Le spectacle de chant immersif et participatif Bouche Bée de la compagnie Répète un peu pour voir sera joué à Chanteloup, près de Rennes côté Corps-Nuds, Ille-et-Vilaine, vendredi 21 mars 2025. Dans celui-ci, plus de scène. Les chanteurs revisitent le rôle du corps et de la voix et se déploient dans l’espace, offrant à leur public de participer, au gré des musiques…
La scène d’un spectacle n’est-elle pas une barrière pour la rencontre d’un public et des interprètes ? Plongé dans le noir, hors de l’histoire qui se déroule sous ses yeux, quelle place tient le public face à l’œuvre ? La compagnie Répète un peu pour voir interroge ce biais. Son dernier spectacle Bouche Bée surprend. Plus de boîte noire où s’asseoir en rangées, à l’extérieur du spectacle. À la place, les interprètes se joignent au public : quand la scène est partout, elle disparaît et laisse place à la rencontre…
Créée par Jeanne Dambreville en 2013, l’identité de la compagnie se conforte au fil des spectacles avec une question principale : comment rendre la musique visible ? La manière dont le corps intervient par rapport à la voix chantée interroge constamment la créatrice. Elle cherche à découvrir de nouveaux chemins pédagogiques à l’égard du public, mais aussi à « aller plus loin sur le processus anatomique » en explorant ce qui aide la voix, ou ce qui l’entrave.
Un premier spectacle, joué en 2013 avec 40 choristes, interroge d’abord le rôle du chef de chœur : « lorsque les choristes regardent leur chef de chœur, ça réduit les possibles pour transmettre de l’émotion. Comme si un comédien devait regarder son metteur en scène au moment de dire son texte », explique-t-elle. La compagnie travaille alors pour réussir à se passer de ce rôle ; un deuxième spectacle voit le jour, avec un chœur en mouvement, mêlant l’art choral à la danse.
Une bascule s’opère par la suite : des artistes professionnels rejoignent Répète un peu pour voir afin de pouvoir travailler en résidence toute la semaine et d’aller plus loin sur le lien entre voix et mouvement. Ensemble, ils créent un spectacle où des spectateurs sont ponctuellement invités à participer. Mais la scène apparaît rapidement comme une limite : « passer de la scène au public est compliqué. Le public, dans son cocon dans le noir, ne s’attend pas à ce qu’on lui demande de participer, alors ça pouvait faire un peu intrusif ». Pour rendre ce lien plus facile, la compagnie crée les spectacles Je vous aime, puis Bouche Bée.
Les artistes, à présent six, sont d’ors et déjà mélangés au public. « Le lien se crée de manière beaucoup plus simple, plus douce et plus ludique », se ravit Jeanne Dambreville. Le son chemine au gré des artistes, les points d’écoute se multiplient. « En étant aussi proche du public, une complicité se crée. Il y a un aspect plus simple, comme si on venait chanter dans le salon ». Pas d’inquiétude pour ceux qui préfèrent rester sur leur chaise cependant : la chanteuse précise qu’il n’y a pas d’obligation à participer.
Le mélange des styles est au cœur du spectacle Bouche Bée : musiques classiques, contemporaines ou populaires intègrent le registre. « On chante à capella, alors comme il n ‘y a que des voix, ce n’est pas étrange de passer de Bach à Anne Sylvestre en passant par The Police ou Simon & Garfunkel par exemple », explique-t-elle. « Chacun, à un moment, va avoir un moment de confort, ou faire des découvertes ».
Pour ce spectacle, la compagnie s’est intéressée en particulier au chansigne et à la langue des signes. Est-ce possible de proposer un spectacle intéressant pour des personnes sourdes ? C’est en tout cas une interrogation au cœur du spectacle. « Tout n’est pas traduit en langue des signes, mais on voulait interroger ce regard porté sur la musique », raconte la chanteuse. « Bouche Bée, c’est un jeu entre la bouche du chanteur et le silence qu’il peut y avoir derrière ».
Au fondement du spectacle donc, la surprise ; son titre en témoigne. Qu’il soit entendant ou non, le spectateur n’aura pas accès à tout le spectacle. « Selon son placement, ou sa compréhension d’une langue ou d’une autre, personne ne va vivre exactement la même expérience. Cela nous permet de créer le mystère et le spectateur a, lui, des choix à faire dans ce qu’il va regarder ».
L’immersion et la participation de spectateurs étant au cœur de Bouche Bée, il peut également être proposé au public de changer de place afin de changer son regard et son écoute. « On n’a jamais le même public, qu’il s’agisse d’enfants, de personnes en Ehpad, dans le milieu rural, ou encore en festival de rue. L’énergie du public nous nourrit, donc nous sommes nous-mêmes différents à chaque fois et aucune représentation ne ressemble à l’autre », se réjouit l’artiste.
Par la Cie Répète un peu pour voir
21 mars 2025 à Chanteloup, à 20h30
(Attention, il n’y a plus de place en ligne pour la représentation du 21 mars à Chanteloup)
