Booxup est la nouvelle coqueluche de la sphère technoculturelle. L’ambition gargantuesque de cette Alexandrie digitale : devenir la plus grosse bibliothèque du monde. A la fois bibliothèque collective et librairie individuelle, cette application offre à tous les lecteurs de présenter des ouvrages, de les échanger, de les prêter, de les donner, de les vendre, mais aussi de converser, de se rencontrer…

 

Booxup est une application de prêt de livres entre particuliers de façon alternative gratuite ou… non. Lancée début mars 2015 sur l’Appstore, elle répertorie pour le moment environ 20 000 livres disponibles en 18 langues et mis en ligne par quelques milliers d’utilisateurs. La start-up qui l’édite a été fondée à Paris en décembre 2014 par David Mennesson et Robin Sappe.

boox-upComment Booxuper ? Préalables indispensables : disposer d’un iPhone, télécharger l’application et avoir des livres sous la main. Une fois toutes ces conditions (un tantinet limitatives) réunies, votre iPhone vous servira de scanner afin de constituer votre bibliothèque à travers des codes-barres ISBN (cette carte d’identité de tout livre située sur la 4e de couverture). Le nouveau booxuper s’identifie en une minute sur l’application au moyen d’un compte Facebook ou Twitter.

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Robin Sappe et David Mennesson, cofondateur de Booxup – Salon du Livre de Paris 2015
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)

Cette innovation vise à faire connaître tous les ouvrages parus, quelle que soit leur genre ou leur qualité intrinsèque, et leur mettre à disposition de tous les lecteurs. Mais on parle bien d’une information générale autour de chaque livre non de son contenu. Booxup est ainsi le fruit d’une collaboration avec Amazon et Google qui mettent à disposition leurs métadonnées, autrement dit les fiches de description des ouvrages.

Reste qu’elle a eu dû mal à percer en France. De fait, les acteurs du marché du livre ont plutôt freiné des quatre fers. Les maisons d’édition voient d’un mauvais œil l’arrivée de solutions alternatives qui risquent de faire dégringoler le prix des livres et les bénéfices afférents. Pbooxupour autant, pourra-t-on encore longtemps éviter au monde du livre ce qu’a connu le monde de la musique et de ses puissants majors ?

De fait, le public de Booxup est constitué majoritairement – selon les créateurs de l’applications – “de lecteurs qui trouvent le prix des livres trop chers”. Autre élément constituant : le réseau produit de la socialisation par la mise en contact des lecteurs. Les personnes peuvent converser, échanger, prêter, mais aussi acheter et vendre des livres physiques (et sans doute, à terme, numériques). Et l’application est utilisable dans le monde entier. Remarque importante : pour utiliser l’application, il est  obligatoire d’accepter d’être géolocalisé par Booxup par l’intermédiaire d’Apple.

Selon David Mennesson et Robin Sappe, l’application est gratuite et le restera. Mais, indépendamment de la gratuité de l’application et de l’inscription (ce qui est le cas de la large majorité des réseaux sociaux), il est fort peu probable que Booxup fonctionne longtemps sans rentrée d’argent. Aussi la perspective – moins enchanteresse – des deux propriétaires du réseau Booxup consiste-t-elle  à produire à moyen terme des rémunérations grâce à des formats de publicité (d’où l’intérêt de la géolocalisation du booxuper pour les futurs annonceurs) et/ou d’un droit prélevé sur chaque vente et/ou des partenariats d’affiliation avec des vendeurs de livres off ou on line. La bibliothèque gratuite deviendrait alors également une nouvelle forme de bibliothèque-librairie-bouquiniste et un commerce en ligne différemment réglementé…

Guide d’utilisation :
21. Que signifie “partager un livre” sur booxup ?
La notion de “partage” s’entend à plusieurs niveaux : certaines personnes souhaitent donner leurs livres, d’autres les prêter ou les échanger et certaines les revendre.

Mais au faitbooxup, parallèlement aux questions de TVA et autre encadrement des ventes, qu’en est-il de la propriété intellectuelle et des royalties des auteurs dont les ouvrages ne sont pas encore tombés dans le domaine public ? Les deux créateurs répondront sans doute que le livre (physique ou non) a bien été acheté et payé par un lecteur ; donc, ce dernier a bien le droit de le prêter ensuite, si ce n’est le revendre (comme sur ebay notamment). Pour le prêt, c’est ce que font déjà les bibliothèques, en somme. Heu, pas exactement… En pratique, quand une bibliothèque acquiert un livre, elle paie en plus du prix un droit de prêt à la Sofia (l’équivalent de la Sacem pour la musique ; certes, il faut noter que la Sofia fonctionne aussi mal que la Sacem…). Sans une solution équivalente afin d’abonder les droits d’auteurs, comment l’auteur pourrait-il être rémunéré ? Eh bien, dans le cas de Booxup, par les publicités qui seront bientôt affichées par l’application. Mais les rentrées générées seront-elles suffisantes ? Sauf explosion mondiale de l’application, on peut en douter. Et, le cas échéant, comment les sommes récoltées seront-elles réparties entre lecteurs, prêteurs, auteurs et les deux propriétaires de l’application ? Mystère.

Bref, Booxup pose autant de questions, de limites que de perspectives de développement. Il interroge l’avenir et les pratiques de la chaine du livre physique tandis que se poursuit l’essor du livre numérique gratuit (en lecture directe sur internet comme en téléchargement). Si Booxup prend sans doute à la légère l’intérêt et le droit des auteurs, cela fait longtemps que certaines maisons d’édition épuisent la trésorerie des gros lecteurs épris de nouveautés tandis qu’une myriade de petits éditeurs réalisent un travail de bénédictins avec très peu de moyens. A l’avenir, les gros éditeurs s’adapteront à cette nouvelle donne en frayant d’autres voies de développement, quitte à voir leurs bénéfices se réduire ; la disparition des seconds signerait l’arrêt de mort d’une veine culturelle essentielle – singulière, diverse et créative. Pour finir, rappelons que les bibliothèques et médiathèques proposent déjà en prêt (physique, mais aussi par consultation directe sur internet grâce aux médiathèques numériques) aussi bien des livres que des supports musicaux ou vidéos tout en initiant les citoyens aux nouvelles technologies…

Pour télécharger Booxup, c’est ici 

 

Nicolas Roberti et David Norget

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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