Avec Née contente à Oraibi Bérengère Cournut poursuit sa ligne originale aux éditions du Tripode. Ce second roman fait le récit, à la première personne, d’une jeune Amérindienne d’Arizona, membre du peuple hopi. Le temps d’un livre, dans le bel espace dessiné par l’ouvrage, le lecteur se laisse entraîner dans un voyage presque immobile : à mi-chemin entre le conte et le récit ethnographique. De quoi réchauffer cette rentrée littéraire hiver 2017.

 

Née contente Oraibi« Je suis née contente à Oraibi » : ainsi commence le récit (fictif) de Tayatitaawa, « Celle-qui-salue-le-Soleil-en-riant ». L’originalité du roman de Bérengère Cournut tient presque entièrement dans ce titre. Parce qu’il donne la parole à une Amérindienne. De fait, l’Occident connaît de la littérature amérindienne, le plus souvent orale, les Mémoires des guerriers. Pensons aux Mémoires de Géronimo, sur l’extermination de son peuple.

Dans Née Contente à Oraibi, non seulement le narrateur se trouve être une ravissante femme, mais elle dépeint, qui plus est, un univers amérindien en paix. Un autre pan de la littérature concernant les cultures amérindiennes reste écrit par des Occidentaux. Ces livres prennent souvent la forme d’une enquête ethnographique. La méthode scientifique prime souvent sur une vision intérieure de ces cultures. Le personnage de Bérengère Cournut est « née contente » : elle ne recherche nullement à décrire le massacre de son peuple ou à en disséquer les coutumes.

Quel est le sens de ce livre ? Avec Née contente à Oraibi Bérengère Cournut se lance un défi : écrire, en français, le récit d’une jeune femme pour qui la littérature n’existe que sous une autre forme. D’où le sous-titre de Bérengère Cournut : « roman hopi ». Un livre, donc, unique en son genre !

Baudelaire disait du roman qu’il est un « genre bâtard », car il possède ce privilège de convoquer à lui tous les autres genres. Née contente à Oraibi fonctionne ainsi : le romanesque, ramené à la simple intrigue d’une vie faite d’harmonie avec la Nature et de spiritualité, glisse alors naturellement vers une poésie toute cosmologique et une dimension presque didactique du conte ou du roman d’apprentissage. Puisqu’il se déroule au sein du peuple hopi, on s’étonne (d’abord) puis l’on se réjouit (ensuite) de ce que l’Histoire n’advienne pas au récit. Son absence met en relief une autre présence : l’éloquence de la Nature et le mystère de l’existence.

Bérengère Cournut Née contente Oraibi
Bérengère Cournut

L’écriture se laisse altérer par ce changement de point de vue. Comment dans Née contente à Oraibi Bérengère Cournut parvient-elle à écrire si juste ? Qu’on se rappelle simplement ces vieux westerns où les Amérindiens sont ridiculement joués par des Blancs (voir notre article sur le Buffalo Bill d’Eric Vuillard).

De même, ne sent-on pas la voix de l’auteure affleurer ? Sans doute. Mais, à aucun moment, elle ne cherche à imiter la lettre amérindienne. Elle en capte, au mieux, l’esprit. Elle ne tombe ni dans le pittoresque des coutumes ni la fadeur de la bienveillance. Jamais le peuple hopi ne s’exprime dans une langue lacunaire ou exotique. Au contraire, la rencontre finale de l’héroïne avec un Européen les place chacun dans un mutuel rapport de compréhension. L’auteure le confesse, l’écriture s’en trouve altérée : « Avant de découvrir les terres et la culture hopi, j’écrivais en quatre couleurs. Le jour où j’ai plongé dans leur univers, j’en ai découvert quarante-huit supplémentaires ». Et au-delà, les structures narratologiques, poétiques, et la manière de penser…

Roman Née contente à Oraibi Bérengère Cournut, Éditions du Tripode, sortie le 5 janvier 2017, 19 euros, 304 pages.

* Le premier roman de Bérengère Cournut L’Écorcobaliseur était paru chez le Nouvel Attila en mai 2008.

 

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