Place Guérin à Brest, l’Avenir s’organise ! Le collectif d’habitants installé sur le site de l’ancienne salle de quartier depuis 2015, s’efforce de reconstruire par-lui même, contre vents électoraux et projets immobiliers hors-sol, un lieu de vie et de culture local dédié à tous. Unidivers découvre ces lieux en compagnie d’Erwan, membre du collectif.

Avenir Place Guérin Brest
Place Guérin, Brest.
Avenir Place Guérin Brest
Discret, l’Avenir se cache au coin de la place.
Avenir Place Guérin Brest
Christophe Miossec, figure brestoise institutionnelle, gentiment grimé pour l’occasion.

Avenir Place Guérin Brest

Avenir Place Guérin Brest
Erwan, membre du collectif.

UNIDIVERS – Avenir est un collectif militant installé Place Guérin (Brest) sur l’emplacement de l’ancienne salle de l’Avenir. Qui le compose et quel est l’objet de sa lutte ?

ERWAN – Le collectif est principalement composé par des habitants du quartier, qu’ils soient ou non déjà liés à d’autres collectifs qui utilisent ce lieu. Mais d’autres viennent de l’extérieur, on est ouverts. Avenir est un collectif, personne n’est en charge. C’est comme une maison de quartier, mais à défaut d’un directeur ou d’un conseil, tous les membres du collectif décident. Dernièrement, le noyau dur est constitué d’une trentaine de personnes. C’est un lieu populaire, tout le monde est le bienvenu. Ça fait partie de la vie du quartier .

Nous occupons ce terrain, mais il ne s’agit pas d’un squat. Personne n’habite ici. Nous avons investi le terrain de façon illégale, mais légitime. Il appartient à la mairie, qui nous avait promis, en 2006, la reconstruction d’une salle de quartier. Ça ne s’est jamais fait. Alors on a investi les lieux pour construire cette salle nous-même.

Avenir Place Guérin Brest
AVENIR / NOUS VOULONS TOUT

UNIDIVERS – Pouvez-vous revenir sur l’historique de ce lieu ?

ERWAN – Avant la guerre, il y avait une salle de quartier appelée l’Avenir. Ça a continué à vivre après guerre, bals, repas de quartier, projections, etc. Au fur et à mesure, ces activités se sont délocalisées, la salle a été laissée à l’abandon. En 2005, on a fait une étude sur le quartier avec le PL Guérin (patronage laïc), l’école, les habitants, les associations du coin. Celles-ci s’étaient faites délocaliser de l’îlot Proudhon lorsque l’immeuble a été refait entièrement. Il y avait donc une forte demande pour un lieu.

L’histoire de la salle de l’Avenir, patronage religieux au début du XXe siècle, est détaillée sur le blog du collectif.

En 2006, le projet est voté à la mairie de détruire cette vieille salle insalubre pour en reconstruire une moderne, pluridisciplinaire.

On nous a promis beaucoup de choses. Les élus tenaient, à l’époque, un discours très rassurant.

En 2008, est arrivée la fameuse excuse de la crise pour ralentir les choses. En 2010, comme les locaux étaient devenus vraiment dangereux, la salle a été rasée. Il y avait encore quelques associations de théâtre qui avaient migré de l’îlot Proudhon. Elles ont fini par partir ou être délogées.

On était alors plein d’espoir, on pensait que le chantier de la salle allait commencer. Ils ont nettoyé le terrain et l’ont laissé ouvert, ça s’est transformé en parking sauvage. Ils ont fini par fermer le site, et plus de nouvelles. Ils jouaient au chat et à la souris avec nous.

