À travers le monde, des blocus et des embargos sont exercés par des pays à l’encontre d’autres pays. Ils sont souvent  réputés illégaux au regard du droit international. Dans les faits, les tenants et aboutissants sont autrement complexes. Tentative de décryptage.

D’emblée, il convient de distinguer blocus et embargo. Le premier est une opération de guerre visant à étouffer un pays sans aller jusqu’à l’affrontement terrestre ouvert. C’est l’équivalent du siège pour un pays. L’embargo est une opération visant à empêcher tout échange commercial avec d’autres pays. C’est l’interdiction de la libre circulation des biens et des personnes. Cela peut se traduire également par l’interdiction de transactions bancaires.
•    La France pratiqua un blocus envers le Royaume-Uni lorsque Napoléon combattait l’Empire britannique. Défait sur mer, il ne put l’imposer bien longtemps. Le Royaume-Uni le pratiqua aussi en retour sur des ports français comme celui de Toulon.
•    La France et l’Espagne encouragèrent un embargo envers Haïti lorsque Toussaint Louverture et les esclaves se révoltèrent entre 1804 et 1806. La France demanda une indemnité astronomique à la première république noire de l’histoire.
•    Embargo des États unis envers Cuba. Depuis 1962, Cuba fait l’objet d’un embargo avec les États-Unis voisins limitant de ce fait les échanges de l’ile avec l’extérieur.
•    L’Union européenne décida d’un embargo commercial avec la Serbie et le Monténégro au plus fort du conflit yougoslave en 1992.
•    L’Union européenne a rejoint les États-Unis pour procéder à un embargo à l’encontre de l’Iran, visant essentiellement le pétrole, mais également les flux financiers avec ce pays. Le but est, officiellement, d’empêcher le développement du programme nucléaire iranien, mais il va sans dire qu’il y a un impact géopolitique conséquent pour la main mise sur le golfe persique.
•    Embargo des États unis envers la Birmanie : levé il y a quelques jours, il devait permettre de peser sur la dictature birmane. Mais pour ce pays qui dispose de richesses pétrolières inexploitées, la levée de l’embargo intervient bien étrangement juste après la signature de contrats d’exploration avec des compagnies pétrolières étrangères…
•    Blocus des territoires palestiniens : Entre embargo et blocus, le choix est complexe selon que l’on reconnaisse l’existence ou non des territoires palestiniens. Dans les faits, Israël interdit la libre circulation des biens et des personnes, arguant du risque de trafic d’armes. Mais il limite également l’échange des produits, ce qui étouffe l’économie gazaouite. La présence de forces militaires autour des territoires et les restrictions sur l’approvisionnement en électricité oriente vers un blocus. Ce dernier est en conflit avec les résolutions de l’ONU (la fameuse résolution 242) sujettes à d’éternelles controverses.

Depuis la création des Nations unies, des embargos ont été décidés par cette institution, donnant une dimension ‘légale’ aux embargos. Ce fut le cas en 1977 avec l’Afrique du Sud qui menait des opérations militaires en Angola. L’ONU instaura un embargo sur l’Irak à la suite de l’invasion du Koweït en 1990. En réalité, les décisions des Nations unies concernent souvent les seules ventes d’armes, mais elles sont souvent assimilées à un embargo global. Car il existe également des embargos ciblés sur des ventes et achats d’une denrée, comme la vente d’armes et de pétrole à Haïti (de 1993 à 2011), le trafic d’ivoire, etc.

L’efficacité de ces mesures est plus que douteuse. Ainsi, ce ne sont pas les embargos sur l’Afrique du Sud et la Birmanie qui ont permis un changement de ces régimes, mais des actions conjointes de la diplomatie, des militants locaux (Nelson Mandela et Aung San Suu Kyi, respectivement) et les problèmes d’image pour des pays misant aussi sur le tourisme pour leur économie, ou encore l’accès à la mer des puissances environnantes. L’embargo agit davantage sur la situation des populations en accentuant la raréfaction et la cherté des denrées de base que sur les pouvoirs en place.

Depuis 60 ans que dure l’embargo sur Cuba, le régime est toujours en place tandis que la population se débrouille. L’embargo sur l’Iran ne donne pas de meilleur résultat. De fait, un embargo peut se révéler contre-productif pour les États qui le pratiquent. Ainsi l’embargo sur la Serbie toucha l’Italie et l’Allemagne, principaux pourvoyeurs. Les entreprises françaises automobiles sont touchées directement par l’embargo sur l’Iran alors qu’elles dominaient un marché florissant. L’impossibilité des échanges bancaires a mis fin à l’activité, laissant probablement à terme une place à la Chine (absente jusqu’alors) sur ce marché. L’économie iranienne n’en est pour autant pas à genou.

Il va sans dire qu’aucune instance internationale ne peut peser véritablement sur un État ou un ensemble d’États décrétant un blocus de manière unilatérale envers un homologue. Le pouvoir des Nations-Unies s’est amoindri depuis quelques années. C’est ainsi que l’embargo sur les armes en Syrie, voté par l’ONU, est aujourd’hui remis en cause par la France qui voudrait approvisionner les rebelles (voir notre article « Retour du coq français »). Mais que deviendront ensuite ces armes ? Qu’en est-il de la population civile ?

La recrudescence des mesures d’embargos dans les 30 dernières années (16 votes de l’ONU) n’a pas apporté de solutions notables aux conflits, et n’a fait que peser sur les populations plutôt que sur les dictatures. Il serait souhaitable que le monde de la diplomatie entamât une réflexion à ce propos.

 

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Didier Acker
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