La Galerie Pictura de Cesson-Sévigné accueille l’exposition Regarde le quotidien jusqu’au 19 décembre 2015. Elle réunit les travaux d’élèves et de jeunes diplômés des écoles d’art de Rennes : LISAA, l’EESAB et les lycées Brequigny et Saint-Martin. En effet, plusieurs artistes en herbe ont été invités pour étoffer de leur point de vue une réalité temporelle mouvante.

 

La commissaire d’exposition Marylinn Maurage, enseignante en lettres et écrivaine, présente l’événement comme une invitation à l’attention, à aiguiser son regard sur les choses, les objets. Elle fait référence au Perec de L’infra-ordinaire :

Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, I’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, I’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ?.

raphaëlle peria
Raphaëlle Peria

Munis de ce fil rouge, les élèves et étudiants sont invités à prendre la mesure de leur environnement. Les créations donnent à « voir le quotidien avec une acuité nouvelle, comme si soudain, toute une complexité, une poétique, une beauté inaperçue nous étaient enfin dévoilées ». Comme dans la plupart des expositions, l’accent est mis sur la « pluralité des médiums » et « la porosité des arts et disciplines ». Si le résultat reste inégal, il faut tenir compte de l’apprentissage des exposants. La commissaire, par ailleurs, insiste sur la pédagogie et la médiation culturelle qui suivra l’exposition jusqu’en décembre.

Antoine Trouvé
Antoine Trouvé

Dans la longue pièce rectangulaire, des œuvres accrochent le regard. Il en va ainsi des travaux de Raphaëlle Peria, étudiante de l’EESAB : des photographies où le support et la matérialité sont travaillées, triturées, pour donne corps au souvenir et suggérer les couches successives d’une création en mouvement.

Ainsi des gravures d’Antoine Trouvé avec des scènes quotidiennes du métro parisien qui produit une forme d’intime anonyme.

delphine carré
Delphine Carré

La vue de la place de la République captée par l’appareil de Delphine Carré – A l’heure où le passant semble étrange au passant – provoque un vertige stimulant : l’utilisation du montage, de la superposition et de la pose longue confèrent à ce quotidien une profondeur travaillée.

De la même artiste, le travail participatif et littéraire des Brèves Aspérités, une recension de phrases spontanées, souvent cocasses que le spectateur est invité à compléter : si le propos est amusant, il demeure tout de même convenu, à mi-chemin entre le cut-up, l’écriture automatique oulipienne et les plaisirs minuscules de Philippe Delerm. Du reste, ce serait un reproche général : plusieurs exposants réinvestissent, voire à s’accrochent à des références, notamment l’omniprésnet pop art.

Belhomme Nicolas
Nicolas Belhomme (Studio D)

Néanmoins, les œuvres présentées réussissent à amener la thématique dans ses retranchements. Regarder le quotidien, c’est aussi l’utiliser, s’en emparer : l’installation du studio D, le fil d’Ariane, investit la forêt avec une simple ficelle pour complexifier la sortie du labyrinthe antique.

Laurent Petitot, un ancien élève des Beaux-Arts, travaille sur du carton récupéré : ces dessins mêlent peinture taoïste à inspiration occidentale. La dualité des images se retrouve dans une recherche assumée d’orientalisme : originaire de Lorient, ancien comptoir des Indes, le jeune artiste aime à travailler une technique orientale pour représenter une image fantasmée et exotique.

laurent petitotDans cette exposition Regarder le quotidien de la Galerie Pictura, l’économie de moyen sert la réflexion. Les élèves et étudiants apprennent à fouiller le banal, à le transformer, le faire voir. Le travail de certains exposants de LISAA touche à l’architecture intérieure et au design – en compromettant parfois la cohérence de l’exposition. De fait, cette dernière s’attache principalement à déployer un panorama des jeunes créateurs de la métropole rennaise. Et aussi la relève ! Les lycéens en classe artistique ont proposé collectivement un exercice de déconstruction et réappropriation d’objets quotidiens : du mobilier Ikea monté et détourné, sans aide de la notice, pour inaugurer un usage différent. Une initiative peu banale pour une exposition à double tranchant : quotidienne parfois dans ses répétitions et ses références, infra-ordinaire de-ci de-là.

Exposition Regarder le quotidien, 3 novembre-19 décembre 2015
Horaires et adresse : Galerie Pictura Cesson-Sévigné

 

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