En 2013. Tour de passe passe. Le terrain est cédé par la métropole à Brest Métropole Habitat (BMH). En 2015, on a eu la surprise d’apprendre le lancement d’un projet immobilier privé de Lamotte. On a reçu un courrier nous informant d’une réunion publique pour nous présenter ce projet. On est un peu tombé de notre chaise. On s’est intéressés à ce projet, du n’importe quoi. Une voie de garage qui donnait sur un passage clouté entre deux écoles, Guérin et Bugeaud, où il y a pas mal de circulation d’enfants et de parents. Le projet tournait le dos à la place, sans aucune fenêtre, ça cassait l’architecture du quartier, c’était privatif, très moderne, hors de prix pour les habitants du quartier. Ça changeait la face de Guérin, du quartier, de la place. Une grande place qui a toujours été populaire. On y rencontre des gens complètement différents, de milieux sociaux différents, même si peut-être la grande bourgeoisie ne s’y sentirait peut-être pas à l’aise…

Ici on n’est pas regardants sur les salaires, c’est l’esprit qui compte.

Avenir Place Guérin Brest

UNIDIVERS – C’est à ce moment que s’est créé le collectif Avenir ?

ERWAN – Oui. À contre-courant, on a fait une réunion publique de notre côté pour dénoncer ce projet et savoir ce que les gens en pensaient. Ça a été très négatif, et c’est à ce moment qu’on a créé le collectif pour agir. Le lieu avait été fermé depuis des années. On s’est dit que le mieux à faire était de le réinvestir, de le faire savoir, d’aller chatouiller les élus, leur mettre le nez dans leur caca, puisqu’il avait effectivement été voté en 2006 en conseil municipal, qu’il y aurait une nouvelle salle de quartier reconstruite.

On a attendu patiemment, on a cru en vous, vous nous avez embobinés, enfumés…

En 2015, on a occupé le site, on a commencé à construire un local, un réfectoire en bois, on a amené du mobilier. Maintenant on a une cuisine, un frigo, et ça évolue encore.

Avenir Place Guérin Brest

Avenir Place Guérin Brest

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UNIDIVERS – Il n’y a pas eu de tentative d’évacuation ?

ERWAN – Non, puisque c’était un embarras pour la mairie. Ce qui avait été voté n’a jamais été déclaré caduc. Le lieu a avancé, a réuni plus de monde, les constructions se sont faites, il y a eu des repas de quartiers, des concerts, même quand il n’y avait pas de bâtiment.

UNIDIVERS – Quel est l’état actuel de votre dialogue avec la mairie ?

ERWAN – On a assisté à des conseils municipaux pour faire part de nos revendications. On agissait par voie de presse, en dénonçant le projet immobilier, rapidement abandonné par Lamotte, on l’a su en 2016. Ça fait bientôt quatre ans qu’on occupe le terrain. En octobre 2018, la mairie est revenue vers nous en proposant de construire une salle, mais sous une crèche.

Il y a eu une réunion publique au cours de laquelle ils nous ont fait part de demandes pour une crèche proche du centre. Ils voulaient coupler ça avec la salle de quartier. Lors de cette réunion publique, la salle était remplie de gens venus pour défendre la salle. Ils n’ont jamais pu démarrer la présentation, personne ne voulait voir leur nouvelle proposition, une crèche dans un quartier où il y a déjà beaucoup de soucis de circulation avec les écoles, et une salle en plus !

Soi-disant, il y avait une forte demande pour une crèche dans le centre-ville. Mais en fait, ce qui les intéressait, c’était de construire une crèche sur un terrain qui leur appartenait déjà, ça faisait moins de dépenses. Ça a été repensé et finalement le projet de crèche a été voté caduc. Ils ont fini par chercher des endroits sur la rive droite, c’est que la demande ne concernait pas spécialement le centre-ville.

Actuellement, il n’y a pas de dialogue, pas de proposition. Ils nous laissent ici parce que le lieu est bien auto-géré. Et que ça avance, on construit au fur et à mesure. Je ne sais pas si on aurait encore confiance en la mairie s’il proposait de raser ce qu’on a construit pour faire une salle de quartier.

Avenir Place Guérin Brest

Avenir Place Guérin Brest

Quelque part, on n’attend plus rien d’eux. On a nos idées, nos envies, nos projets. de mois en mois, le lieu se fait connaître, il y a de plus en plus de collectifs et d’asso à venir, de gens du quartier, de tout âge, avec des idées nouvelles, et on est bien comme ça.

