Le coup d’État du général Pinochet, aussi appelé le 11 septembre chilien, a eu lieu il y a quarante ans. De son côté, Rennes fait figure de haut lieu de la recherche autour de l’Amérique avec, notamment, la présence d’une chaire de l’institut des Amériques et d’autres laboratoires de recherche associés, tels que le CERHIO (Rennes 2), le CRAPE (Rennes 1). Dans ce cadre, de nombreux enseignants chercheurs, mais aussi des étudiants, travaillent et voyagent au Chili. Il paraissait donc naturel de marquer l’anniversaire d’un événement qui a bouleversé le Chili contemporain par une rencontre dans la capitale bretonne. C’est fait avec le colloque intitulé « Chili 1973-2013 à l’épreuve du temps. Impacts et réinterprétations du 11 septembre chilien ». Il s’est tenu à l’Institut d’études politiques (IEP) les 19 et 20 septembre. De nombreux intervenants, venus du monde entier, ont pris la parole autour de thématiques variées. Au Chili, la mémoire du coup d’État, quarante ans après les événements, continue de se conjuguer au présent. Digest.

Organiser un colloque autour d’un événement qui s’est produit il y a quarante ans ne se réduit pas une démarche uniquement d’historiens. De fait, la mémoire du coup d’État et de la dictature pinochetiste – qui dirigea le pays pendant près de vingt ans – continuent plus que jamais à alimenter les débats qui secouent la société chilienne. Le 17 novembre 2013 se tiendront les élections présidentielles chiliennes, les deux principales candidates illustrent à merveille à quel point le passé reste un enjeu du présent puisque toutes deux sont « filles de ». Michelle Bachelet, candidate de la gauche, est la fille d’un général qui fut emprisonné par la junte militaire pour s’être opposé au coup d’État et qui mourut en détention en 1974 à la suite de tortures subies dans les geôles chiliennes. Evelyn Matthei, candidate de la droite, est la fille d’un autre général qui fit partie de la junte militaire sous Pinochet. Toutes deux incarnent des mémoires de la dictature divergentes. Dans leur pas, ce débat polarise la société chilienne en deux camps.
Dans ce cadre, les manifestations étudiantes survenues en 2011 ont rappelé que la jeune génération souhaitait aborder réellement le passé de leur pays. Ils ont dénoncé différents legs des années de dictature. Leur mot d’ordre principal : une éducation gratuite et de qualité. En effet,  l’éducation fut privatisée sous le gouvernement de Pinochet. Des intervenants divers

Au service d’un colloque qui n’a pas eu peur d’une vision plurielle, les intervenants – français, espagnols, chiliens, équatorien et roumain – ont illustré ces différentes lectures historiques et sociétales. À noter une judicieuse alternance entre des témoins des événements, qui ont parlé de leur expérience, et des chercheurs qui ont livré leurs analyses. Les prises de paroles oscillaient ainsi entre empathie et analyse, certains cumulant même les deux casquettes, celle du témoin et celle du chercheur. Les communications se sont faites sur des thèmes variés, certaines portant sur des analyses politiques ou économiques du capitalisme mondial, tandis que d’autres évoquaient des analyses des arts chiliens, tels que la musique, ou les arts de rue, le muralisme et le graphisme. Entre des témoignages sur l’application des réformes agraires en territoire Mapuche et des analyses sur la résonance du coup d’État dans l’économie globalisée, les sujets s’avéraient parfois aux antipodes les uns des autres. Certaines interventions furent placées sous le signe de l’émotion, puisque quarante ans après les événements, la souffrance affleure encore au détour d’une phrase. Ainsi Ramón Espinel, ancien ministre de l’Agriculture de l’Équateur et étudiant au Chili au moment des événements, détailla le souvenir de ses amis chiliens, emprisonnés, torturés et pour certains « disparus ». Le souvenir le plus douloureux de sa vie.

Le public présent était néanmoins composé en majorité d’enseignants-chercheurs ou d’étudiants attirés par l’affiche placardée dans leurs universités. Pourtant il ne tient qu’aux lecteurs d’Unidivers d’élargir l’audience du colloque, dont la suite se tient à Brest aujourd’hui et demain. Les thèmes abordés se concentreront sur la justice, la question des droits de l’homme et les partis politiques au Chili.

Chloé Rébillard

A noter : toutes les communications de Chili 1973-2013 à l’épreuve du temps. Impacts et réinterprétations du 11 septembre chilien ont été enregistrées et seront mises en ligne sous peu, il sera donc possible de les écouter ou les ré-écouter. La bibliothèque de l’IEP accueille également jusqu’au 27 septembre une exposition de photos, intitulée « Chile en movimiento » et qui retrace l’histoire du mouvement étudiant chilien depuis 2011. Une projection intitulée Nostalgie de la lumière a lieu aux Champ Libres le 29 septembre à 16h ainsi qu’une exposition d’art contemporain à l’Elaboratoire le jeudi 26 à 18h30.

 

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