exposition havraise en 1969, La Peinture en question, et d’une autre en 1970 au Musée d’art moderne de la ville de Paris, Claude Viallat, avec Louis Cane, Daniel Dezeuze et Patrick Saytour, pose les bases de ce que sera le mouvement Supports/Surfaces. Tous les quatre font exploser le cadre traditionnel de la peinture qu’il faut déconstruire pour lui ouvrir des possibilités nouvelles. Le support est désormais libre et hétérogène. « Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile » dit Viallat qui travaille, lui, sur des matériaux de récupération détournés, achetés dans des marchés aux puces, des brocantes, des greniers. Il peint ainsi sur des sacs en toile de jute, des parapluies, des parasols, des tapis de table, des bâches de bateau, des toiles de tentes, accrochés non plus aux cimaises mais fixés aux murs par des clous, des punaises, des rubans adhésifs.

La pauvreté et la simplicité du matériau fait de la peinture de Viallat un art proche de l’Arte Povera, du minimalisme et d’une forme de primitivisme. Il collectionne lui-même nombre d’objets de ce qu’il est convenu d’appeler « art premier » : parures indiennes, quipus incas, boucliers africains, empreintes paléolithiques… « Avec Support/Surface, tous ces mouvements sont entrés dans les profondeurs du visible et l’ont interrogé. Une cohérence les unit, chacun a creusé sa galerie dans cet énorme réservoir de matériaux » (Philippe Dagen, Le Monde, août 1990).

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Claude Viallat, sans-titre, 1966

« L’hétérogénéité des supports, pourvu qu’ils aient déjà eu un destin qui ne les vouait pas à devenir support de la peinture, ont ce qu’on pourrait appeler une sorte d’indifférence accidentée, draps usés avec leurs broderies et leurs pièces, nappes, toiles neuves mais déclassées pour accrocs, rideaux réformés, chemises d’hôpital au rebut, tombées de bâche neuve, de couleurs différentes maintenant montées ensemble[…]. Supports qui ont fini leur première vie pour entrer dans une nouvelle et dont Viallat accepte tous les accidents : teintes passées, jaunissement du temps, du soleil, des intempéries, diversité des propriétés physiques par rapport à la couleur- capillarité, coulures, bavures, à peindre ou à teindre selon l’épaisseur […].Toute surface est bonne à prendre/ bonne à peindre pourvu qu’elle n’ait pas été académiquement destinée à cela, libérée des soucis de la représentation, peut-être maintenant pouvons-nous y reconnaître la présence des valeurs formelles de la primitivité » (Yves Michaud, catalogue de l’exposition du Centre Georges-Pompidou, juin-septembre 1982).

Les étoffes, nappes, draps, vêtements que Viallat récupère sont des tissus imprimés, à fleurs, à rayures, à carreaux. « C’est là qu’intervient la notion de goût, bon ou mauvais. Si je me saisis d’un fond rayé, brun et jaune, à bandes larges, c’est un motif un peu vulgaire, d’un goût très commun. La difficulté vient alors : comment employer ce tissu vulgaire afin d’en faire quelque chose de somptueux ? Comment le métamorphoser ? C’est une affaire de plaisir, de sensualité » (Claude Viallat).

La signature de Viallat, si l’on ose cette expression réductrice, c’est cette forme d’éponge appliquée au pochoir et multipliée sur le support, «répétition d’une forme qui n’est ni symbolique ni figurative et qui m’intéresse pour ces raisons »  (Claude Viallat).

Les maîtres de Viallat s’appellent Robert Rauschenberg pour la diversité des matériaux utilisés et ses « combinepaintings », monde d’objets de styles différents à mi-chemin entre la peinture et la sculpture, Gauguin pour sa référence aux primitifs, Vincent Van Gogh, Pablo Picasso, « ce peintre sacrilège qui tord la représentation dans tous les sens » dit-il, et dont il partage la passion pour la scène tauromachique, enfin Henri Matisse, pour l’usage flamboyant de la couleur et l’élaboration ornementale : « Je lui ai dédié bien des hommages, ce que j’appelle des références différées, pas des citations mais des réflexions picturales à partir de ses œuvres, celle de Tahiti ou La porte-fenêtre à Collioure ou bien encore L’intérieur aux aubergines. »

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Le public a l’opportunité, dans les lieux cités de la place rennaise, de se plonger dans la chatoyante et ardente expression picturale de cet homme, brillant représentant de la peinture contemporaine française. À Paris, c’est la Galerie Jean Fournier suivie celle de Daniel Templon qui exposent ses œuvres en permanence. Et à Rennes, c’est la Galerie Oniris qui porte haut les couleurs de l’artiste sudiste !

Découvrez Claude Viallat à la galerie Oniris

Pour aller plus loin : Claude Viallat – Marques et Passages de Pierre Manuel, éditions Meridianes, collection Quadrant, 136 p.. Prix : 15 euros.

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