Justin Dutilh, dans la BD Binic Machine, met en scène de manière loufoque et originale la vie autour du festival Folks Blues local. L’œuvre, auto-conçue, cherche aujourd’hui des financements pour être publiée.

« Un conte de fêtard surréaliste et absurde« . Dès les premiers mots, Justin Dutilh, auteur de Binic Machine, annonce la couleur. De la couleur, il y en a : du cuivre, de la rouille, du jaune, dans cette bande-dessinée mélangeant photos, collages, gravures et dessins. D’un genre nouveau, ce « roman-photo mais en bande-dessinée » nous plonge dans une œuvre psychédélique hallucinée. L’artiste Justin Dutilh, photographe, dessinateur, graphiste, auteur, s’est donné pour objectif de mettre en scène la vie du Binic Folks Blues festival 2019. Un projet qui apparaît d’autant plus intéressant qu’il a vu le jour pendant la pandémie de Covid-19. Mais elle a été pensée bien avant.

binic machine justin dutilh
Affiche de campagne du livre.

La BD mélange des photos qui semblent d’un autre temps, des dessins tout droit sortis de rêves les plus fous et une écriture rebelle et musicale. Cette plume presque sonore s’entend avec les nombreux recours aux onomatopées, qui donne à ce roman-photo un aspect plus brut, vivant. Mais on entend aussi le son tonitruant des concerts par le biais d’images prises dans l’action, de flous étudiés qui en disent long sur l’énergie du festival.

Amateur de punk et de rock, Justin Dutilh explique sa volonté de creuser l’analogie entre ces milieux et le sien. Le côté fanzine, propre au recueil, est pleinement recherché. Entre fiction et réalité, le livre raconte le quotidien des musiciens et des visiteurs, festivaliers de longue date ou nouveaux curieux, dans cette fête où presque tout est possible. Battre le record de la patate de forain, jubiler et pratiquer le pogo devant Slift, groupe de heavy rock progressif ou King Khan Louder than Death, collectif punk rock composé notamment du chanteur indo-canadien Arish Ahmad Khan. Tout cela dans un environnement empreint d’une liberté folle – le festival est gratuit -, liberté qui transpire des pages de ce bouquin atypique.

Originaire de Bordeaux, l’auteur-photographe-dessinateur découvre la Bretagne il y a quelques années, et par là-même le Binic Folks Blues Festival. C’est en égrenant les programmations au fil des ans que vient à Dutilh l’idée de créer cet ouvrage. « Sans le contexte de liberté, ce projet n’aurait pas eu lieu » affirme-t-il. Selon lui, cette forme émancipée ne se retrouve quasiment qu’à Binic : les autres festivals sont pour la plupart payants donc clos. Ici, on a accès à une sorte de fête de village avec une programmation rock pointue. S’y intègrent les commerçants du coin, pour la plupart forains. Cet intérêt pour les événements mélangeant musique et activités ludiques explique le titre de la BD : la « Machine« , faisant référence au jeu de la patate du forain, sur lequel le participant doit taper le plus fort pour battre le record.

Scénariste à l’origine de cet ouvrage singulier, Justin Dutilh n’a pourtant pas travaillé seul sur l’initiative. Binic Machine est aussi et peut-être avant tout une œuvre collective. Sont citées à la fin toutes les personnes ayant « contribué au projet d’une manière ou d’une autre » : Vincent « Taj Ninny » Sanjivy, Antoine Baduel, Baptiste et Florent du collectif « Meta« , et tous les autres… Cette création commune met en avant la vocation du festival de rassembler. Rassembler des individus de tous horizons. D’où l’immense « MERCI » à la fin, par-dessus les images des participants de l’édition 2019.

binic machine

Pour retranscrire la frénésie de l’événement, Justin Dutilh et ses contributeurs se servent d’outils de création particuliers. Habitué de la photographie, l’auteur espère, par celle-ci, faire transparaître un aspect plus documentaire aux moments passés. Avec les photos prises par son appareil argentique, Dutilh met en place des collages sur Photoshop, renforçant l’aspect irréel du livre. Il teste également d’autres moyens, comme la peinture ou la gravure sur négatif, qu’il expérimentait pour la première fois. Les collaborateurs l’ont aidé à prendre les photos, notamment le protagoniste principal qui a immortalisé des instants, soulignant un regard à la première personne. Le but de l’expérience, toujours, est d’exacerber la fiction et les aspects surréalistes de l’événement, en déformant les photos, en ajoutant des couleurs plus fortes ou au contraire plus sombres.

Le choix de l’auto-édition est dû à la fois à la limitation du calendrier de parution des maisons d’édition et à un choix d’engagement et d’émancipation. Justin nous avoue d’ailleurs que le prix de l’ouvrage renvoie au 22 des Côtes d’Armor, comme un petit clin d’œil à l’attachement à la région. L’objectif est d’atteindre, pour permettre au livre d’exister à plus grande échelle, 3 500 euros, sur une plateforme de dons spécialisée. À ce jour – le 10 juin 2021 -, la campagne a déjà conquis un peu plus de 60 personnes et atteint plus de 2 200 euros d’aide. Binic Machine, c’est donc à la fois un roman photo et une BD-documentaire, mais on est loin de l’univers aseptisé des romans-photos à l’eau de rose que lisait mamie. Ici, c’est trash, sombre et lumineux, rock ‘n’ roll. A réserver à un public averti, mais on en redemande.

INFOS PRATIQUES

Pour faire un don et contribuer à la parution du livre sur le site Kiss Kiss Bank Bank. (jusqu’au 28 juin)

Site du festival Binic Folks Blues

22520 Binic-Étables-sur-Mer

Festival les 22, 23, 24 et 25 juillet 2021 : place de la Cloche, place Pommelec, dans les rues avec une jauge réduite.

Pour découvrir le travail de Justin Dutilh

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