Probablement le film à ne pas louper en ce début d’année 2020, Sam Mendes fait de la Première Guerre mondiale un véritable ballet chorégraphique. Retour sur 1917, une plongée prenante dans les tranchées où se mêlent prouesses techniques et humanité.


1917 film

France, 1917. Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, ont pour mission de traverser le no man’s land afin de porter un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice, évitant ainsi la mort de plusieurs centaines de soldats — dont le frère de Blake. Ils se lancent alors dans une course contre la montre.

Le —faux— plan séquence 

Les films sur les guerres, rythmant le début du siècle dernier, ne manquent pas dans l’histoire du cinéma. Les plus grands y sont d’ailleurs passés : Les sentiers de la gloire (Kubrick, 1957), Il faut sauver le soldat Ryan (Spielberg, 1998) ou plus récemment Dunkerque (Nolan, 2017). Pour que cela fonctionne au box-office, l’originalité est de rigueur.

Même si le 7e art en regorge, l’utilisation du plan-séquence est une habile carte jouée par Sam Mendes (Un plan-séquence est une séquence composée d’un seul et unique plan, restitué tel qu’il a été filmé, sans aucun montage, plan de coupe, fondu ou champ-contrechamp). Toutefois, 1917 n’est pas le premier faux plan-séquence du cinéma. La corde (Hitchcock, 1948) en est — en plus d’être le premier film en couleur d’Hitchcock — le premier. Les pellicules de 10 minutes s’enchaînent par de subtils trucages, donnant l’illusion d’une seule et même prise. Le plus long faux plan-séquence de l’histoire du cinéma est plus récent, avec le film Birdman réalisé par Alejandro Gonzales Inarritu en 2014.

Un orchestre technique 

1917 La rigueur technique et la préparation de tournage suscitent l’admiration. Véritable orchestre mené par Sam Mendes1917 a nécessité plusieurs mois de préparations, de calculs et de dialogues maîtrisés à la lettre. L’homme qui se cache derrière la caméra : Roger Deakins. « Il fallait accommoder caméra et déplacements des acteurs ensemble pour que l’histoire soit fluide. », explique le chef opérateur.

Il poursuit : « Le plus difficile était la gestion de la lumière selon les conditions météorologiques. Une majeure partie des scènes sont tournées en extérieur, mais on a été globalement chanceux, le ciel était souvent nuageux— évitant les faux raccords d’ombres. Concernant les scènes de nuit, la caméra bouge à 360 degrés : les lumières ne doivent donc pas être apparentes. Il y a tout un ballet de grues invisible à l’écran ». Cet enchaînement fluide dans de réalistes décors est le fruit d’un travail préparatoire sur de nombreuses maquettes. Pour la scène finale, Sam Mendes a fait construire une véritable tranchée d’environ 1,5 km.

1917
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L’enchaînement des plans est assemblé par Lee Smith. Ce titanesque monteur australien n’est pas en terrain inconnu puisque son dernier film à succès n’est autre que Dunkerque de Christopher NolanLes personnages, eux, sont portés par des acteurs de choix. En tête d’affiche : Dean-Charles Chapman (Games of Thrones) dans le rôle de Blake et Georges Mackay (Captain fantastic) pour celui de Schofield, les deux allégories des héros de guerre anonymes. Mais aussi le grand Colin Firth (Le discours d’un roi), Benedict Cumberbatch et Andrew Scott (Sherlock), Mark Strong (Imitation Game) ainsi que Richard Maden (Body Guard).

Une Grande Guerre insensée

Sam Mendes a su solidement s’entourer. Si le thème du film est plus classique — la guerre—, la mise en scène est audacieuse et réussie. Cette haletante course contre la montre est aussi bien ficelée. Le réalisateur s’est librement inspiré d’une histoire racontée par son grand-père qui a lui-même vécu la Première Guerre mondiale. Évitant tout cliché du héros qui se sacrifie pour sa patrie, Sam Mendes redonne au genre du film de guerre une simplicité humaine. Le soldat Schofield est indifférent aux médailles décernées aux héros du champ de bataille, censées motiver les troupes.

D’un côté ou de l’autre des tranchées, la folie n’épargne personne. Ne plus compter les morts inutiles devient primordial. Le seul antagoniste de 1917 : l’absurdité même de la guerre. Et le spectateur, porté par ce plan séquence chorégraphié, devient le témoin aux premières loges d’une Grande Guerre insensée.

1917, un film de Sam Mendes, 119 minutes, Royaume-Uni et États-Unis, 2019.

Réalisation : Sam Mendes
Scénario : Sam Mendes et Krysty Wilson-Cairns

Avec : George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong, Richard Madden, Andrew Scott, Claire Duburcq, Colin Firth, Benedict Cumberbatch, Daniel Mays

Photographie : Roger Deakins
Montage : Lee Smith
Production : Pippa Harris, Callum McDougall, Sam Mendes et Jayne-Ann Tenggren

Musique : Thomas Newman

RÉCOMPENSES : Golden Globes 2020 :
Meilleur réalisateur
Meilleur film dramatique
Prix des réalisateurs d’Hollywood 2020 (DGA Awards)30
BAFTA 2020 :
Meilleur film
Meilleur film britannique
Meilleur réalisateur
Meilleurs décors
Meilleure photographie
Meilleurs effets visuels
Meilleur son

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