Brest c’est Byzance paraissait en novembre 2021 aux Éditions du Parapluie jaune. Ce livre de photographies, dirigé par Dominique Leroux et commenté par Fabien Ribéry, offre une image décalée de la cité finistérienne, trop souvent victime de vieux clichés. Cinq photographes de la région y ont carte blanche pour représenter différentes facettes de leur ville qui montrent la Brest d’aujourd’hui.

« Brest c’est Byzance », chantait le groupe Electric Bazar Cie dans son album de 2005. C’est précisément cette richesse insoupçonnée de Brest que cherche à mettre en lumière l’ouvrage dirigé par Dominique Leroux et paru en novembre 2021 aux Éditions du Parapluie jaune. Le photographe brestois y convie cinq artistes locaux pour donner à voir la ville telle qu’elle est aujourd’hui, telle qu’elle a évolué ces dernières années, dans ses usages et ses paysages. « L’idée était venue avec Jacques Jolivet (directeur général de la librairie Dialogues, ndlr). On voulait faire un livre sur Brest qui sorte des sentiers battus, des clichés habituels de la ville », raconte Dominique Leroux.

Dominique Leroux
Dominique Leroux

« Brest change, et vite, et bien.
Sous l’impulsion d’élus, de citoyens, plus éclairés qu’illuminés. La cité se réinvente et se défait peu à peu d’une image passéiste.
Le temps est à la métamorphose, à la mise en lumière d’une ville aujourd’hui verte, blanche, pastellisée, ou encore arc-en-ciel, au gré de ses quartiers.
»

CATHERINE CORNIC, TEXTE D’INTRODUCTION DE BREST C’EST BYZANCE

Directeur artistique de Vannes Photos Festival pendant quatre ans, mais aussi des expositions de la librairie Dialogues, fondateur du Centre Atlantique de la Photographie en 1996, Dominique Leroux a fait l’essentiel de sa carrière à Brest. « C’est une ville vraiment faite pour la photo, au niveau des lumières, des lieux, des gens », affirme-t-il, même s’il déplore l’absence d’espaces d’exposition permanents dédiés à la pratique. La région est pourtant riche en talents qui s’exportent, comme l’atteste l’assortiment de photographes convié·e·s à proposer une série pour Brest c’est Byzance.

  • Vincent Gouriou
  • Vincent Gouriou
  • Vincent Gouriou
  • Vincent Gouriou
  • Vincent Gouriou

Après une préface signée Christophe Miossec, chanteur et figure brestoise bien connue, et un texte sur Brest de Catherine Cornic, professeure de lettres, l’ouvrage démarre avec « Le Jardin extra-ordinaire » de Vincent Gouriou. Photographe publié dans des médias de renom tels Libération, Le Monde ou Télérama, il excelle dans le portrait contemporain. Pour Brest c’est Byzance, il propose une vision exotique de la ville pour souligner sa dimension « de terre d’accueil, de refuge, en explorant ses jardins comme des allégories de la tolérance et de la diversité » (Fabien Ribéry). Loin du béton industriel du port, Vincent Gouriou a choisi pour décors à ses photos des écrins de nature : le jardin du conservatoire botanique, le jardin d’Éric à Plougastel, mais surtout le jardin extraordinaire, une initiative associative qui fait pousser des plantes exotiques sur les flancs de remparts du port de Brest. Ses sujets — des hommes, des femmes, d’âges et de couleurs de peau variés, seul·e·s ou à deux, des frères, des sœurs, des couples — sont placés dans une nature luxuriante où les fleurs et les fruits rivalisent d’éclat avec la verdure environnante. Des couleurs et des visages qui reflètent la diversité brestoise d’aujourd’hui.

