Faire vos courses dans l’épicerie Breizhicoop, c’est à la fois en être client, travailleur et propriétaire ! Voilà ce que propose Breizhicoop, la première épicerie participative de Bretagne. Vendre à prix équitable des produits sains, locaux et choisis par les clients, tel est l’objectif de ce projet social et solidaire. Une première étape, car l’ambition de l’association est d’ouvrir à terme un grand supermarché Breizhicoop. Le lancement de l’épicerie est prévue en mars 2019 dans le quartier du Blosne (Rennes).

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L’association Breizh’i Potes, à l’origine du projet Breizhicoop, ouvrira début 2019 une épicerie au sein du centre commercial Sainte-Elisabeth dans le Blosne (Rennes). Première étape avant un éventuel supermarché, ce lieu-test poursuit deux objectifs principaux : « favoriser le développement de filières de production durables, respectueuses de l’environnement et des humains » et « permettre à chacun et chacune d’améliorer sa consommation selon ses moyens et ses convictions », selon le site internet de la coopérative.

« Nous souhaitons reprendre le pouvoir sur notre alimentation, avec un projet responsable, engageant et générateur de lien social entre les habitants de notre métropole Rennaise. »

Faire bouger les lignes, perturber les codes du « faire ses courses », c’est l’une des visées de Breizhicoop. Le magasin, basé sur un système coopératif et participatif, sera ouvert à tous à condition d’en devenir membre et de participer au fonctionnement du magasin. Autrement dit : on n’y entre pas comme dans un moulin, on s’y implique durablement ! Nous vous avons détaillé ci-dessous ce système fondé sur l’horizontalité et la gestion collective…

Qu’est-ce qu’une épicerie coopérative et participative ?

Le modèle coopératif : Une coopérative est une entreprise financée par ses membres, qui la gouverne selon le principe démocratique « 1 personne = 1 voix ». Chaque coopérateur achète une (ou plusieurs) part(s) de l’entreprise et peut participer de manière égale à la gestion de celle-ci. Chez Breizhicoop, il s’agit d’un investissement de 90 € par coopérateur (ou 30€ pour les personnes bénéficiant des minima sociaux). Il faut être coopérateur pour pouvoir faire ses courses dans le magasin et participer à sa gestion.

Ce modèle doit permettre l’indépendance morale et financière de l’entreprise et le pouvoir de chacun des membres sur les orientations de celle-ci. Pour ses utilisateurs, c’est la garantie d’une entreprise éthique ou, du moins, à leur image.

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Le modèle participatif : L’autre condition pour avoir accès aux produits de l’épicerie, c’est la participation active à son fonctionnement. Chaque membre doit consacrer 3 heures de bénévolat mensuel à Breizhicoop. Grâce à ce système de bénévolat où « chacun fait un peu », la masse salariale est considérablement réduite et le prix des produits s’en ressent. Breizhicoop espère proposer à terme, des prix « 20 à 40% moins cher que dans la grande distribution à qualité équivalente », lorsque le supermarché existera [voir suite de l’article]. De quoi rembourser l’investissement de chaque membre…

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La Louve. Premier et plus grand supermarché coopératif-participatif de France. Paris.

De New-York à Paris : Breizhicoop s’inspire librement du modèle de la Louve, premier supermarché coopératif et participatif de France. Fort de ses 1450m² et de ses 6000 membres, ce supermarché parisien est une réussite prouvant sue le modèle peut fonctionner et séduire un public français. Il s’inspire lui-même du plus bel exemple mondial de supermarché coopératif et participatif : le Park Slope Food Coop de New-York, créé en 1973. Ce magasin compte 16 000 membres et est notamment reconnu pour ses prix ultra-compétitifs. Son fonctionnement démocratique et non-lucratif lui permet aussi d’être très réactif sur le plan éthique et politique, en organisant par exemple régulièrement des boycotts à l’encontre des marques ne respectant pas l’environnement ou le travail des producteurs.

Re-créer du lien

Une des valeurs fondamentales affichées par Breizhicoop est la génération de liens, économiques oui mais aussi humains, sociaux.

D’abord, des liens entre le magasin et ses clients. La Vice-Présidente de la Coopérative Breizhicoop, Nora Duval, constate : « Aujourd’hui, comme la plupart des gens, je n’ai aucun plaisir à faire mes courses. Produit bio, pas bio, peu importe, ce n’est pas un endroit où ça me plaît d’être ». Selon elle, lutter contre la froideur kafkaïenne des rayons de supermarché, cela commence par y réintroduire du social. « L’idée de Breizhicoop c’est qu’on y retrouve des connaissances, des copains, des amis, qu’on soit content d’être là parce que la semaine dernière on a passé 3 heures à faire les rayons ou la caisse. Je sais qu’à la Louve à Paris certaines personnes restent tout le samedi après midi dans le magasin tant ils s’y sentent bien ! » Passer son temps libre à flâner et papoter dans les rayons, une idée farfelue ? Nora voit les choses sous un autre angle : « C’est nous les propriétaires du magasin. On ne se sent pas étranger à l’endroit, on y est attaché, ainsi qu’à tout ce qui s’y trouve ». Autre détail qui permettrait de réchauffer les cœurs sans briser la chaîne du froid : le mobilier, tout fait de bois.

