« Si l’amour est un art difficile, la rupture l’est bien davantage encore. »

Elle n’est pas nouvelle la trame de la déception amoureuse dans la musique populaire. Cependant, si l’on se laisse bercer par les mélodies harmonieuses et le ton nasillard, mais non moins délectable de Justin Vernon, le monde tel qu’on le connaît s’estompe pour s’effacer devant nos yeux fermés. C’est un fait, l’essence même de l’album folk contemporain For Emma Forever Ago du groupe Bon Iver se dispute les termes éthérés, tendres, vulnérables et autres vocables qui traduisent la simplicité dans toute sa somptuosité.

Comme un ermite, Justin Vernon ne s’est pas seulement éclipsé dans les bois trois mois durant, il s’est également fondu dans la musique. Il se l’est appropriée pour enfin se dévoiler. Abandonné par une mystérieuse « Emma », Vernon se livre à une introspection mélancolique afin de conter les discordes d’une rupture difficilement digérée. On découvre, entre autres, le saisissant Skinny Love, repris à tort par la jeune Britannique Birdy, mais plus encore, un entremêlement de notes cajoleuses égrenées par la guitare sèche du chanteur et sa voix teintée des légers sanglots du désespoir. Tout au long du disque, les titres se succèdent en une mélopée enivrante qui n’est pas sans rappeler la complainte profonde de Léonard Cohen. La paume frotte, gratte et frappe les cordes et la caisse de résonance.

Les rythmes sont doux puis s’amplifient, traduisant les émotions à vif et les spectres devenus familiers : vagabondant de Lump Sum à un poignant Creature Fear, séjournant sur les rives primordiales de For Emma et se heurtant aux percussions cadencées de Team, prêts à hérisser chacun de nos poils, n’épargnant aucune strate de notre âme.

Les mélodies de Bon Iver sont loin de l’apitoiement grincheux et souffreteux, elles sont à savourer au coin d’un feu, seul ou bien accompagné. Pourquoi pas les mains entourant une tasse de chocolat chaud gracieusement recouvert de chantilly. Elles ne réclament aucune leçon, aucune remise en question, simplement une écoute accueillante et confiante.

C’est à une véritable catharsis que se livre et nous livre l’intrépide Justin Vernon à travers un album qu’il va audacieusement autoproduire et diffuser sur la Toile en 2008. Il trouva tout de suite un écho parmi les mélomanes comme les néophytes férus de sons à la fois « brut de décoffrage » et brillamment aboutis. Et, le 13 février 2012, Bon Iver reçut le Grammy Award du meilleur nouvel artiste ainsi que le Grammy Award du Meilleur Album de musique alternative pour l’album Bon Iver, Bon Iver.

Audrey Hainry

 Discographie

    2008 : For Emma, Forever Ago
    2009 : Blood Bank EP
    2011 : Bon Iver, Bon Iver

Article précédentLe jeu de Tharaud, un atout pour l’Opéra de Rennes
Article suivantVoici l’Homme de Michael Moorcock
Unidivers Mag
La rédaction d'Unidivers Mag : redaction [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici