Mi-homme, mi-animal, un artiste veut devenir autre chose qu’une bête de cirque. Avec L’Homme à la tête de lion aux éditions Sarbacane, Xavier Coste avec talent cherche une réponse à ce dilemme. Un dessin majestueux au service d’un scénario ambitieux.

Entrez, entrez Mesdames et Messieurs, sous le chapiteau Hoffmann Circus, découvrez l’attraction unique, l’Homme à la tête de lion. Directement venu d’Europe. Il va vous séduire, vous intriguer, vous interroger ». Il est là, l’homme à la tête recouverte de poils, entre la femme à barbe, l’homme le plus grand du monde, l’avaleur de sabres. Il est là entre ces bêtes de foire que les cirques se disputent au début du siècle dernier, mais alors que beaucoup d’entre eux se contentent de s’exhiber et de vivre, Hector Bibrowski, suivant le précepte d’Oscar Wilde veut aussi vivre. Star d’une foule qui se délecte des anomalies corporelles, des tares physiques, il a d’autres ambitions : il lit, se cultive et se prend à vouloir devenir peintre. À devenir un artiste, un vrai et pas un monstre de foire.

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L’Homme à la tête de lion nous emmène ainsi dans ses pérégrinations. Physiques d’abord, celles qui nous font découvrir à ses côtés Manhattan, ses rues et ses passants artificiels, ses cages qui enferment des êtres autant que des animaux et qui donnent le vertige au lecteur. Ses promenades existentielles ensuite, celles qui lui demandent de choisir ou de subir sa différence. « Mon apparence est tout autant mon fardeau que mon gagne-pain ».

Il est un homme, heureux de bien gagner sa vie, d’être admiré, d’être reconnu. Il est un animal auquel les femmes refusent leur corps, un animal dans lequel la violence se forge une place de choix, celle de la survie, de la domination. Homme de New-York ou animal de la savane, le dessin exceptionnel de Xavier Coste superpose les images, entretenant la confusion des sentiments et de l’être à double personnalité. Il reprend ici le format carré, celui du prestigieux 1984 qui lui valut reconnaissance et prix. Un format qui lui donne une grande liberté, le dispensant des habituelles cases, lui permettant d’exploiter sur un fond tramé la réalisation de doubles pages époustouflantes dans lesquelles le rouge flamboyant du rideau de cirque brûle aux côtés de jaunes incendiaires. Avec le jeune dessinateur, le monde onirique de Orwell ou de Bosco n’est jamais loin. On ne saurait évoquer son dessin sans dire son goût pour les nuits étoilées, celles qui permettent tous les rêves et tous les cauchemars, celles qui absorbent les volutes de fumée de cigarettes incandescentes et véritable fil rouge d’album en album.

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Le scénario est riche et les thèmes nombreux comme celui de la société du spectacle qui va abandonner peu à peu les freakshows pour le cinéma naissant, celui du statut de l’artiste, de la solitude, de l’amitié, de la difficulté d’être différent dans un monde où, paradoxalement, chacun dans la rue cherche à se différencier par des codes vestimentaires. Être anonyme mais identifiable.

Sans doute conforté par le succès de son album précédent, Xavier Coste ose enfin se mettre seul au scénario, sans se coller à un roman ou à un texte existant. Il démontre là qu’il est capable de créer un univers qui lui est propre et de mener à terme une histoire originale, s’inspirant très probablement de la vie réelle de l’artiste d’origine polonaise, atteint d’hypertrichose (maladie entraînant une pilosité abondante), et qui s’est produit dans la compagnie de Barnum dans les années 1900-1920.

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Rester homme ou devenir animal ? Créer pour vivre ou manger pour survivre ? Lion à intelligence humaine ou homme à corps de lion ? Xavier Coste nous laisse apporter seul les réponses à ses questions vertigineuses et passionnantes.

L’Homme à la tête de lion de Xavier Coste. Éditions Sarbacane. Format carré 25*25. 208 pages. Paru le 24 août 2022. 29€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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