Depuis 2015, les personnes non voyantes peuvent visiter du bout des doigts 80 objets de l’exposition permanente du Musée de Bretagne aux Champs libres de Rennes : boucles d’oreilles, statuettes, maquettes… Ces répliques – les originaux restent bien sûr derrière les vitrines – permettent aux personnes privées de la vue de découvrir des objets autrement que par une simple description orale.

L’impression 3D a permis de reproduire certaines pièces du musée, numérisées au préalable. Les progrès de ces techniques d’impression permettent désormais d’intégrer du métal dans ces copies, pour se rapprocher davantage des originaux. D’autres œuvres du musée ont été reproduites par un céramiste, certaines pièces ont été trouvées dans de simples brocantes, comme ce lit breton miniaturisé.

« On est dans l’échange permanent pendant ces visites », explique Gwenaëlle Neveu, médiatrice au Musée de Bretagne. Il lui faut ainsi décrire la scénographie de l’exposition, les œuvres elles-mêmes, leurs couleurs… Alors qu’une femme aveugle laisse ses mains glisser sur une maquette de motte castrale, elle la décrit, lui demande : est-ce que tu as vu qu’il y avait une porte, ici ? « Au début, je pensais que c’était un volcan », s’amuse la non-voyante.

L’ACCESSIBILITÉ CONCERNE 40% DE LA POPULATION

Depuis leurs débuts, les Champs Libres prêtent une attention toute particulière aux problèmes d’accessibilité. Cette visite tactile en est un bon exemple, reconnu par le ministère de la Culture. Celui-ci a en effet décerné au musée de Bretagne le prix du patrimoine public pour tous, prix qui doit être remis, en présence de la ministre Françoise Nyssen le 14 mars prochain. « Il a été décerné à l’unanimité », précise le directeur de la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC).

« L’accessibilité concerne un nombre conséquent de personnes », explique Sylvie Ganche, responsable de la mission accessibilité aux Champs Libres. En plus de personnes en situation de handicap permanent s’ajoutent les personnes âgées, malades, ou qui ont des difficultés temporaires, à cause d’un accident par exemple. « Au total, ça représente 40% de notre population », poursuit-elle.

VISITE TACTILE MUSEE

Derrière cette proportion, les situations varient. Une personne qui a eu un accident de ski n’aura pas les mêmes besoins qu’une personne âgée, ou qu’une personne non-voyante. Alors le musée propose des aménagements. Depuis leur conception, les Champs Libres ont ainsi pris en compte ces critères, pour rendre accessible l’intégralité du bâtiment, par exemple. Un travail en amont, qui anticipait déjà la loi handicap de 2005, qui rend obligatoire l’accessibilité pour tous dans les établissements recevant du public. En plus de ces questions d’accès, les Champs Libres proposent par exemple des visuels amplifiés, pour faciliter la lecture, des boucles magnétiques pour les personnes malentendantes.

AU-DELÀ DES AMÉNAGEMENTS, TOUCHER LES PUBLICS

« Il faut travailler avec tous les collègues, pour que cela fasse partie de leur culture », continue Sylvie Ganche. Et même au-delà des collègues. Certains architectes ne sont pas toujours au courant des dernières normes d’accès, et à chaque nouvelle exposition, la scénographie doit intégrer la question de l’accessibilité. « Par exemple, pour l’éclairage des œuvres exposées, il faut qu’il soit suffisamment fort pour que les personnes malvoyantes puissent bien voir, mais s’il l’est trop il risque d’abimer l’œuvre elle-même », détaille la responsable de la mission accessibilité.

Reste que l’offre d’aménagements elle-même est loin d’être suffisante pour faire venir ces publics. Sylvie Ganche se rappelle ainsi avoir été consultée pour un musée breton, qui était déçu que peu de personnes non-voyantes ne viennent. « La seule communication qu’ils aient faite, déplore-t-elle, c’est un article de Ouest-France… » À l’inverse, argumente-t-elle, les Champs Libres ont mis en place une page Facebook dédiée aux personnes malentendantes, et envoie par courrier une lettre d’information mensuelle aux malvoyants ou non-voyants. Au total, ce sont 30 lettres en gros caractères et 19 autres écrites en braille qui sont envoyées chaque mois.

