Brigitte Bardot a donné sa jeunesse au cinéma. Après avoir été l’actrice la plus photographiée au monde, chassée par les paparazzi comme une biche aux abois, elle offre désormais sa sagesse et sa raison à la cause animale. Depuis 1986, sa fondation lutte bec et ongles contre l’injustice faite aux animaux, avec le soin tout particulier d’éveiller les consciences de manière didactique et constructive.

Jérôme Enez-Vriad : Chaque année, votre fondation entre en campagne contre les abandons qui semblent malgré tout de plus en plus nombreux. Les effets d’une telle prévention sont-ils réellement efficaces ?

Brigitte Bardot : Non, la preuve, il y en a de plus en plus. C’est catastrophique, car les gens abandonnent toute l’année et pas seulement au moment des vacances.

Existe-t-il une solution ? Doit-elle être répressive, et sous quelle forme ?

Il n’y a pas de solution. Une amende est donnée pour les abandons sur la voie publique, mais on ne prend jamais personne sur le fait ; quant à ceux qui abandonnent dans des refuges, ils ne sont pas pénalisés.

On imagine qu’il n’y a que des chats et des chiens…

Non seulement il y a les chats et les chiens, mais ma fondation recueille aussi des chevaux, des vaches, des chèvres, des moutons, des renards, des furets, des lapins, des rats, des poules, des canards, des oies, des cochons…

Que deviennent-ils ?

Certains ne s’en remettent pas, surtout les chiens qui subissent un énorme traumatisme affectif. D’autres sont en piteux état et « insauvables », mais, fort heureusement, la plupart survivent.

Votre fondation a fait l’acquisition d’un domaine en Normandie, La Mare Auzou, transformé en « maison de retraite » animale. Y recevez-vous aussi des bêtes destinées à la boucherie ? 

Oui, c’est un paradis à l’image que je me suis faite d’un refuge modèle. Pas de box- prison, mais des prairies à n’en plus finir où vaches, chevaux, moutons, cochons, chèvres s’en donnent à cœur joie avec les chiens qui batifolent l’été dans de petites piscines, et l’hiver bien au chaud avec confort 5 étoiles. Les chats ont aussi leur domaine grillagé pour éviter de les voir s’éparpiller, mais avec plein de place, de jeux, comme pour des enfants. Nous avons près de 300 chiens et presque 600 chats !

"No Steak" d'Aymeric Caron - Editions Fayard

Lorsqu’on lui demandait pourquoi elle était végétarienne, Greta Garbo répondait : « Je ne veux pas digérer cette souffrance-là. » Dans son livre No Steak (Fayard 2013), Aymeric Caron explique pourquoi face à l’augmentation de la population mondiale, nous allons devoir nous convertir au végétarisme. Qu’aimeriez-vous dire aux plus jeunes dont le goût n’est pas encore formé pour les convaincre de ne plus manger de viande ? 

Greta Garbo et Aymeric Caron ne sont pas les seuls. Arielle Dombasle, Marguerite Yourcenar, Franz Olivier Giesbert, pour ne citer que ceux qui me viennent à l’esprit, mais il y a de plus en plus de gens qui deviennent végétariens pour deux raisons. La première : Pour ceux qui ont pris conscience de l’atroce martyre que l’on fait subir aux animaux dans les abattoirs, la seule vision d’un égorgement à la chaîne sur des bêtes effrayées, épouvantées, qui baignent dans leur sang, est suffisante à leur donner envie de vomir tout ce qui est viande pour le restant de leurs jours. La seconde tient à une question de salubrité publique. De nombreux consommateurs sont révoltés par ces mélanges de viandes vendus avec des étiquettes mensongères et finissent, à juste titre, par craindre pour leur santé. Quant à la génération hamburger, j’aimerais qu’elle voit ce que subit la vache au moment de l’égorgement, la manière dont elle est trainée, rouée de coups, mise dans une machinerie de torture, pendue par une jambe à un crochet tournant, et parfois même dépecée encore consciente, car tout doit aller très vite… Alors, peut-être ces jeunes gens n’auront-ils plus envie d’un hamburger, d’autant qu’il en existe d’excellents végétariens. 

On se bat pour éviter la modification génétique de certaines plantes, mais on laisse des animaux se faire massacrer génétiquement au nom d’une « logique » alimentaire (je pense en particulier aux poissons d’élevage). Comment expliquez-vous cette incohérence qui revient à donner plus de droit à une plante qu’à un animal ? 

Nous vivons dans un monde industrialisé, mené par l’appât du gain, les bénéfices financiers, les trusts internationaux, un monde complètement déshumanisé où l’animal n’a qu’une place de rentabilité. Leurs souffrances, leur vie, leur mort n’ont plus aucune importance du moment qu’elles rapportent du fric en quantité industrielle. Le trafic des animaux sauvages vient en 3e position après celui des armes et de la drogue ! On décime les océans, les forêts, les abattages d’animaux se font par millions chaque jour, les laboratoires torturent et martyrisent à grande échelle pour des expérimentations de produits qui nous empoisonnent, mais sont source de gains phénoménaux, alors les poissons d’élevage… tout le monde s’en bat l’œil !

