En mode silencieux depuis 2012, Godspeed You! Black Emperor revient enfin ! Tout en crissement, en élévations électriques, en trépignements de cordes et en crépitations soniques. Asunder, sweet and other distress propose un paysage sonore au lyrisme maladif et méditatif aussi énigmatique que son titre.

 

asunder-sweet-and-other-distress-godspeed-you-black-emperorEn quatre morceaux et à peine un peu plus de 40 minutes le collectif canadien condense tout ce qui musicalement a fait sa réputation. Rage post-punk obstinée et pacifiante, apophatiques méditations spasmodiques, chaotiques déchirements, délicieux crépitements apoplectiques :   Peasantry or Light! Inside of Light! ouvre les hostilités sous la forme massive d’une sorte de stoner écrasant, pesant et sombre. L’entrée des cordes est comme la percée d’une lumière rase, une mélodie presque guillerette nous assaille, elle inverse le cours du mur de son des guitares pour transmuer l’ensemble en hymne lyrique qui imperceptiblement s’éteint et se fond dans une pièce musicale aux atours prog-rock, aux accents presque pop, diaphane. Stratagème qui masque l’arrivée d’une sourde tempête. Grognements distordus d’une basse ultra lourde, Lambs’ breath sera le tombeau des espoirs entrevus dans les envolées lyriques des premières minutes. Même la violence de la basse ne pourra s’avérer un repaire, un repère.

Elle se tait face à la touffeur stridente d’une longue plage de drone où cinglent les larsens comme autant de grains de sables électriques dans la blancheur muette d’un paysage écrasé de soleil. Le souffle de l’agneau est agonique, c’est un râle sonique enveloppant, remué de spasmes lents et irréguliers, de collapsus aiguisés et tranchants qui se poursuivent et se font plus déchirants encore avant d’atteindre, dans Asunder, Sweet au paroxysme d’un maelstrom cinglant et dissonant de cordes folles, crépitements d’insectes nucléaires nostalgiques qui dérivent vers les notes crissantes de colère rentrée d’une guitare esseulée avant de se révéler dans Piss crowns are trebled,  grand bonheur d’une psalmodie post-rock plus rauque, plus directe et sauvage, plus ardente et urgente que le lyrisme un peu trop évident du premier titre. Ici le violon, en tempérant ses envolées, ourle la sauvagerie d’un velours folk, discrète passementerie organique, traditionnelle, qui oriente la tornade post-industrielle vers un enracinement atemporel (on songe vaguement à la rage subtile des meilleurs compositions des trop méconnus Savage Republic, particulièrement l’admirable Varvakios).

Admirablement construit ce cinquième effort sonique de Godspeed You! Black Emperor est sans doute moins ardu, moins complexe que leurs précédents opus mais le sujet, ainsi que le son et la production, sont parfaitement maîtrisés. De cette apparente simplicité la radicalité expressive se trouve exaltée.

Godspeed You! Black Emperor, Asunder, sweet and other distress, CD, quatre titres, Constellation records, 2015

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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