Dans Les bottes suédoises, Henning Mankell évoque le sens de la vie lorsqu’à 70 ans on se retrouve seul sans même un toit. Que devient alors ce sens de la vie ? À travers son récit, le romancier essaie de répondre à cette question à l’écho étrangement biographique.

les bottes suédoisesHenning Mankell est décédé il y a un an. Pourtant, connu peu de temps avant sa mort, son cancer a agi sur lui et son œuvre comme une divination. Tous les derniers ouvrages de l’auteur suédois sont en effet marqués profondément par la vieillesse et ses conséquences. Ainsi au moment de son décès était publié « Sable mouvant » dans lequel l’écrivain déclarait sa maladie et évoquait à la fois sa vie passée, ses craintes personnelles et universelles pour le futur. Les dernières enquêtes de Wallander étaient marquées par la place de plus en plus importante accordée à la maladie d’Alzheimer qui touche le policier avant sa mise à la retraite. Aujourd’hui, dans la même veine, est édité le dernier ouvrage de l’auteur suédois « Les bottes suédoises » roman qui fait suite, de manière indépendante, au succès mondial des « Chaussures italiennes » publié il y a 7 ans.

les chaussures italiennesDans ce dernier opus, on retrouve le personnage central des « Chaussures italiennes », Fredrik Welin, médecin solitaire en retraite, qui a commis dans sa carrière une importante erreur chirurgicale et qui se débat sur son îlot avec ses sentiments de tristesse et de solitude. Sa maison prend feu pendant la nuit et cet événement tragique va modifier profondément le sens de sa vie. Reclus provisoirement dans sa caravane, il va retrouver sa fille dont il a appris l’existence depuis deux ans et va découvrir sa personnalité réelle. Une journaliste, Lisa Modin, qui va l’interroger, va le conduire à réfléchir sur ses rapports aux femmes et à son ancienne épouse Harriett. Des voisins ou des connaissances proches vont décéder de manière rapprochée et accroître son sentiment de vieillesse et sa peur de la mort. Fredrik a soixante-dix ans et dépossédé de sa maison, il se pose la question d’une éventuelle raison de poursuivre son existence.

les bottes suédoisesComme dans tous les livres de Mankell, il plane une douce tristesse, une mélancolie qui confine parfois à la hantise et à la désespérance. Les paysages s’inscrivent dans cet abattement progressif comme si la nature se mettait à l’unisson des habitants. On est en automne et l’hiver approche telle une métaphore des temps difficiles qui approchent pour Welin alors qu’arrive le crépuscule de sa vie. C’est l’occasion pour lui de se remémorer des souvenirs d’enfance, qui reviennent, repères posés tout au long d’une existence ainsi balisée. L’amour longtemps absent, le désir toujours présent, les moments ratés, les petits bonheurs s’entrechoquent ainsi dans ce qui ressemble à un bilan. La vieillesse offre-t-elle encore suffisamment de bonheurs ou de plaisirs à partager avec des voisins, des amis dont on ne connaît en fait qu’une image sociale ? Bougon, voire sinistre et peu sympathique, Welin va finalement apporter sa réponse dans les dernières pages qui résonnent comme un hymne à la vie. Avoir envie de sentir la peau d’une femme dans ses bras, embrasser un nouveau-né, avoir près de soi sa fille pourtant méconnue sont autant d’éléments qui vont l’aider à poursuivre son rite quotidien matinal d’une plongée dans la mer glaciale de la Baltique.

Le romancier suédois sait à merveille raconter des histoires, ménageant les temps forts, et les temps faibles, les soupirs et les sourires. Il se sert ici d’une intrigue qui n’est qu’un prétexte pour un propos plus ambitieux, mais cette pointe d’enquête policière ajoute au plaisir de la lecture. Pourtant, on ne retrouve pas dans « les Bottes suédoises » la magie et la lumineuse clarté des « Chaussures italiennes ». L’histoire est plus monocorde, monotone. Mais on ne peut dissocier la voix de Welin de celle de Mankell. Et cela donne à ce livre un caractère unique et poignant.

les Bottes suédoises, Henning Mankell, Éditions du Seuil, 368 pages, 21 €, traduit du suédois par Anna Gibson

Les Chaussures italiennes, date de parution 08/10/2009, 21.80 € TTC, 352 pages

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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