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Egalement du lien entre les villes et les campagnes, soit entre petits producteurs et clients urbains. L’idée est de développer les circuits-courts en se fournissant localement ; d’aider ainsi le développement des petits producteurs régionaux ; de permettre la rencontre entre ces producteurs et les adhérents du supermarché afin de créer une relation de confiance voire de reconnaissance mutuelle. Parmi les valeurs fortes du projet se situe la juste rémunération des producteurs et la valorisation des produits de qualité (locaux et issus d’une agriculture respectueuse de l’environnement).

« L’objectif de Breizhicoop est de fournir, au prix le plus bas possible, les meilleurs produits qui soient » stipule Nora Duval. Toutefois, l’objectif de vendre au-dessous du prix de vente en grande surface ne pourra pas être atteint dès l’ouverture de l’épicerie Breizhicoop. « On est sur des systèmes de volume. Avec l’épicerie on ne distribuera pas assez de volumes pour avoir des prix réellement compétitifs. » Patience donc, il faudra attendre l’ouverture du supermarché, d’ici quelques années, pour espérer atteindre des prix aussi détonnants que ceux de Park Slope Food ou de la Louve…

De la magie citoyenne ?

Au travers de ce projet coopératif s’exprime fortement la notion de pouvoir du citoyen. Celui d’asseoir des valeurs personnelles ou collectives via un projet, parfois en contradiction avec le modèle sociétal classique; celui d’innover et de bousculer l’ordre économique ou politique, en s’organisant différemment et à des fins autres que pécuniaires ; celui d’unir des volontés individuelles au service d’un projet collectif. Des valeurs qui ne se portent pas sans effort : « Finalement ce qui peut être le plus compliqué dans ce genre de projet, c’est qu’on est tous des personnes avec chacun nos rêves, nos espoirs, nos envies… et de se réunir autour d’un seul projet, je crois que c’est ça qui est à la fois le plus compliqué et le plus beau » constate la vice-présidente, soulignant qu’un projet de longue haleine comme Breizhicoop (déjà 2 ans d’existence) demande force patience, écoute et diplomatie pour réussir le défi du consensus. « On a mis en place une communication non-verbale en réunion pour ne pas se couper la parole. On sait se demander une précision, dire si on est d’accord ou pas d’accord, etc… le tout sans parler ».

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Une vision pro-active du citoyen qui séduit de plus en plus de monde en France, en particulier une jeunesse en quête de sens, recherchant davantage dans ses projets l’utilité sociale et le sentiment d’appartenance que la rentabilité économique. Ces procédés font aussi échos à des mouvements récents qui ont exprimés haut et fort la volonté de renaissance du citoyen comme acteur politique : par exemple le mouvement « Nuits Debouts », ou plus récemment celui des « Gilets Jaunes » qui revendique la mise en place du Référendum d’Initiative Citoyenne (le RIC).

« On ne se rend pas compte à quel point une population citoyenne est capable de choses extraordinaires » Nora Duval

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Carte de France des supermarchés coopératifs-participatifs. Framasoft. janvier 2019.

Nora Duval nous fait également part du lien de solidarité qui existe entre les différents projets de supermarchés coopératifs : « Il y a une solidarité entre les associations en France. La Louve à Paris et Scopéli à Nantes par exemple nous ont aidé au démarrage. Il existe même des « inter-coops » où se retrouvent les associations coopératives, pour partager nos expériences ». Bien loin de l’agressivité concurrentielle, mot d’ordre en cours dans notre société capitaliste.

Hyper-passé ?

En 2011, encore 72 % des dépenses alimentaires se faisaient dans les grandes surfaces. Toutefois les hypermarchés connaissent un recul progressif de leur fréquentation. Pourquoi les français boudent-ils les hypermarchés ?

Répondant aux besoins des ménages des années 70-80, avides de consommation, ce système de distribution fait aujourd’hui face à diverses concurrences ; à commencer par celle d’Internet qui attire par son choix et ses prix, et celle des nouveaux magasins de quartier faisant peau neuve. Selon Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire société et consommation (Obsoco), « Ces formats géants sont l’archétype d’une distribution de masse. Aujourd’hui, l’abondance qu’ils mettent en scène est davantage associée à la surconsommation et au gaspillage qu’au progrès ».

Panel consommation

« L’idée vient d’une volonté fondamentale, celle de se nourrir sainement, localement et à prix justes pour le producteur, comme pour le consommateur. » Breizhicoop

Dans ce contexte, est-il étonnant de voir des alternatives spontanément émerger ? Ce ne sont pas moins de 29 projets de supermarchés coopératifs-participatifs qui ont vu le jour en France, dont certains ont déjà ouvert – comme la Louve à Paris. Ces projets sont presque tous bénévoles et apparaissent comme l’expression populaire d’une méfiance vis à vis de la distribution de masse, souvent jugée irrespectueuse de l’environnement, du travail des producteurs et du bien-être du consommateur. Règne cette idée que si la consommation raisonnable et saine ne vient pas à eux, les citoyens iront à elle.

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Le chantier de l’épicerie Breizhicoop. Fin 2018. Rennes.

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« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur l’impact négatif que peut avoir le secteur agro-alimentaire industriel sur l’environnement et les conditions de travail des producteurs. » Breizhicoop

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Un film est même sorti…breizhicoop

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