Malgré son nom… Jeanne Montségur est originaire de Bretagne. Née à Vannes en 1978, elle passe son enfance et son adolescence à Lorient. Après l’obtention d’un bac littéraire, elle poursuit ses études dans l’audiovisuel, notamment dans le montage.


Calidus Sanguis
est son premier roman. Le traitement de l’écriture et le découpage narratif imposent au lecteur un mode de lecture quasi cinématographique. Images noir et blanc. Lumière crue, blanche, insensible. Rythme et cadence soutenu, lent et lancinant.

C’est l’histoire intérieure d’une âme éperdue. Celle d’une jeune femme perdue dans sa propre tristesse. Diariste d’un dégoût puis d’une agonie cold-wave que le lent écoulement de la vie et des regards ne fait que précipiter. Certes, cela pourrait sembler autocomplaisant. Mais Calidus Sanguis est sincère. Une naïveté du style (quelque peu cruelle et intense) vient toujours à temps rattraper ce qui pourrait devenir un exposé indigeste du mal-être rêvé par une ado gothique éperdue des romans de Nothomb et des chansons de sa copine Robert. Retours et reprises, détours et inversions, les mots eux-mêmes deviennent complices. Complices de l’enfermement et d’une possible évasion : « tout me semble faux… tout me semble… uniquement langage… et mensonges de langage… je ne comprends pas pourquoi… » (p.13)

Journal déconstruit et cliniquement poétique d’une jeune femme contemporaine à l’âme sombre et meurtrie. C’est aussi ce qui ressort de la collaboration de Jeanne Montségur avec le projet musical rennais Nature Morte (écouter les extraits : Bris & Débris). Presque la bande-son de son roman. Intitulé Restes d’une chose brisée, le vinyl est accompagné de trois feuillets qui présentent douze textes-poèmes et six photos noir et argent de Montségur. L’esthétique est froide et profonde, la musique de Nature Morte, post-industrielle ambiante, se fait ici plus concrète. Comme pour dessiner les contours bichromes d’un monde à la beauté monstrueusement glaçante.

Calidus Sanguis, Jeanne Montségur, éditions Les Presses Littéraires, juin 2012, 15€
Restes d’une chose brisée
, Jeanne Montségur/Nature Morte, vinyl 2 titres, Reue um Reue/La Nébuleuse Pourpre, 2012
La haine somnole et je me faufile sous son nez, pas de mouvement brusque, j’emporte dans ma main mon cœur malade pour le mettre à l’abri. D’un coup elle s’éveillera et viendra le chercher, puisqu’elle en revendique la propriété, et moi toute petite, dans ma toute petite main, je participerai une fois de plus à son écartèlement, à sa destruction.

 

 

 

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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