300 pages de BD ! Oui, c’est ce que nous présentons, un ouvrage qui a reçu le Fauve d’or d’Angoulême, prix du meilleur album 2012. Le dessinateur, canadien, suit les affectations de son épouse à Médecins sans frontière ; après la Chine, la Corée du Nord, la Birmanie, voici Jésrusalem-Est. C’est Candide en voyage, non pas naïf mais avide de découvrir ce que les gens qu’il croise sont en train de vivre.

Guy Delisle décrit la vie ordinaire de sa famille qui s’adapte, à l’école, en visitant les lieux, en nouant des relations. La complexité est de mise à Jérusalem… entre les quartiers, entre les partis, entre les religions, entre les communautés chrétiennes. La BD de Delisle explore tout de la Ville, et plus largement d’Israël et des territoires palestiniens ; il entraîne son lecteur dans les ruelles de Mea-Shéarim ou de Hébron, dans les souks de la Vieille Ville ou sur les pentes du Mont des Oliviers, il discute avec tous, s’étonne de tout. Les dessins et croquis offrent un véritable carnet de voyage, avec une réflexion sans simplisme sur une situation qui ne voit pas d’issue en dehors de l’existence commune sur ce petit morceau de terre si convoitée. Plus engagé dans certaines pages, Guy Delisle retrace ce qu’il a perçu sur place de l’opération militaire contre Gaza, « Plomb durci », de janvier 2011, sans commentaire, avec seulement son art de saisir les enjeux, par un dessin, un schéma, un trait.

Au fil des mois, un curieux personnage emplit les pages : le mur de séparation dressé par les Israéliens en Cisjordanie. On le voit à Beit-Hanina avec des routes devenues sans issue, à Bethanie au fond du jardin des Pères passionnistes ; on le voit aussi lorsqu’il est traversé de longues heures à pied par les Palestiniens ou en voiture, aisément, par les pèlerins étrangers. Ce personnage s’est invité, il prend effectivement une si grande place, visuellement et plus encore dans les esprits, dans les habitudes. Et l’on sent dans ces pages le poids de cette vie en tension, dans la violence et la prise de possession des biens d’autrui. L’humour du trait et le comique de situations ubuesques offrent heureusement un peu de légèreté à l’ensemble.

La dernière planche représente un avion en vol dans la nuit pour quitter Israël après un an, et la page précédente, on voit un colon israélien sur le mur d’une maison palestinienne de la proche banlieue de Jérusalem-Est dont il vient de prendre possession avec : « It is my house now ! » Une longue histoire à suivre, Ville de la Paix et de la Justice.

P. Jean-Michel Amouriaux
Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem, Ed. Guy Delcourt, nov. 2011, 334 p., 25€
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