"Un cri dans le silence" de Brigitte Bardot -  Editions du Rocher

Pourquoi n’existe-t-il pas de statut officiel permettant au bétail d’avoir un minimum de droits, comme il en existe pour les animaux domestiques ?

Parce que ce serait la fin de toute cette monstrueuse exploitation dont l’homme tire ses bénéfices.

Dans votre livre Un cri dans le silence (Editions du Rocher – 2003), vous évoquez le gaspillage alimentaire dont les grandes surfaces sont en partie responsables. Très peu d’organismes liés à la défense animale évoquent le sujet, pourtant jeter de la viande revient à tuer les animaux deux fois : physiquement et à l’avoir fait pour rien.

Oui, le gaspillage organisé par les grandes surfaces est un véritable scandale. Non seulement elles mettent au rebut de la nourriture parfaitement comestible, mais leurs responsables interdisent aux employés d’en profiter et, pour être certains que nul n’ira la récupérer, ils la passent au broyeur ou l’inondent d’eau de javel. Il est choquant et abject d’assister passivement à toute gabegie dans un monde où tout le monde ne mange pas à sa faim.

Certaines religions interdisent la consommation de viandes spécifiques, d’autres imposent un rituel d’abattage, mais aucune n’oblige à en manger. Où en est votre fondation sur le sujet difficile de l’abattage rituel ?

Aucune religion digne de ce nom ne devrait accepter la mort d’animaux pour nourriture. Seuls les bouddhistes ont cette sagesse. Mais le pire est d’exiger que l’animal soit conscient pour le saigner. La pauvre bête est lucide, effrayée, affolée, révoltée de terreur, c’est inadmissible au 21e siècle. Les lois françaises et européennes imposent l’étourdissement électrique avant la saignée, ce qui laisse l’animal vivant, mais inconscient. Hélas ! cette loi est bafouée dans la plupart des abattoirs. Pourtant, après en avoir longuement débattu avec Dalil Boubakeur (recteur de la mosquée de Paris), le Coran n’interdit pas l’étourdissement à condition que l’animal reste vivant. Malgré cela, rien ne change et l’on continue d’abattre à la chaîne sans étourdissement parce que ça va plus vite.

Un mot sur le scandale de la viande de cheval à la place du bœuf ?

Il est inhumain et révoltant d’accepter à notre époque l’abattage des chevaux pour la boucherie. Ces animaux surnommés « la plus noble conquête de l’homme » ne font pas partie du bétail, au même titre que le chien ou le chat. Il faut absolument et impérativement changer leur statut juridique, les faisant ainsi passer d’animal de rente à animal domestique, ce qui parait une évidence urgente et éviterait tout amalgame répugnant avec les autres viandes. Un projet de loi vient d’être déposé par Nicolas Dupont-Aignan. Souhaitons qu’il soit accepté, voté, et la loi mise en application dans les plus brefs délais.

Vous avez souvent demandé une aide officielle au bénéfice de votre cause. Y a-t-il un homme (ou une femme) politique qui ait tenu parole à la promesse qu’il/elle vous a faite ?

Non, rien, bla-bla, du vent, des ronds de jambe, des promesses hypocrites. C’est écœurant de la part d’élus du peuple alors que l’essentiel des Français se sent concerné par la cause animale.

Les gens hésitent à donner leur argent. Comment pouvez-vous les assurer que tout ce qu’ils accorderont à la Fondation Brigitte Bardot sera consacré au mieux des intérêts de votre cause ?

Les gens me connaissent. Ils ont confiance en moi. Ils savent que j’ai moi-même tout donné à ma fondation. Ils savent qu’elle est connue et reconnue dans le monde entier. Qu’elle accomplit un travail extraordinaire chaque jour et partout. Qu’elle est sérieuse, motivée, concernée, qu’elle prend des risques, qu’elle est unique.

"Porter de la fourrure c'est porter la mort" - Fondation Brigitte Bardot

Les bébés phoques, l’expérimentation animale, la viande de cheval, la fourrure, les animaux de spectacles, l’abandon… Quels seront vos prochains combats ?

Tous, car tous sont urgents, à commencer par le génocide atroce que subissent les éléphants d’Afrique et aussi les baleines décimées par le Japon et la Norvège. La liste est longue, je n’en verrai probablement pas la fin…

Accepteriez-vous de revenir au cinéma pour la cause animale ?

À question idiote, réponse idiote…

Si vous aviez le dernier mot, Brigitte Bardot ?

 C’est fini ! :-)

Brigitte Bardot – juillet 2013

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Fondation Brigitte Bardot
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Jérôme Enez-Vriad
Jérôme Enez-Vriad est blogueur, chroniqueur et romancier. Son dernier roman paru est Shuffle aux Editions Dialogues.

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