  • matthieu venot
  • matthieu venot
  • matthieu venot

Le deuxième photographe de Brest c’est Byzance, Matthieu Venot, a une tout autre pratique. Ayant connu le succès grâce à son compte Instagram, il se concentre sur les couleurs et l’architecture. Les sujets humains sont donc plus rares dans son œuvre, même si on peut souligner un excellent shooting pour le rappeur américain Tyler, The Creator. Dans sa sublime série « Soleil Bleu », point de visage, seulement des détails d’immeubles brestois dont les formes géométriques et les couleurs, blanc, bleu, jaune, rose, aux tons pastel ou vifs, tranchent avec la pureté de l’azur. Brest, ville grise. Brest, ville moche, reconstruite après la guerre. Battant les clichés en brèche, Matthieu Venot démontre que la cité du Ponant prend parfois des airs de San Francisco quand le soleil est de la partie.

  • rene tanguy
  • rene tanguy
  • rene tanguy
  • rene tanguy

René Tanguy, quant à lui, a choisi de représenter un lieu iconique de Brest dans sa série « Les Capucins ». Ce photographe breton a aussi bien travaillé sur le monde professionnel, les décors portuaires et les paysages maritimes, que dans des expositions, des livres et des publications nationales (Libération, Le Monde) et régionales (Bretagne Magazine, ArMen). Symbole, s’il en est, de la métamorphose de la ville, l’ancien arsenal naval transformé en lieu de vie et de culture était donc un sujet tout trouvé pour ce résident du quartier de Recouvrance. La série s’ouvre sur une photo d’archive d’ouvriers des ateliers datant de 1932, mais pour montrer ensuite l’ouverture et l’évolution du lieu, de ses usages et usagers qui s’épanouissent dans un site conservant pourtant les marques de son passé industriel.

  • Benjamin Deroche
  • Benjamin Deroche
  • Benjamin Deroche
  • Benjamin Deroche
  • Benjamin Deroche
  • Benjamin Deroche

Face à ce décor de pierre et de fonte, la nature sauvage représentée dans la série « Lux Naturae » de Benjamin Deroche offre un contraste saisissant. Habitué des galeries de Brest à Paris, docteur en sémiologie visuelle à l’Université de Bretagne occidentale et artiste associé du laboratoire BeBest et du CNRS (pour le projet Arctic Blues notamment), pour Brest c’est Byzance, le photographe a arpenté la ceinture verte de Brest. Comme une longue promenade en forêt, il passe du bois de Kéroual au jardin Kerallan, au vallon du Stang-Alar, s’arrêtant aussi sur les rives de la Penfeld et au rocher de l’Impératrice. Dans cette débauche de verdure réveillée par la lumière, on s’attend à tout moment à croiser une créature merveilleuse venue des légendes bretonnes.

Après la terre, la mer. Une représentation de Brest, même actuelle, ne serait pas complète sans la mer, personnage tutélaire de la ville qui veille au grain. Dans sa série « Homo Aquaticus », Florence Joubert s’amuse à tirer le portrait de sujets fraîchement sortis de l’eau : nageuses, planchistes, plongeurs-démineurs, scientifiques, c’est tout une faune qui parcoure la mer d’Iroise. Travaillant aussi bien sur l’architecture, la nature, les métiers et les rapports entre territoire et identité, le rapport à la mer des Brestois et Brestoises qui la fréquentent quotidiennement, pour leur plaisir, leur métier, parfois les deux à la fois, était un sujet de choix. Brute dans sa mise en scène, la série semble s’arrêter surtout sur les regards des baigneurs et baigneuses dans lesquels la mer qui leur fait dos semble encore se refléter, comme si elle ne les quittait jamais vraiment.

Vision kaléidoscopique de la ville, Brest c’est Byzance croise les regards de photographes, comme autant de points de vue sur un espace partagé ne se limitant pas à une image. Tel le révélateur dans la chambre noire, l’ouvrage dévoile les couleurs, la lumière et la vie derrière les clichés.

Brest c’est Byzance, par Vincent Gouriou, René Tanguy, Matthieu Venot, Benjamin Deroche et Florence Joubert. Dirigé par Dominique Leroux. Éditions du Parapluie Jaune, 136 pages, 35 €. En vente en librairie ou en ligne.

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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