Mais l’exclusion est aussi sociale. « De nombreux publics ne se considèrent comme pas assez aptes, pas assez intelligents pour venir », explique Sylvie Ganche. En cause selon elle, un taux de diplôme inférieur à la moyenne, à cause des obstacles posés par le handicap pendant les études. « Seulement 21 % des personnes reconnues handicapées sont titulaires d’un diplôme du supérieur, soit une part presque deux fois moins élevée que la moyenne », notait le ministère du Travail en 2015.

UN ENGAGEMENT FORT

Pour pallier à cette absence de légitimité ressentie, le Musée de Bretagne travaille avec les associations de personnes en situation de handicap. Ainsi, le parcours tactile du Musée de Bretagne a été co-construit avec des personnes non-voyantes. « Pendant 18 mois, ils nous ont accompagnés bénévolement », explique la directrice du musée. Chaque semaine, entre six et dix personnes ont donc sélectionné les objets de l’exposition qui pourraient être reproduits. Un engagement fort qui leur permet de s’approprier davantage l’exposition.

Cette volonté de rendre la culture accessible à tous représente aussi un coût, et cela d’autant plus que l’accessibilité représente un marché économique très centré sur Paris. Pour répartir cette charge, le musée s’est donc engagé dans un plan de financement pluriannuel, avec 45 000 euros sur trois ans. Ouverte depuis plus de deux ans, cette visite tactile n’est qu’un début, et doit s’accompagner du développement des vidéos en langue des signes, ou des livrets « faciles à lire ou à comprendre », pour les personnes souffrant de déficience mentale. La dotation de 30 000 euros qui accompagne le prix Patrimoine pour tous devrait permettre la poursuite de ces efforts.

visite tactile
Alain Amet – Musée de Bretagne CC BY SA

Le Musée de Bretagne vient de se voir décerner le prix « Patrimoine pour tous« , sous la présidence de la Ministre de la Culture, Françoise Nyssen, et en présence de membres d’associations agissant en faveur de l’intégration des personnes en situation de handicap.
Ce prix récompense le travail accompli par le Musée de Bretagne en matière d’accessibilité et salue la démarche de co-construction adoptée pour la création d’une offre et d’outils de médiation adaptés.

Le Musée propose une offre adaptée aux personnes en situation de handicap, enfants ou adultes, afin de leur rendre accessible ses collections. Il a reçu le label Tourisme et Handicap pour les handicaps mental, auditif et moteur.

Tarifs
L’entrée est gratuite pour les personnes handicapées à plus de 80% et leur accompagnateur.

L’entrée est de 2 € pour les personnes handicapées à moins de 80%.

Le musée est totalement accessible aux personnes à mobilité réduite (espaces d’exposition permanente et temporaire, salles d’activités, accueil, boutique, centre de documentation, toilettes). Dans le parcours de visite, des bancs sont répartis au sein des espaces et des cannes-sièges sont à disposition à l’accueil.

Lors des visites de groupes, pour des raisons de confort, le nombre de visiteurs en fauteuil roulant est limité à 7 personnes.

Personnes aveugles et malvoyantes
Des livrets reprenant les textes des expositions temporaires en gros caractères ou en braille sont empruntables à l’entrée des expositions.

Une visite descriptive ou tactile est proposée aux individuels, dans les collections permanentes ou les expositions temporaires, tous les deux mois. Ces visites ouvertes à tous, sont particulièrement adaptées au public aveugle ou malvoyant.

Pour des questions de confort et de sécurité, il est recommandé aux personnes aveugles et malvoyantes de venir accompagné(e)s. Les chiens guides sont autorisés.

Personnes sourdes et malentendantes
L’accueil du musée est équipé d’une boucle magnétique. Les films des expositions temporaires sont sous-titrés. Des livrets reprenant les textes des films de l’exposition permanente sont empruntables à l’accueil du musée.

Pour les personnes appareillées, des visites amplifiées sont organisées.

Pour les personnes sourdes signantes, des visites des expositions temporaires sont traduites par un interprète en LSF.

Personnes déficientes intellectuelles et psychiques
Les groupes de personnes en situation de handicap intellectuel ou psychique sont accueillis par un médiateur du musée qui adapte son discours aux participants. La visite est basée sur l’échange et la découverte.

Il est conseillé de contacter le médiateur en amont afin de discuter des difficultés que le groupe pourrait rencontrer et des objectifs pédagogiques de la visite.

 

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