Le bio, en France comme ailleurs, connait une croissance constante dans les ventes. Pourtant, ce type de production agricole alternative stagne dans notre pays. Coup de projecteur sur un paradoxe. Quel bio faut-il consommer ?

Pour le consommateur, acheter bio, c’est bon pour la santé, pour le respect de la planète comme des producteurs. Pourtant, derrière l’étiquette se cache une réalité parfois moins rose et… verte. La PAC (Politique agricole commune) promeut une répartition de ses aides qui n’incite guère à se convertir à ce type de production alternative. De nombreux producteurs se plaignent des retards que rencontrent les subventions européennes dans la filière bio… contrairement à l’agriculture intensive, choyée par des subventions qui arrivent même dans les poches en avance.
Les promesses récurrentes sont donc restées lettre morte. Aujourd’hui, la filière stagne à un modeste 3,5 % alors qu’elle était censée atteindre 6 % en 2012. Conséquence : ce sont des produits importés qui se retrouvent sur les étals et dans les rayons.

Un déficit de production nationale

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L’évolution de bio semble rapide ces dernières années, mais le retard est énorme…

Les chiffres avancés pour l’importation de produits bio atteignent de 30 à 80 % selon les sources et le domaine d’activité. La moyenne s’établit à 50 % alors que la balance commerciale de l’agriculture s’avère positive avec 4,6 milliards d’euros dans un volume d’échanges de 27 milliards (chiffres de l’INSEE 2011).
Les importations du bio proviennent principalement de pays frontaliers comme l’Italie, l’Autriche (dont le taux de bio flirte avec les 10 %), mais aussi de pays plus lointains où le bio a été développé avec des normes de contrôles très diverses, voire peu scrupuleuses.

Ecocert et contrôles variables

Ecocert, garant en France du label AB, nourrit des partenariats avec d’autres pays. En revanche, il n’a pas les moyens de vérifier que les chartes et normes sont bel et bien respectées partout dans le monde. En France, Ecocert avance le chiffre d’1,6 contrôle par an pour les entreprises concernées, alors qu’il descend bien en dessous de 1 à l’étranger. Qui plus est, l’ouverture de filiales par ce même label ne semble pas répondre aux besoins réels. D’anciens employés ont ainsi protesté contre les dérives de la marque.
En réalité, la production dite biologique de nombreux pays du sud ne répond pas aux mêmes exigences que celles en vigueur en Europe, qui tolère pourtant déjà une petite proportion de pesticides. En outre, on regrettera que les denrées produites par ces pays ne servent pas à la consommation locale.

Comble du paradoxe, des entreprises françaises peinent à trouver des débouchés dans la grande distribution hexagonale alors que leurs produits se retrouvent dans les linéaires des pays étrangers. C’est ainsi le cas pour Sojami, que le consommateur trouve jusqu’aux États-Unis, mais qui a du mal à se faire une place en France en dehors de quelques grandes surfaces bio. Pourquoi ? Car, comme trop souvent en France, les PME du secteur ne sont que peu soutenues et ne sont pas en phase avec le fonctionnement de la grande distribution qui met en place ses propres filières.

Vers une démocratisation : un comparatif nuancé

De fait, si le bio se démocratise, c’est aussi parce que les prix baissent. Chaque grande enseigne a agrandi son rayon bio et leurs campagnes publicitaires dédiées se multiplient. Elles servent notamment à redorer une image de la grande distribution largement écornée dans l’esprit du consommateur : et ce, sans perdre de vue un objectif lucratif.

Un examen attentif des prix pratiqués dans les grandes surfaces, les biocoops et la vente directe par le producteur révèle de fortes variations : les biocoops pratiquent en moyenne les prix les plus chers, suivis par les grandes enseignes (hors produits en promotion) puis le producteur sur marché ou, mieux, directement à la ferme. Par exemple, un kilo de bœuf biodynamique est vendu 11 € en direct chez un producteur de la région de Rennes quand il faut débourser plus du triple, voire du quadruple, à la biocoop sachant que le consommateur ne trouvera jamais une telle qualité de viande dans une grande surface avoisinante. Dans ces dernières, les prix réduits s’expliquent par le peu de cas qu’elles font de la qualité organoleptique des aliments tout comme des ‘externalités négatives’, notamment l’impact des transports sur le coût environnemental du produit.

Achetons local… autant que faire se peut !

Ce constat plaide fortement en faveur d’une croissance de l’achat direct par le consommateur chez le producteur. Certes, cela demande du temps, et le temps est de nos jours un bien rare. Il s’agit de s’organiser, seul ou à plusieurs. Restent ensuite les Biocoop et autres Naturalia, mais les prix pratiqués confinent parfois à la pure extravagance. Quant aux prix des produits de consommations courantes (comme les laits de céréales ou les graines et fruits qui ne sont ni locaux ni de saison), ils s’avèrent la plupart du temps moins chers en grande surface, mais une bonne partie vient de loin, voire de… Chine. Malgré un effort récent des fabricants (Danival, Soy, Bjorg), environ un tiers des produits bio sont encore importés de l’étranger.

Du bio destructeur !

Si l’on veut contribuer à garantir les ressources de notre planète, il faut faire du bio intelligent. Produire une denrée en bio dans des terres peu adaptées à grand renfort d’eau, voire de pesticides, est hautement contre-productif. Sans parler des dangers. Que dire du marché bio chinois que continue à apprécier les grandes enseignes françaises malgré des scandales sanitaires à répétition (comme l’été dernier la découverte de milliers de litres de lait bio distribués par l’entreprise Yili et enrichis au mercure et à l’aflatoxine…).
Une production locale conventionnelle avec l’utilisation de différents intrants n’est pas plus une solution, quand bien même elle peut paraître dans plusieurs cas préférable à la précédente solution. La solution tient dans la relocalisation des productions là où elles sont consommées et/ou adaptées. Et c’est là que la France comme l’Europe ont un rôle à jouer. Il serait peut être temps d’utiliser les budgets astronomiques de la PAC à vivifier un réseau de productions locales. Au lieu de quoi ?
Au lieu d’enrichir quelques spéculateurs qui ne produisent rien mais mettent les terres qu’il rachète en jachère en échange de grasses subventions, au lieu de soutenir des exportations industrielles incohérentes et mal pensées (ainsi l’industriel Doux a touché en 2011 plus de 60 millions d’euros d’aides !). Symbole des dérives de la PAC : 10% des agriculteurs se partagent 40 % de l’enveloppe globale. Bref, le contribuable-consommateur finance et une réduction des prix de la production qui encourage les délocalisations et profite dans une proportion trop importante aux géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution.

Aussi, du côté du consommateur, il convient de faire le tri dans les nombreuses étiquettes et provenances en choisissant en toute conscience l’avenir que chacun veut donner au bio. Pour l’y aider, les syndicats agricoles ont incontestablement un rôle à jouer. A condition que les enjeux et le lobbying de l’agriculture intensive pèsent de moins en moins dans la balance.

Didier A. et Nicolas Roberti

Une disproportion entre consommation et production

(sources infographie : Agence bio)

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