Alignés les uns à la suite des autres, les ateliers du Mur Habité recèle un joli lot de créativité rennaise. Projet élaboré en 2017, mais enchaînant les mésaventures, les artisans-créateurs ont enfin pu prendre leurs quartiers à la fin du confinement. Certains sont déjà installés, d’autres sont en plein emménagement. Parmi eux, Aurélie Cousin s’épanouit dans l’artisanat d’art depuis septembre 2017. Elle est abat-jouriste. Fabricante et restauratrice d’abat-jours, elle utilise un savoir-faire traditionnel et laisse parler ses mains pour des créations uniques. Unidivers a pénétré son atelier pour découvrir qui se cache derrière ce métier peu connu.
« On peut déterminer la lumière que l’on veut avoir avec un abat-jour : une lumière tamisée ou éclairante, un volume fermé qui dirige la lumière, etc. »
Il est présent dans tous les intérieurs, éclaire une pièce ou tamise la lumière. Qu’il soit fleuri ou uni, petit ou grand, l’abat-jour peut apporter une touche singulière, un style. Cependant, dans les grands allées des magasins, la gamme de couleurs se décline généralement du beige vers noir, éventuellement quelques couleurs par-ci par-là, mais toujours des produits standardisés. Sans âmes. Métier trop méconnu, peu de personnes se doutent qu’un véritable savoir-faire se cache derrière la conception d’abat-jours. « J’ai pris le parti de ne travailler que l’abat-jour, car j’ai envie que ce métier soit connu et reconnu, qu’il ne soit plus considéré comme une activité désuète ou de loisirs-créatifs. Le métier d’abat-jouriste relève de l’artisanat d’art. Nous utilisons un savoir-faire reconnu par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat », souligne Aurélie Cousin, abat-jouriste depuis bientôt trois ans.
Diplômée d’une licence arts-plastiques et auparavant vendeuse de luminaires, le monde d’Aurélie Cousin tourne aujourd’hui autour de la lumière. Fabricante et restauratrice d’abat-jours, cette activité professionnelle, insolite pour certains et obsolète – à tort- pour d’autres, est devenue une véritable passion. Fraîchement installée dans son atelier du Mur Habité (ateliers pour les artisans d’art dans le quartier de Cleunay, à proximité des Ateliers du Vent), c’est entre ces quatre murs que la magie artisanale opère. Une petite réserve de tissus est entassée non loin de la machine à coudre, des abat-jours sont suspendus au plafond aux côtés des baladeuses, des appliques sont accrochées au mur du fond et des lampes sont posées sur les étagères alors que des carcasses attendent d’être apprêtées. Dans un univers art-déco et rétro, les couleurs et styles sont différents, mais le savoir-faire authentique.
Arrivée sur Rennes en 2006, Aurélie Cousin a travaillé neuf ans dans un magasin de luminaires à Chantepie. Une expérience qui lui a ouvert les portes d’un nouvel univers artistique auquel elle ne s’attendait pas forcément. « On vendait beaucoup d’abat-jours. Les clients venaient avec de beaux pieds de lampe, mais on ne pouvait leur proposer que des modèles assez communs en remplacement de ceux conçus spécifiquement pour ce pied. J’y ai alors vu une brèche, mais sans plus ». Son métier de vendeuse lui apprend à reconnaître les tissus et l’impact de chacun sur la lumière, à aimer tout ce qui touche à la lumière. Elle saute finalement le pas en 2017. « J’ai suivi une formation auprès d’une abat-jouriste en Vendée. Elle est tisserande de métier et travaille particulièrement le lin. Son mari ébéniste lui réalisait des tournures de bois. Avec, elle confectionnait des pieds de lampe et fabriquait des abat-jours en lin – se souvient-elle. Elle proposait la conception d’abat-jours en option dans son centre de formation de couture. Elle ne montre pas ce savoir à tout le monde, mais a accepté de me former pendant six mois. Elle avait certainement vu mon parcours et on s’est très bien entendues. Elle m’a expliqué tout ce qu’elle savait et m’a montré toutes les facettes du métier ».
Parallèlement à cette formation, Aurélie Cousin enrichit ce nouveau savoir d’autres techniques, en autodidacte cette fois. Cette curiosité et boulimie de connaissances lui permettent aujourd’hui de réaliser des abat-jours à sa façon. Un touche personnelle que l’on peut également voir comme une signature. « L’abat-jour cousu est ma spécialité, peu utilisent cette technique et beaucoup me contactent pour cette raison. J’ai choisi d’apporter des motifs animaliers ou fleuris, des matières différentes et surtout personnalisées ».
« L’applique Marylou est un projet qui me tenait à cœur, car c’est un modèle inhabituel. L’aspect coupé donne un style intéressant, original et moderne à une pièce. J’ai créé la forme avec un carcassier »
Après plusieurs années, un abat-jour se défraîchit. Il perd de sa splendeur. Il arrive que la couleur ternisse, que le tissu se détende, etc. Avec créativité et imagination, Aurélie Cousin laisse parler ses mains et travaille au cas par cas. Elle illumine les intérieurs de ses clients. « Le métier d’abat-jouriste se décline en plusieurs facettes. D’un côté, il y a mes propres créations et la confection sur-mesure, les clients choisissent le tissu, les finitions, la forme, etc. Par exemple, on m’amène parfois des pieds de lampe sans abat-jour ; de l’autre, la réflection d’abat-jour. Les personnes m’apportent leur ancien abat-jour que je restaure. On est aussi sur du sur-mesure, mais je réutilise l’ancien modèle pour faire du neuf, à l’identique ou en le modernisant ».
Applique Marylou, lampe Thelma, abat-jour Josepha, suspension Louise… Elle nomme ses modèles avec des prénoms qui lui sont chers. Chaque création est personnalisée et unique, conçue en fonction du lieu et de la décoration des commanditaires. « Les clients me donnent parfois carte blanche, mais en général je communique énormément avec eux. Cela me permet de comprendre ce qu’ils recherchent autant au niveau de la forme qu’au niveau du style qu’ils recherchent ».
« La lumière passe mieux avec des formes plus ouvertes, mais sa diffusion dépend essentiellement du choix du tissu. Certains sont plus opacifiants que d’autres. Si un client veut orienter la lumière seulement sur une table par exemple, je peux faire en sorte que le luminaire n’éclaire que cette zone. De même s’il veut qu’il éclaire toute la pièce »
Après la confection d’abat-jours pour le bistrot Cocagne en 2018 ou la patinoire Le Bliss pour la période de Noël 2018 – réutilisés en 2019, Aurélie Cousin semble repartir sur les chapeaux de roue après la période de confinement. « Le chef cuisinier Guillaume Leray ouvre un restaurant intra-muros à Saint-Malo début juillet. Le concept est particulier et novateur, les clients seront plongés dans une maison des années 60… il m’a fait confiance pour la réalisation d’abat-jours rétro, notamment une grande applique dans l’esprit de l’applique Marylou, mais qui fera plus d’un mètre de haut ».
Après trois ans d’activité, Aurélie Cousin pourra bientôt prétendre au label artisanat d’art. Une belle manière de rendre une nouvelle fois ses lettres de noblesse à ce beau savoir-faire.
Aurélie Cousin Abat-Jour – Artisan Créateur
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DÉPOTS À RENNES
Chouette, boutique de créateurs