Evo Morales, président bolivien et éphémère footballeur, vient d’être réélu pour un 3e mandat. Dans un continent en proie aux crises, le cas du pays le plus pauvre a de quoi interroger. D’autant plus que sa croissance est désormais rapide et constante.

Bolivie, qu’es-tu ?

Evo MoralesLa Bolivie est un petit pays par le PIB, mais grand par sa superficie qui en fait le 27e plus grand au monde. Reste que sa situation en altitude ne favorise pas l’exploitation des sols. Autre particularité, la Bolivie est un état multiethnique – 37 langues, l’espagnol étant la langue officielle. L’influence de la culture amérindienne est forte, mais cette diversité a longtemps créé des dissensions dans le pays. Après des révolutions et des dictatures, le pays a connu une période de libéralisme forcené sous forte influence étatsunienne (responsable de la période de dictature), motivée aussi par les importantes ressources du sous-sol : gaz, pétrole, argent, étain et lithium (premier gisement mondial dans le Salar d’Uyuni). À une période où les batteries au lithium se développent, ce pays concentre l’attention des économistes.

Evo Morales, qui es-tu ?

Evo Morales
Evo Morales

On connaît finalement peu ce président. Sauf quand son avion fut interdit de survoler notre espace aérien, car il était soupçonné d’abriter Edward Snowden. Âgé de 54 ans, il a été élu en 2005 après une période de crise avec 53 % des voix. Amérindien (Aymara précisément), il a depuis été réélu par de plus larges suffrages avec son parti le MAS (Mouvement vers le Socialisme). Son positionnement à gauche et la nationalisation du secteur énergétique ont entretenu la comparaison avec une autre figure charismatique du continent : Hugo Chavez. Bien que très lié à l’ancien président Venezuelien, il ne s’est pas contenté de suivre la même politique et doit composer avec la forte influence des communautés amérindiennes et le poids des traditions. Il est surtout un homme discret et modeste, à l’opposé de Chavez. Récemment, on lui a beaucoup reproché d’avoir accepté le travail des enfants à partir de 10 ans. Son argument : éviter une crise sociale et accompagner en douceur l’évolution de son pays en encadrant des pratiques anciennes. L’avenir dira…

Des résultats

Alors que l’on prédisait une catastrophe économique à la nationalisation du secteur, le gouvernement Morales a su expérimenter des solutions économiques novatrices pour des résultats édifiants :

  • Triplement du PIB en 8 ans.
  • Croissance de 5,4 % en 2013. (la plus élevée du continent)
  • Diminution de l’endettement de l’état de 38 % à 29%PIB les quatre dernières années.
  • Obligation de versement de primes aux salariés par les entreprises faisant plus de 4,5 % de croissance
  • Investissement public à hauteur de 10 % du PIB (2,5 % en Europe)
  • Progression de 6 % de la demande intérieure
  • Progression des comptes épargnes de 20 à 36 % des dépôts bancaires.

Conseillé par son vice-président, le sociologue Alvara Garcia Linera ou le ministre de l’économie Luis Arce Catacora, diplomé de Warwick (GB). La nationalisation s’est faite par des renégociations de contrat d’exploitation, méthode plus douce qu’en Argentine, où le pays avait moins de marges de manœuvre. Il prône l’indépendance de son pays dans la lutte contre le trafic de drogue, la coca étant utilisée pour lutter contre le mal d’altitude et présente une importance majeure dans l’économie paysanne. Il décide également de garder l’exploitation du Lithium dans l’escarcelle nationale. La filière est encore incomplète, car techniquement difficile sans un soutien des pays développés. Ce soutien est l’objet de constantes pressions (sans parler des tentatives d’assassinat) qui ralentissent le processus de développement.

Evo Morales
Evo Morales et Lula da Silva

Aussi la politique bolivienne se voit-elle l’objet de critiques constantes par la gauche et la droite du fait qu’elle ménage à la fois une part de libéralisme pour accéder à plus de socialisme. Ce consensus semble justement opposé à la situation brésilienne, en proie à de multiples révoltes sociales et économiques. Le Brésil subit pour sa part les conséquences d’une longue période d’ultra-libéralisation et qui a conduit à des disparités beaucoup plus fortes. Le problème de la propriété des terres y est plus lourd qu’en Bolivie et la dépendance de son économie vis-à-vis des entreprises « occidentales » est considérable du fait d’un développement économique plus important. L’évolution de la demande intérieure bolivienne est plus importante et permet de soutenir l’économie basée autrefois sur les uniques exportations.

Aussi pourrait-on dire que les problèmes commencent maintenant pour Evo Morales, si la croissance constante de son pays conduit à ce qu’il souhaite : le développement d’une main-d’œuvre qualifiée, l’accès à une meilleure éducation et à de meilleurs services publics. Ces investissements paraissent encore peu élevés, eu égard à la manne financière actuelle. L’économie reposant moins sur les seules exportations de matières premières, elle devrait pourtant se retrouver consolidée. Ajoutons une réserve de devises en augmentation et la situation pourrait être considérée comme optimiste. Mais une chute brutale des cours reste toujours envisageable. Mais surtout, comment Evo Morales prépare-t-il sa succession ? Un quatrième mandat (la constitution a été modifiée en 2009 et limite maintenant à 2 mandats, sans effet rétroactif) risquerait de donner l’impression d’une dictature, malgré les progrès notables de la liberté de la presse et la pluralité des partis. La route est encore longue…

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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