L’exposition Traces migratoires a ouvert ses portes le 1er octobre à Bruxelles dans une chapelle désaffectée au sein d’un complexe scolaire. Porté par une équipe de huit bénévoles, ce projet initié en neuf mois avec l’appui de l’ONG ASMAE met en lumière les propositions de Romane Iskaria et Anne Bourcier, jeunes artistes françaises, Elisa De Angelis, dramaturge, et Salvatore Sclafani, pianiste, originaires de Rome et Palerme. À découvrir jusqu’au 10 octobre 2021.

L’artiste breton Niko, dessinateur de presse et auteur de BD, a saisi l’opportunité d’un appel à œuvre pour présenter dans cette exposition un aperçu du travail de création auquel il associe un jeune réfugié somalien rencontré dans son atelier pontivyen en 2019, Liban Doualé, et des scolaires.

Le dessin de Niko retenu par les organisateurs appartient à une série réalisée puis exposée avec des travaux d’élèves lors d’une résidence d’artiste au lycée Joseph Loth de Pontivy. Cette résidence d’avril-mai 2021, labelisée Saison Africa 2020, faisait suite à une première expérience réussie à l’École L’Armorique de Vannes impliquant des élèves de CE2 de douze nationalités différentes, avec le soutien du Centre National du Livre grâce au label BD 2020 du Ministère de la Culture.

Par son approche graphique, Niko allie force du symbole et délicatesse du trait. L’aplat de couleurs, où formes et décor se confondent, laisse apparaître un visage, celui de Liban, rescapé parmi d’autres rares survivants d’une traversée tragique.

Le drame humain, ces vies anonymes jetées en pâture à Dame Mort, qu’illustre ce dessin à l’esthétique quasi-surréaliste, pourraient n’être qu’une fulgurance sortie de l’imaginaire fertile d’un auteur de science-fiction. L’évocation du réel n’en est que plus forte sans nous piéger dans le pathos. « L’écoute et l’échange ont constitué les trois quarts du travail car il m’a fallu comprendre Liban, entrevoir ce qu’il a pu vivre, ressentir, éprouver. Résumer tant de tristesse, de violence, d’horreur ont beaucoup pesé pour moi. Liban s’est entièrement livré et j’ai dû accueillir toute cette douleur, assimiler une vie passée et révolue, mais avec un message d’espoir ô combien lumineux. »

niko traces migratoires

Avec cette proposition très juste, Niko capte l’ambition de l’exposition Traces migratoires. Il convoque discrètement le courage de Liban et l’utilité si précieuse de son témoignage dans cette scénographie où les voix d’autres migrants se font entendre. Les récits s’entremêlent, se font écho, s’ignorent peut-être. Les silhouettes sans nom ni visage de Niko s’incarnent dans l’instant d’une parole retrouvée, d’un dialogue possible, d’un espoir audible.

« Travailler sur ce projet aura été pour moi une expérience enrichissante, mais aussi éprouvante. J’avais en main l’histoire d’une vie qu’il me fallait résumer en quelques images », Niko.

Ces bribes de manuscrits jamais écrits, de mémoire jamais archivée, arrachées au flux pressé de nos vies rangées, de nos technologies uploadées, nous laissent le choix : préférer le silence, l’oubli, l’indifférence, le mépris, ou poser un acte citoyen, responsable, solidaire, face au déni de justice, à l’amnésie générale, à l’hypocrisie banalisée qui trahit les engagements internationaux sur le respect des droits humains. L’humanisme comme nécessité et autre forme de courage, en quelque sorte.

Trois autres contributions venues de Quimperlé, St-Malo, Pontivy ont pris place dans cette chapelle belge jusqu’au 15 octobre avant de rejoindre en novembre un autre espace au cœur d’un quartier populaire de Bruxelles près de la gare du Midi, le Tri postal : un visuel de Katie Bardouil, élève infirmière de 19 ans, une vidéo de la poétesse Yolande Jouanno et un texte de Françoise Ramel, « L’Etrangère ».

L’exposition Traces migratoires renforce ainsi l’intérêt de mettre en résonance des initiatives diverses, éducatives, artistiques, citoyennes, pour que chacun puisse exercer sa légitimité comme bon lui semble face à un sujet d’actualité grave et récurrent. Son traitement médiatique et politique favorise parfois raccourcis, amalgames, discriminations. Traces migratoires est avant tout une invitation, une exploration, à la croisée de regards, au carrefour de trajectoires.

La mise en lien Bretagne-Bruxelles, comme la mise en œuvre du projet de création avec Niko et Liban Doualé, « Qalbi jab » (cœur fendu), sont à l’initiative d’une association de Pontivy, Timilin, moudre nos idées ensemble, membre du Réseau Bretagne Solidaire.

La revue 2021 de ce réseau régional sur le thème « Résilience » consacre un article à Qalbi jab. Niko et Liban Doualé peuvent être contactés par d’autres établissements scolaires désireux d’associer des classes à cette démarche de création originale, 100% locale.

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Francoise Ramel
La vie est un voyage, je la vois comme telle avec ses escales, ses ports d’attache, ses caps, jusqu’à cet horizon où réel et imaginaire s’embrassent entre les lignes : l’écriture. Françoise Ramel vit en Bretagne au cœur de l’Argoat.

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