UNIDIVERS – Il existe aujourd’hui un fort dynamisme culturel au niveau de la ville, dont sont l’exemple les Ateliers des Capucins par exemple. Les résistances de la ville à propos de l’Avenir ne sont-elles pas contradictoires ?

ERWAN – Ce n’est pas la même formule. Aux Capucins, tout est nouveau. Le site appartenait à la marine et a été vendu à la métropole. Tout est neuf. C’est grand, c’est encensé, mais c’est pour attirer un autre public, faire de grandes manifestations, avec des commerces de luxe. À la mairie ils n’ont pas compris que les quartiers se meurent, il n’y pas d’activités, on manque d’espaces de création, d’innovation.

Eux, ils font un grand centre aux Capucins pour faire bien. De l’attractivité, pour rentabiliser le tramway et le téléphérique. Quand il y a eu le projet Lamotte, on nous avait dit qu’après la construction du tramway, il était intéressant de rénover ou de construire des immeubles sur la ligne du tramway, pour la rentabiliser. On voit d’ailleurs que cette ligne part rive droite d’une zone commerciale, traverse la ville pour repartir dans deux autres zones commerciales. Le commerce. Tout a été étudié comme ça, pour rentabiliser les grandes surfaces. Et le centre se meurt aussi, dans le haut de la rue Jean Jaurès, il n’y a plus grand chose.

Même la culture est centralisée quelque part. Alors qu’elle doit être accessible à tous, dans les quartiers, elle doit tourner, bouger.

UNIDIVERS – Qui peut utiliser les locaux de l’Avenir, et pour quoi ?

ERWAN – Des collectifs ou asso utilisent nos locaux pour des réunions, les Gilets Jaunes par exemple, d’autres y préparent des repas pour les distribuer aux sans-abri, le PL Guérin, qui gère les activités périscolaires de l’école Guérin et proposent des activités pendant les vacances. Dernièrement, des animateurs sont venus avec des enfants faire une fournée de pain dans notre four. Nous avons des manifestations l’après-midi, et des festivités le soir, avec des horaire encadrés, et dont sont prévenus les habitants du quartier.

Nos valeurs, c’est que tout le monde peut avoir accès à ce qu’on propose. Quand on fait des concerts, du théâtre, des conférences, des projections, tout est à prix libre. On ne veut pas que ce soit un lieu marchand.

Tous les mardis, nous faisons une réunion ouverte à 18 h 30. N’importe qui peut venir nous proposer des projets. Si les membres du collectif adhèrent au projet, on donne toute liberté dans l’organisation, et on peut aussi aider si besoin.

Avenir Place Guérin Brest
Le Semeur d’écume, légué à l’Avenir lors de la Foire aux croûtes.

UNIDIVERS – Quel peut-on attendre de l’Avenir prochainement ?

ERWAN – Au mois d’août, c’est calme. Mais on ouvre régulièrement pour faire avancer le chantier. On prévoit de faire le vitrage des fenêtres, puis de la peinture. Il y a toujours du jardinage, on va fabriquer une serre. Chacun amène sa pierre à l’édifice.

Le prochain événement important est un weekend de concerts et ateliers, en septembre, Punk’n’Print

Avenir Place Guérin Brest

UNIDIVERS – Merci Erwan, que l’avenir vous sourie à l’Avenir.

L’Internet de l’Avenir

Cet article s’inscrit dans une série dédiée à la vie culturelle brestoise, Un été à Brest :

BSIDE AIRLINES. VOL AU-DESSUS DE LA SCÈNE ÉLECTRO BRESTOISE 
LES ATELIERS DES CAPUCINS. UN NOUVEAU POUMON CULTUREL A BREST
BREST. UN AVENIR OUVERT À LA PLACE GUÉRIN
LIBRAIRIE DIALOGUES. UN HAVRE DE LIVRES AU CENTRE DE BREST
ASTROPOLIS 2019. GILDAS RÉVÈLE 25 ANS DE RAVE ÉVEILLÉ(E)

 

Brest
Jean Cocteau, L’Opium, 1930.

 

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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