Portraits de cinéma. Sophie Marc, de régisseuse à éco-manageuse sur les plateaux de tournage

sophie marc écoprod

Ces dernières années, les réglementations des plateaux de tournage se sont adapter au changement climatique. Des formations sont désormais accessibles aux techniciens afin de les sensibiliser aux enjeux. Sophie Marc est régisseuse depuis neuf ans ; elle nourrit, voire éveille, la conscience éco des équipes de plateaux.

Sophie a fait ses études en arts du spectacle à l’Université Rennes 2. En parallèle, elle a effectué plusieurs stages sur des plateaux de tournage ce qui lui a permis de se familiariser avec ce milieu : « Je faisais des stages en assistanat de mise en scène puis j’ai travaillé en régie pour un court métrage où j’ai rencontré une régisseuse avec laquelle je suis restée en contact ». Elle s’est alors rendue compte que cette branche lui plaisait et a poursuivi dans cette direction. « Je m’amusais plus en régie, car je faisais plus de choses. Pendant les journées d’installation, on est en petit comité, les tâches sont variées », détaille-t-elle. 

Sophie Marc
Sophie Marc

Des « nounous » qui savent se montrer polyvalentes

En tant que régisseuse, Sophie est en contact avec tout le monde sur le plateau : « Le réalisateur, le premier assistant mise en scène et le régisseur général travaillent ensemble. Le régisseur va faire en sorte que tout rentre dans le planning au niveau des décors, des autorisations. On fait le lien entre la vie réelle et la bulle de l’équipe de tournage ». La régie guide au mieux chaque membre de l’équipe qui découvre généralement les lieux. « Beaucoup disent qu’on est les nounous du tournage ! », s’amuse t-elle, mais Sophie avoue que c’est un métier dans lequel il faut faire preuve de diplomatie : « Parfois, plusieurs personnes viennent te demander la même chose et il faut garder son calme tout en veillant à ce que personne ne pète les plombs en plein milieu de la journée ! » Dans ce métier, organisation et réactivité vont de pair : « Si quelqu’un a un petit problème, même médical, il faut essayer de trouver une solution. Ce qui est bien en régie, c’est qu’on est au contact des gens ». Les journées sont intenses et parfois éprouvantes. Sophie évoque une expérience qui l’a particulièrement marquée : le tournage du biopic Simone, le voyage du siècle consacré à Simone Veil. « Les décors étaient incroyables et c’était un gros projet. On est allé à l’Assemblée nationale, c’était assez impressionnant », confie la régisseuse. 

« On fait le lien entre la vie réelle et la bulle de l’équipe de tournage. »

Des séries TV aux longs-métrages, Sophie a eu l’opportunité de travailler entre Paris et la Bretagne notamment. Récemment, elle a suivi une formation approfondie de cinq jours dédiée à l’éco-production, afin de renforcer ses compétences dans ce domaine : « Depuis un certain temps, je ne trouvais pas normal qu’il y ait autant de déchets sur les tournages ». En tant que régisseuse, elle se retrouve souvent confrontée à cette réalité. Sur la série Déter, une production France TV studios, l’équipe voulait avoir une écoproduction dès le départ : « Le scénario parlait d’agriculture donc il fallait une certaine cohérence. Ils ont fait installer un panneau solaire sur le parking pour alimenter une partie du bâtiment, car le tournage s’est fait dans un ancien lycée agricole », explique-t-elle.

Sophie Marc
Sophie Marc sur le tournage de la série Déter

Faire face aux nouvelles réglementations environnementales

Depuis juin 2021, le CNC a mis en place un plan d’action « pour une politique publique de transition écologique et énergétique dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et de l’image animée ». Cela vise à promouvoir une économie circulaire locale dans le but de limiter l’impact environnemental. Les décors ainsi que les déplacements liés à certains projets génèrent des retombées considérables sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour illustrer, on peut considérer qu’un an de production de cinéma pollue autant que 820 000 vols Paris-New York. L’association Ecoprod a publié plusieurs études sur la consommation du cinéma français et ses conséquences. La réalisation d’un bilan carbone est maintenant obligatoire, et ce depuis 2023, pour toutes les productions subventionnées. 

Sophie porte une double casquette, avec pour mission de faire respecter les mesures environnementales. Une personne est chargée de l’écoproduction sur le plateau, 66% sont des femmes selon l’étude d’Ecoprod. Le ou la responsable intervient à plusieurs niveaux : « Beaucoup de déplacements peuvent être évités. Un collègue a fait 6h de conduite en une journée pour emmener des gens ». Cependant, cette marge de manœuvre peut rapidement se réduire, car nombreux sont ceux qui restent réticents à l’idée de s’adapter à ces nouvelles règles. La sensibilisation se fait aussi par l’assiette : « On essaie au maximum de proposer des plats végétariens », souligne Sophie. Tout ce qui n’est pas utilisé au niveau alimentaire est généralement distribué dans des associations comme UTOPIA 56.

Parfois, il est nécessaire de trouver des méthodes éducatives pour montrer aux membres du plateau qu’il y a des règles à respecter : « On met des flèches de couleurs sur les poubelles, il faudrait même des flèches lumineuses ! », détaille Sophie. « Il y a un système d’étoiles, comme à l’école, et on peut en avoir jusque trois pour montrer que la production a pris des mesures ». Par ailleurs, la réutilisation de décors devient de plus en plus courante, notamment pour les séries policières ou les tournages en milieu hospitalier. Certains décors ou objets peuvent facilement être chinés en seconde main : « Je récupère souvent des quantités importantes de moquette au Convent des Jacobins et j’essaie au maximum de les redistribuer. Avant, on achetait ça très cher et ce n’était pas réutilisable alors qu’on les détruisait très vite en marchant dessus », illustre Sophie.

graphique impact production
Réalisé par Ecoprod en avril 2024

Des réunions avec AFNOR permettent de certifier que le tournage est bien en accord avec l’Ecoprod : « Des chartes d’écoproduction sont ajoutées aux contrats, cela permet de fixer des règles avec les acteurs et actrices notamment, car certains ont parfois beaucoup d’exigences ». Le travail peut parfois se faire bien en amont, dès la lecture du script. Cela permet notamment de faire le tri entre les séquences qui peuvent parfois être évitées : « Une scène qui se passe dans une cantine par exemple, le gâchis alimentaire que cela engendre ne vaut pas forcément de le faire dans ce lieu », expose Sophie. Il est essentiel de parvenir à convaincre le réalisateur ou la réalisatrice, ce qui n’est pas toujours évident, car il faut trouver un terrain d’entente, surtout lorsque cela ne constitue pas forcément la priorité de chacun.

Infos pratiques

Synthèse étude d’impact de l’Eco production

Plan d’action climat CNC

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