La « chiva » est un véhicule hispano-américain particulièrement utilisé en Colombie où il sert de taxi collectif. Ses couleurs d’ordinaire jaune, bleu et rouge rappellent celles du drapeau national. Avant de devenir une caricature touristique, les chicas assuraient la liaison entre plusieurs villages. Chacune avait sa ligne et son itinéraire. Edimo & Fati Kabuika font de cet autobus local le fil d’un roman graphique aussi passionnant que dynamique. « Voyamos a Colombia nueva ! »

La chiva Colombiana - Planche n°3

Les livres réussis dégagent un élan émotionnel unique. Le lecteur doit se dire que sa découverte est un moment rare qui ne se renouvellera pas de si tôt. S’agissant d’une bande dessinée, le sentiment est lié à une parfaite osmose entre le scénario, le dessin et la mise en couleur. La chiva colombiana soumet dés les premières pages à une action quasi surnaturelle par l’effet d’une lecture enchanteresse. Le plus vif plaisir est d’observer qu’il n’y a pas l’ombre d’une hésitation dans le trait énergique du dessinateur. La vie semble résider dans chacun de ses personnages. Une existence mise à nue par la hardiesse des contours et l’éclat de couleurs primaires ravigotant les sombres décors de certaines planches. Mieux que d’y croire, on y est.

L’élément caractéristique de la rencontre entre le scénariste Christophe Edimo et l’esthétisme visuel de Fati Kabuika, est de rendre juste et crédible une histoire improbable aux yeux d’un Européen, tant elle s’attache à une rudesse sociale disparue depuis longtemps chez nous. Les difficultés colombiennes sont très éloignées de la quiétude française, même si, paradoxalement, l’espoir de s’en sortir là-bas semble moins anesthésié que dans le confort doucereux du vieux continent. Ce point de vue est également induit par le style âpre, proche d’une rudesse désagréable, du graphisme ; mais aussi par les dialogues et de nombreux renvois en bas de pages, indispensables autant par leur complément d’information que par la manière dont-ils ralentissent la progression, imposant la lecture pour ce qu’elle doit-être à l’égard d’un tel ouvrage : un plaisir agrémenté d’une assimilation de connaissances. Car, au-delà d’être un bon livre, La chiva colombiana est un merveilleux partage culturel et social. 

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"La chiva colombiana" de Edimo & Fati Kabuika - Edtions Les Enfants Rouges

La chiva colombiana de Edimo & Fati Kabuika
Edtions Les Enfants Rouges, 109 pages couleurs – 18 €

 

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Jérôme Enez-Vriad
Jérôme Enez-Vriad est blogueur, chroniqueur et romancier. Son dernier roman paru est Shuffle aux Editions Dialogues.

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